Les perspectives pour la duration en 2024

Valentin Bissat, Mirabaud

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Au vue de la possible pentification de la courbe des taux d’intérêt à court terme, il semble encore trop tôt pour rallonger davantage la duration de la poche obligataire.

Après un automne brutal qui a vu le taux de rendement du Trésor américain à 10 ans dépasser 5%, un scénario d’atterrissage en douceur de l’activité aux États-Unis et de fortes baisses des taux directeurs est désormais largement intégré dans les valorisations. La volatilité obligataire reste cependant élevée et la question d’une reprise de la tendance baissière de la partie longue de la courbe des taux se pose.

Une des leçons de l’année dernière est certainement la vitesse à laquelle les investisseurs ont navigué entre les différents narratifs de marché. A la perspective d’une spirale prix-salaire en Europe et aux États-Unis se sont ajoutées des craintes quant aux besoins de financement du Trésor américain. Les anticipations très agressives de baisses des taux directeurs ont finalement mis ces problèmes sous le tapis.

Une décomposition des rendements obligataires à long terme en deux composantes fondamentales – la moyenne des taux à court terme anticipés par les investisseurs sur l’horizon de l’obligation et la prime à terme qui représente la rémunération supplémentaire que les investisseurs exigent pour détenir une obligation à long terme en raison des risques et de l’incertitude – permet de se faire une idée plus précise de l’évolution des taux obligataires ces derniers mois.

La marge de manœuvre des banquiers centraux dépendra également de la trajectoire de l’inflation. 

L’anticipation des taux courts sur un horizon de 10 ans peut être considérée comme raisonnable. Malgré les sept baisses des taux directeurs prévues par les investisseurs cette année, cette composante à long terme reste très nettement supérieure au taux d’équilibre estimé entre 2,5% et 3,0% aux États-Unis. Dans un scénario possible de hard landing, un assouplissement plus marqué de la politique monétaire n’est d’ailleurs pas à exclure. La marge de manœuvre des banquiers centraux dépendra également de la trajectoire de l’inflation. Aux États-Unis, la dynamique sur les prix des services reste forte et la variation de l’inflation sous-jacente sur 3 mois est orientée à la hausse, soutenue par la croissance salariale. En Europe, la faiblesse de l’activité économique et le ralentissement du marché du travail devraient entrainer une décélération rapide des salaires. Ainsi, les risques sur l’inflation y sont plus limités.

En ce qui concerne la prime à terme, la baisse observée depuis le mois d’octobre est plus surprenante compte tenu des incertitudes politiques, géopolitiques et fiscales. Dans un premier temps, la hausse continue des déficits budgétaires et les défis structurels auxquels font face les pays développés devraient entrainer une hausse de cette prime vers sa moyenne de long terme ces prochains mois. Dans un second temps, les milliards de dollars placés dans des fonds du marché monétaire pourraient se tourner vers les marchés obligataires dès que le mouvement de baisse des taux directeurs sera enclenché. L’arrêt de la baisse du bilan de la Réserve fédérale américaine que nous attendons cet été entrainera par ailleurs une baisse de l’offre de duration sur le marché qui pourrait être bénéfique pour la partie longue de la courbe.

Après une performance du marché obligataire souverain américain de 4% en 2023 soutenue par le paiement des coupons – les rendements ont terminé l’année sur les mêmes niveaux qu’ils l’avaient commencée –, cette année devrait également offrir des performances positives grâce à la baisse des rendements. Comme nous pourrions assister à une pentification de la courbe des taux d’intérêt à court terme, il est cependant encore trop tôt pour rallonger davantage la duration de la poche obligataire et il est préférable d’attendre une normalisation de la prime à terme.

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