Le dilemme de la Fed

Valentin Bissat, Mirabaud

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L’inversion prononcée de la courbe des taux est un signal que les risques de récession augmentent.

La tâche se complique pour la Réserve fédérale. La mise sous tutelle de trois banques régionales américaines pourrait la forcer à faire un choix, à priori antagoniste, entre la gestion des risques de contagion sur le système financier et son combat contre l’inflation. Les investisseurs ont déjà leur avis, comme en atteste la trajectoire attendue des taux directeurs de la banque centrale : le taux final est désormais attendu à 4.8% – soit près de 90 points de base de moins qu’au début du mois de mars – et un assouplissement monétaire est prévu durant le deuxième semestre.

Pourtant, la Réserve fédérale dispose des outils nécessaires pour régler ces problèmes de liquidité à travers son programme de refinancement, tout en résolvant le risque d'inflation par une poursuite de la hausse des taux d'intérêt. En l’absence de répercussions sur l’économie réelle, il n’y a pas lieu pour la Réserve fédérale d’infléchir sa politique monétaire. Le secteur bancaire pourrait resserrer ses conditions d’octroi de prêts à l’avenir, mais cette tendance est déjà à l’œuvre depuis quelques mois en raison du ralentissement de la croissance et du niveau élevé des taux d’intérêt. Les appels à un assouplissement monétaire nous semblent prématurés et la décision récente de la BCE de poursuivre ses hausses de taux va également dans ce sens. Une pause lors de sa réunion de mars reste cependant une éventualité le temps que la situation se normalise.

Quoi qu’il en soit, la volatilité actuelle sur les marchés financiers est aussi la conséquence de l'abandon par les banques centrales des politiques de forward guidance en faveur d’une dépendance à l'égard des données d’activité réelles. Ces indicateurs retardés du cycle économique peuvent être fortement influencés par des effets saisonniers extraordinaires qui rendent leur interprétation difficile, comme en atteste le dernier rapport de l’emploi aux États-Unis.

Quand la météo s’en mêle

Depuis le début de l’année, l’économie américaine a détruit 1.4 million d’emplois. On est loin des 800'000 créations d’emploi dont se félicitait encore récemment Joe Biden. D’où vient cette différence ? Des ajustements saisonniers. Les instituts statistiques corrigent les variations saisonnières pour éliminer la partie de la variation attribuable aux phénomènes météorologiques normaux. Cela permet d'observer le cycle économique sous-jacent sans biais. En janvier, l’économie américaine détruit « traditionnellement » un nombre important d’emplois lorsque l’activité ralentit et que les personnes travaillant pendant les vacances de fin d’année sont licenciées. Sur le mois, des pertes d’emploi inférieures à 3 millions donnent un chiffre positif après ajustement saisonnier. Ainsi, de fortes réductions d’emploi paraissent être de larges gains. En février, la situation s’inverse et l’économie doit créer plus de 800'000 emplois pour que les chiffres corrigés des variations saisonnières soient positifs. Des épisodes météorologiques anormaux – le mois de janvier a été l’un des mois de janvier les plus chauds de ces 30 dernières années – rendent donc compliquée l’interprétation de certaines données économiques. Dans ce cadre, on comprend d’autant plus facilement l’incertitude dans laquelle sont plongés des marchés toujours plus myopes.

Privilégier le crédit

La résilience de l’activité ne doit pas cacher le fait que la croissance économique ralentit. L’inversion prononcée de la courbe des taux est un signal que les risques de récession augmentent. Elle devrait cependant rester modeste. Dans cet environnement, le crédit demeure plus attractif que les marchés actions. Sur ces derniers, les attentes en matière de bénéfices restent élevées pour les entreprises compte tenu des coûts salariaux élevés, des pressions croissantes sur les coûts du capital et d’un risque de ralentissement de la demande. En termes de valorisation, les actions internationales sont plus attractives que les actions américaines, alors que le facteur value pourrait de nouveau sous-performer les titres de croissance.

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