Italie: un premier écart budgétaire?

Axel Botte, Ostrum AM

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Le déficit démesuré de trésorerie de l’Italie doit être surveillé, alors que la BCE resserre encore sa politique.

Le marché obligataire italien semble immunisé contre les hausses de taux, traversant sans encombre la volatilité et les turbulences bancaires du mois de mars. La détérioration significative des finances publiques est passée inaperçue. Les chiffres mensuels du solde public et les projections des besoins de financement sont examinées pour évaluer le risque d’une surprise défavorable sur les marchés de la dette italienne, alors que la BCE poursuit son resserrement monétaire.

Les derniers chiffres de déficit

La dette publique italienne (2700 milliards d’euros, soit 144% du PIB en décembre 2022) est depuis longtemps une source d’inquiétude pour les marchés financiers. Les révisions apportées au déficit public à la suite de nouvelles règles comptables européennes sont édifiantes: 9,7% du PIB en 2020 (contre 9,5% initialement communiqués), 9,0% (contre 7,2%) en 2021 et 8% en 2022 par rapport à un objectif de 5,6% fixé en novembre. Alors que la BCE augmente les taux d’intérêt et a entamé la réduction de son portefeuille, la situation des finances italiennes mérite d’être surveillée.

Le suivi des finances publiques peut être difficile. Le solde de caisse de l’administration centrale peut ne pas être aligné sur le déficit selon la définition de Maastricht, compte tenu des différences de calendrier ou de saisonnalité des recettes et des paiements fiscaux. Les mesures mises en place depuis la pandémie et en réponse à la crise du coût de la vie ont fortement modifié le profil saisonnier du déficit. Cela étant, il faut garder à l’esprit que c’est le déficit mesuré en écarts de trésorerie qui détermine in fine les besoins de financement réels, les emprunts sur le marché et, en fin de compte, le niveau de dette publique.

L’objectif officiel de déficit pour 2023 doit être mis à jour à la fin du mois d’avril. La prévision actuelle du gouvernement est de 4,5% du PIB, ce qui, à première vue, semble bien inférieur au déficit de 8% rapporté pour 2022. Cependant, les premiers signes d’une dégradation sont apparus.

Il existe plusieurs explications possibles au dérapage du budget. Le détail du solde de l’administration centrale n’est disponible que jusqu’en février 2023.
Le solde de trésorerie

Les chiffres mensuels de trésorerie de l’administration centrale ont montré un important déficit de 31,9 milliards d’euros en mars, après une détérioration déjà notable au cours des deux mois précédents. À 53,6 milliards d’euros, le solde cumulé affiche un écart de 23,8 milliards d’euros par rapport au premier trimestre 2022.

En outre, le solde de trésorerie du gouvernement italien a cessé de s’améliorer depuis la mise en œuvre, l’été dernier, des mesures budgétaires visant à compenser le poids des prix élevés de l’énergie.

Pendant ce temps, le montant des liquidités du gouvernement italien et les dépôts consolidés auprès de l’Eurosystème ont diminué de quelque 24 milliards d’euros depuis août dernier.

Il existe plusieurs explications possibles au dérapage du budget. Le détail du solde de l’administration centrale n’est disponible que jusqu’en février 2023.

Transferts coûteux

Du côté des dépenses, le dérapage semble en partie imputable aux paiements de sécurité sociale, après la revalorisation des pensions début 2023 en ligne avec l’inflation passée. Par ailleurs, les dispositifs généreux de soutien aux ménages et aux entreprises pour atténuer l’impact de la hausse des prix de l’énergie ont fait sensiblement augmenter les dépenses publiques depuis l’été 2022. Ces dépenses publiques se traduisent par des transferts au Fonds pour les services à l’énergie et à l’environnement (CSEA), qui gère à la fois la collecte des tarifs et les transferts du gouvernement.

La dégradation de la trésorerie de l’État est également imputable aux subventions octroyées durant la reprise post-covid. L’Italie a dépensé des sommes considérables en subventions pour la rénovation de bâtiments (parfois appelées «superbonus»). L’effet des subventions sur le déficit de caisse est néanmoins difficile à estimer. Les crédits d’impôt transférables doivent désormais être enregistrés dans leur année d’émission (c.-à-d. en comptabilité d’exercice) dans la définition Maastricht du déficit. Ce changement de règles comptables a entraîné d’importantes révisions à la hausse du déficit public italien sur la période 2020-2022. Cependant, l’effet des crédits d’impôt sur le déficit de caisse s’étalera dans le temps.

Du côté des recettes, les chiffres de janvier-février 2023 montrent une nette baisse des recettes fiscales de 3,6% par rapport à 2022. Sur les deux premiers mois de 2023, les impôts directs et indirects ont baissé respectivement de 3,7% et 3,5% par rapport à l’an dernier. Cela est significatif car, en ne relevant pas les tranches d’imposition, le gouvernement italien a jusqu’à présent bénéficié de recettes gonflées par l’inflation. Le dividende de l’inflation s’estompe, alors que les dépenses publiques s’ajustent désormais à la hausse des prix. L’effet de l’inflation sur la trésorerie de l’État italien s’inverse déjà et devrait peser sur le déficit dans les mois à venir.

Les marchés obligataires italiens ont surperformé jusqu’à présent en 2023, malgré la hausse des taux de la BCE et le resserrement quantitatif attendu. Toutefois, le solde de trésorerie de l’État semble se détériorer en raison de transferts coûteux aux ménages et aux entreprises, de charges d’intérêts plus élevées et de la fin de la poussée inflationniste des recettes.

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