Un CPI annonciateur d’une pause de la Fed?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Un headline qui monte, un core qui baisse

La publication du CPI américain aura bien lieu demain mais ce qui fait vibrer les marchés, ce sont surtout ses conséquences potentielles sur le FOMC du 20 septembre. Si la progression MoM est conforme aux attentes (0,6% en août), l’indice repassera au-dessus de 3,5% sur un an. Cependant, si l’indice hors alimentation et énergie (surtout énergie!) ralentit de 4,7% à 4,3%, il y a fort à parier que les marchés privilégieront cet indicateur Core. Nous risquons donc de connaître une semaine supplémentaire sous le signe du soft landing combiné à une amélioration de l’inflation. Certains membres de la Fed n’hésitent plus à affirmer qu’aujourd’hui, il n’y a rien d’urgent qui permettrait de justifier une hausse supplémentaire des taux directeurs américains. Une pause de la Fed le 20 septembre n’est donc pas exclue. Si cela devait être le cas, il ne faudra pas aller trop vite en besogne et conclure qu’il s’agit d’une première pause annonçant un plateau et que le prochain mouvement des Fed funds en 2024 sera à la baisse. La Fed est «data dependant» et il faut intégrer la possibilité d’une reprise du mouvement de hausse(s) de taux après une ou deux pauses éventuelles si les banquiers centraux estiment que cela s’avère nécessaire.

La dégradation du PIB réel fait encore débat car si la grande majorité des investisseurs privilégie l’atterrissage en douceur, il y a toujours quelques partisans de la «mild recession» et d’autres (devenus très minoritaires) qui craignent une récession plus franche et brutale. En revanche, la décrue du PIB nominal ne passionne pas les foules et ne suscite pas de controverses puisque pratiquement tout le monde s’accorde à dire qu’elle est inéluctable. Il faut s’intéresser au PIB nominal car c’est le carburant principal de la hausse des marchés actions. Si Wall Street se rapproche de la panne, est-ce que ce sera l’élément déclencheur d’un retour des taux longs à 4%?

Deux facteurs hors du marché domestique US vont sans doute jouer un rôle majeur dans les jours qui viennent.
Le calme avant la tempête sur les taux longs?

Les taux longs se maintiennent aux alentours de 4,30% et donnent une impression d’immobilité. Pourtant la courbe n’est pas statique avec un 2 ans qui semble repasser au-dessous de 5% (logique si la pause de la Fed dans une semaine devient quasi-certaine) et surtout une pente 5-30 ans qui a passé une bonne partie de la semaine passée à zéro. Le mouvement de «désinversion» est-il durablement enclenché? Deux facteurs hors du marché domestique US vont sans doute jouer un rôle majeur dans les jours qui viennent. Tout d’abord, la décision de la BCE jeudi sera scrutée par les marchés. Un statuquo est très probable sur le Vieux Continent car si l’inflation se maintient à un niveau problématique pour la banque centrale, la croissance pique du nez et la récession s’invite dans l’équation. Si Jay Powell éprouve des difficultés, celles-ci ne sont pas comparables à celles que doit surmonter Madame Lagarde. La BCE devrait théoriquement monter ses taux car le niveau d’inflation est problématique mais déjà songer à les baisser pour relancer des économies en berne. Etant la banque centrale de nombreux pays, la BCE pourrait s’en sortir grâce à une stratégie agressive: poursuivre une politique monétaire restrictive pour combattre l’inflation tout en tolérant que les gouvernements de quelques pays en récession (mais surtout pas les autres!) conduisent une politique budgétaire de relance, plus ou moins généreuse en fonction de l’ampleur de leur récession domestique.

Le second sujet concerne les taux longs japonais. Ils montent lentement mais sûrement et le 10 ans JGB a dépassé le niveau de 0,70%. Du jamais vu pour les plus jeunes d’entre nous puisque nous retrouvons aujourd’hui un rendement que nous n’avions plus constaté depuis le 10 janvier 2014! Etant donné que le plafond de taux du JGB a été relevé à 1% récemment, il paraît inéluctable que nous serons proches de ce taux-plafond en fin d’année. Reste une question majeure : est-ce que ce phénomène aura une influence sur le comportement des taux US qui sont déjà passés de 4% le jour du meeting de la BoJ à 4,30% aujourd’hui? et dans l’affirmative, de quelle ampleur? La grande majorité des investisseurs estime que des taux longs situés entre leur niveau actuel et 4,5% permettent d’envisager sereinement une augmentation de duration dans les portefeuilles, d’autant plus que la convexité est redevenue un paramètre non négligeable dans la prise de décision en faveur des long bonds. Enfin, le débat n’en est qu’à son début, au moment de rallonger la duration à travers des investissements en taux longs, faut-il privilégier les Treasuries classiques à taux nominaux ou les TIPS à taux réels (indexés inflation)? Ce sera l’un des thèmes de notre chronique de mardi prochain.

 

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