Les Faulombes et les Colcons

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

L’inflation, meilleur ennemi des gouvernements

Après le «dovish hike» de la BCE, nous avons eu droit à la «hawkish pause» de la Fed (et accessoirement de la BNS chez nous). Il y a de quoi en perdre son latin, ou plutôt son ornithologie, entre les faucons un peu colombes et les colombes aux discours de faucons. Pour résumer la situation, la Fed estime que le scénario d’atterrissage en douceur est possible et que l’inflation sera ramenée vers 2% après une ou deux hausses de taux supplémentaires suivies d’une longue pause qui rend illusoire tout espoir de baisse de taux en 2024.

La BCE, quant à elle, se sent plus concernée par le ralentissement – et on la comprend – mais se doit malgré tout de poursuivre une politique restrictive car l’inflation est encore élevée et plus élevée qu’ailleurs. Elle part également de plus loin car elle a monté ses taux de «seulement» 4,5% (taux de dépôt de -0,5% à 4% et Refi de 0% à 4,5%) contre +5,25% pour la Fed (Fed funds de 0%-0,25% à 5,25%-5,5%).

Nous ne sommes pas loin de penser que, loin des discours de façade, certains gouvernements, et celui des Etats-Unis en premier lieu, ne voient finalement pas d’un si mauvais œil cette inflation qui tombe du ciel depuis deux ans. En effet, la masse de dette souveraine a grimpé (pour de bonnes raisons comme la crise Covid mais pas seulement) pour atteindre des niveaux qui deviennent insoutenables. Quelle est la meilleure solution, hors défaut et guerre mondiale, pour gérer ce lourd fardeau? L’inflation bien sûr!

Souvenons-nous de ce qu’on nous promettait il y a neuf mois: 2023, l’année des obligations, «bonds are back».

Nous allons donc vraisemblablement assister à des bras de fer entre banques centrales et gouvernements, les unes continuant d’appuyer sur la pédale de frein et les autres enfonçant généreusement la pédale d’accélérateur. L’inflation possède également des avantages du côté de Wall Street. Etant donné que le carburant principal des marchés actions est le PIB nominal, un peu plus d’inflation «compensant» la baisse du PIB réel est plutôt une bonne nouvelle qui permettra d’éviter des déconvenues sur le «S&P 493». De là à imaginer un retour de TINA… avec un taux sans risque qui va avoisiner les 6% cela va devenir difficile, mais pas impossible.

Stratégie du quatrième trimestre

A la veille d’aborder un quatrième trimestre de tous les dangers, souvenons-nous de ce qu’on nous promettait il y a neuf mois: 2023, l’année des obligations, «bonds are back». Quelques segments de niches (notre portefeuille hybrides corporates euro s’approche de +5% YTD) s’en sortent assez bien mais sur les indices gouvernementaux, c’est plutôt grise mine au menu. Avant d’aborder le sujet de la stratégie que nous adoptons actuellement, il est bon de rappeler deux principes, le carry et la convexité. Sur les taux courts à maturités 1-3 ans, nous sommes relativement bien protégés. Pour perdre de l’argent aujourd’hui sur les taux courts 1-3 ans, il faudrait envisager une correction de l’ordre de 300bp! Dans le même ordre d’idée, investir en Treasuries à 10 ans offrant un rendement de 4,5% avec une forte convexité, c’est maximiser significativement son profil espérance de gain / risque de perte.

Nous poursuivons désormais une stratégie visant à protéger les portefeuilles à court terme (soit le quatrième trimestre) contre toute mauvaise surprise supplémentaire. Les taux longs vont rebaisser mais pas tout de suite. En revanche, plus ils montent, plus ils redescendront fortement le jour venu. Aujourd’hui, ils semblent bien partis pour atteindre des niveaux plus élevés. Nous voyons donc trois sources majeures de performance à court terme.

En premier lieu, nous privilégions les emprunts du Trésor US à 12-18 mois à 5,3%-5,4%, ensuite, nous investissons toujours en taux réels (TIPS) sur la partie 18 mois-3 ans et enfin, nous conservons les crédits Investment Grade de bonne qualité sur des maturités 2-5 ans. Ces trois stratégies combinées ont un point commun, le «buy and hold». Sauf accident ou changement brutal de contexte macroéconomique, nous allons conserver une grande partie de ces emprunts jusqu’à maturité.

Sur le moyen-long terme et en complément de ces trois marchés privilégiés, nous allons poursuivre une stratégie d’overlay de duration avec des investissements actifs et dynamiques en 10-30 ans. Aujourd’hui, avec un 10 ans à 4,5% et un 30 ans à 4,6%, nous pouvons nous permettre de conserver de la duration à dose raisonnable. De surcroît, nous considérons toujours cette dernière comme notre assurance-vie anti-black swan.

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