Croissance, inflation et courbe inversée (saison 2)

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

GDP et PCE en ordre dispersé

La semaine dernière aurait pu être tranquille mais les statistiques US adorent jouer avec nos nerfs. C’est sans doute pour cela que depuis le début de l’année, les marchés obligataires sont plus volatils que les marchés actions! Jeudi, la publication du GDP du premier trimestre a semé la pagaille. Une estimation finale à 2% (contre une estimation précédente à 1,3% et une révision anticipée à 1,4%) a propulsé les taux US vers des niveaux élevés, mais pas suffisants pour nous inciter à remettre de la duration. Sans vouloir à tout prix minimiser l’intérêt de cette statistique, rappelons tout de même deux faits: premièrement, nous avons toujours du mal à nous enthousiasmer (ou à nous inquiéter) à propos d’une donnée économique qui couvre une période vieille de six à trois mois. Ce qui nous intéresse au plus haut point, ce n’est même pas la croissance de Q2, mais celle qui démarre aujourd’hui pour Q3. Ensuite, c’est une statistique «à l’américaine», une donnée trimestrielle mais annualisée. Est-ce que la Fed, le 26 juillet va modifier sa politique monétaire à cause d’une croissance supérieure de 0,2% entre janvier et mars? 

A peine remis de cette nouvelle soi-disant rassurante sur la croissance US, les chiffres d’inflation PCE ont confirmé que le ralentissement de l’inflation se poursuit mais qu’à ce rythme, nous atteindrons les 2% en 2025 au minimum. Le PCE Core s’affiche désormais à 4,6% soit une cinquantaine de points de base au-dessous des taux Fed funds (milieu de fourchette). La politique monétaire est enfin restrictive pour de bon et ce n’est pas terminé. Deux hausses de taux vont sans doute être nécessaires selon les membres du FOMC et la politique de réduction de la taille du bilan ne sera pas abandonnée dans un proche avenir. Notons à ce sujet que le 28 juin, elle est revenue (certes à 900 millions près) à son niveau du 1er mars. Le Quantitative Tightening aura mis trois mois et demi pour digérer les affaires SVB et autres banques régionales. Mais désormais, nous sommes bien repartis pour passer prochainement au-dessous de ce niveau de 8 trillions. 

Aujourd’hui, l’inversion est presque parfaite. Le taux à 2 ans est plus élevé que celui à 5 ans, lui-même au-dessus du 10 ans.
Courbe inversée, encore et toujours

La semaine dernière, nous avions remarqué que l’inversion 2-10 ans était retournée à -100 bp, elle atteint désormais -110bp. Mais il y a plus important : aujourd’hui, l’inversion est presque parfaite. Le taux à 2 ans est plus élevé que celui à 5 ans, lui-même au-dessus du 10 ans. Ce dernier faisant jeu égal avec le 30 ans. Nous sommes donc en «hyper-inversio » et ce n’est pas anodin! Dans cette analyse, nous n’avons pris que les maturités benchmarks. Le 20 ans, dont nous vous avons parlé à maintes reprises, poursuit son chemin au-dessus de 4%. Une de nos obligations préférées, le TIPS janvier 2025 (dont la maturité s’élève désormais à un an et demi) affiche un rendement réel de 3,02%. Cela fait réfléchir. Son homologue à taux nominal présente un yield de 5,22%. Lequel choisir  les deux options sont intéressantes et méritent toute notre attention. Un panachage des deux stratégies semble une option valable mais s’il ne fallait en choisir qu’une seule, le TIPS remporterait nos suffrages avec son breakeven d’inflation 18 mois à 2,20%.

Nous évoquions l’impact que pourrait avoir sur les taux longs US l’éventuelle décision de la BoJ d’abandonner sa politique de Yield Curve Control. Le dernier rapport Tankan semble indiquer que l’économie japonaise est peut-être en train d’atteindre son top (ce qui ne veut absolument pas dire que les indices boursiers nippons seraient également toppish). A court terme, le Tankan est simplement un allié de circonstance des taux longs US et nos craintes concernant la BoJ étaient sans doute exagérées. Cela ne signifie en aucun cas que nous allons diminuer notre niveau de vigilance. La première moitié de l’année est donc derrière nous et rappelons-nous que les stratégistes obligataires nous promettaient un excellent cru pour le millésime 2023. Alors comme la période est propice aux bulletins scolaires, nous noterons ce premier semestre «bien mais peut mieux faire». C’est tout ce que nous nous souhaitons pour ce second semestre.
 

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