Bye bye recession, hello soft landing

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Tendance incertaine sur les taux

Les marchés obligataires ne savent plus trop sur quel pied danser. En premier lieu, il convient de constater que la volatilité qui sévissait sur les marchés actions est en grande partie passée du côté des taux en quelques mois. Depuis une dizaine de jours, il est compliqué de trouver des raisons logiques pour expliquer certains mouvements. Des minutes de la Fed hawkish? Oui, et alors? Rien de nouveau par rapport aux interventions de Jay Powell au cours des dernières semaines. Un CPI qui s’effondre de 1% soudainement? C’était prévu depuis bien longtemps puisque l’on allait enfin retirer du glissement annuel le +1,2% de juin 2022! Que feront les marchés le 10 août lorsque le CPI YoY remontera mécaniquement puisque cette fois-ci c’est le 0% MoM de juillet 2022 qui sera retiré au profit d’un juillet 2023 supérieur à zéro?

Si les marchés de taux sont déboussolés et s’embarquent dans des mouvements exagérés sur des nouvelles déjà connues de tous, ou dans des variations contre-intuitives, pour ne pas dire illogiques, c’est parce que nous sommes en période de transition au cours de laquelle les partisans de la récession deviennent largement minoritaires. Le plus grand nombre, convaincu par le tandem de choc Yellen-Powell, penche désormais pour un soft landing. Un double soft landing pour être précis: un atterrissage en douceur simultané de la croissance et de l’inflation qui pourrait valider le scénario d’une longue pause de la Fed après un dernier petit geste de 25bp le 26 juillet. «Higher for longer» est le nouveau consensus. En effet, plus besoin de monter les taux puisque l’inflation rentre dans le rang lentement mais sûrement. Pas besoin de les baisser non plus car si la croissance fléchit, nous resterons tout de même dans une zone à +1,8% pour Q3 et 1,2% pour Q4. Un niveau certes faible mais suffisamment éloigné de la zone rouge pour que la banque centrale maintienne un statuquo. D’autant plus que, répétons-le pour la énième fois, si le cycle de hausses de taux est proche de son terme, le Quantitative Tightening n’est pas prêt de s’arrêter.

A vouloir suivre les marchés de trop près, il est souvent inéluctable de se prendre les pieds dans le tapis, comme par exemple acheter le 10 ans US à 3,80% et le revendre à 4% sous stress.

Deux grains de sable, un gros et un plus petit, peuvent perturber ce scénario. Commençons par le petit, la saison des résultats ne s’annonce pas grandiose (euphémisme) et quand Wall Street tousse, la Fed s’enrhume. Ensuite, et c’est le point de loin le plus important, la Chine ralentit (deuxième euphémisme). Et si la clé de tous nos problèmes était détenue non pas par la Fed, encore moins par la BCE, mais par la PBoC? Janet Yellen l’a reconnu en début de semaine: elle s’inquiète sérieusement du ralentissement chinois qui, s’il devenait plus fort, pourrait mettre à mal la croissance de nombreux pays (asiatiques en premier lieu mais pas seulement) qui comptent sur la vigueur de la croissance chinoise pour asseoir la leur sur des niveaux satisfaisants. Bien entendu, Madame Yellen s’est empressée de préciser le plus sérieusement du monde que toutes ce péripéties chinoises ne remettent pas du tout en cause son scénario de soft landing aux Etats-Unis. C’est donc en grande partie sur les épaules de la PBoC que repose désormais le sort de la croissance mondiale. En théorie, elle a très largement les capacités de faire face, financièrement et stratégiquement, mais est-ce que cela sera suffisant? Et surtout, comment les marchés vont-ils réagir?      

Il est urgent de ne rien faire

A vouloir suivre les marchés de trop près, il est souvent inéluctable de se prendre les pieds dans le tapis, comme par exemple acheter le 10 ans US à 3,80% et le revendre à 4% sous stress. En période estivale, les volumes de transactions plus faibles et la volatilité plus grande incitent à la prudence et à l’humilité. Il est préférable de gérer les portefeuilles en fonction de nos convictions, une fois celles-ci confirmées après étude approfondie. Faire la girouette au gré des statistiques ne paie pas! Nous maintenons donc nos convictions en appliquant la vieille tactique «il est urgent de ne rien faire», sauf bouleversement inattendu bien entendu. Elles se résument en une succession de «oui» teintée de nuances allant du «oui mais» au «oui bien sûr».

Oui à l’Investment Grade pour son carry intéressant mais plus en gestion active sur ces niveaux de spreads trop faibles. Oui, mais à dose homéopathique, aux corporates hybrides après un parcours brillant (+4% depuis le début de l’année) qui ne pourra sans doute pas tenir ce rythme effréné au cours du second semestre. Un grand oui à la duration longue avec un fond de portefeuille en 20 ans toujours au-dessus de 4%, entouré par du 10 ans et du 30 ans. Un très grand oui aux bons du trésor à court terme à 5,5% et enfin un énorme oui aux TIPS courts en «buy and hold» (3,10% de taux réel à 18 mois). Prochain test pour nos différents «oui» mercredi prochain avec un FOMC assez prévisible et un Jay Powell au top de sa forme!

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