Capitulation haussière sur les actions?

Axel Botte, Ostrum AM

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L’inflation en baisse alimente le rebond des actifs risqués, alors que la Fed entrevoit une légère récession.

©Keystone

Selon les minutes du dernier FOMC, les économistes de la Fed tablent sur une légère récession en milieu d’année… que les marchés d’actions accueillent avec délectation tant cette hypothèse renforce la probabilité d’une baisse des Fed funds. La lecture du marché des chiffres d’inflation de mars traduit aussi ce verre à moitié plein qui pèse sur le dollar et alimente le positionnement acheteur sur les actions. Le Nasdaq poursuit son ascension, affichant +20% en 2023 à la veille de la saison des résultats. Le T-note oscille autour de 3,50%. Les baisses de taux anticipées induisent un biais à la pentification (+13pb depuis un mois sur le spread 10-30 ans).

En zone euro, l’attention des intervenants se porte de nouveau sur l’inflation de sorte que le Schatz reprend 26pb à 2,82%. A l’inverse des Treasuries, la courbe continue de s’aplatir. Le crédit comme la dette souveraine bénéficient de la réduction de la volatilité des taux. Les tensions s’atténuent aussi sur les swaps-spreads. Les points morts d’inflation s’écartent dans la remontée des taux prenant acte du rebond du pétrole au-delà de 86 dollars le baril de Brent. La faiblesse du dollar est le pendant de la revalorisation de l’ensemble des devises du G10, dont l’euro (1,10 dollars) et la sterling (1,25 dollars). Le yuan s’apprécie également malgré une relance monétaire forte. Le marché des changes s’anime après un mois de mars étonnamment calme compte tenu des mouvements de taux courts.

L’économie américaine devrait enregistrer environ 2% de croissance au premier trimestre. Malgré la baisse des ventes au détail en mars, la consommation des ménages reste le principal moteur de la demande. Le débat reste entier sur l’inflation. La baisse de l’inflation totale (5%) croise désormais la mesure sous-jacente (5,6%). L’investissement en équipement se modère. Cela préfigure une décélération à 1% au deuxième trimestre et un second semestre étale. Ce schéma apparait conforme au scénario de légère récession défendu par la recherche de la Fed. La hausse du chômage vers 4,5% à la fin de l’année requiert en revanche des destructions nettes d’emplois difficilement imaginables à ce stade.

En Chine, la reprise économique prend forme grâce au secteur des services et au redressement des exportations à destination de l’Asie du Sud-Est.

En zone euro, l’inflation reste la principale préoccupation. Les prix alimentaires compensent la détente des prix de l’énergie et la dynamique salariale laisse peu de place à un scénario de baisse rapide de l’inflation sous-jacente. L’inflation finale en France a même été arrondie à la hausse à 6,7% en mars (IPCH). En Chine, la reprise économique prend forme grâce au secteur des services et au redressement des exportations à destination de l’Asie du Sud-Est. L’impulsion du crédit, y compris les prêts hypothécaires, est le moteur du rebond de la demande. Le surplus commercial atteint 88 milliards de dollars en mars.

Le marché table donc sur un ralentissement suffisamment fort pour engendrer une baisse de l’inflation et un allègement monétaire. Dans ces conditions, les entreprises verraient probablement leurs profits diminuer, mais les valorisations des actions seraient soutenues par la baisse des taux. Ce fragile équilibre motive les gestions spéculatives (CTA) qui appuient la hausse des actions. Cela étant, les fonds monétaires attirent encore les flux (400 milliards de dollars en un mois) des déposants bancaires ou des allocataires en quête de point d’entrée sur les marchés. Une capitulation à la hausse n’est pas à exclure compte tenu des montants à réemployer, d’autant que le comportement des marges bénéficiaires est atypique dans ce cycle économique.

Les marchés de taux hésitent entre un allègement monétaire salutaire et un statu quo délétère pour les performances à venir. La Fed semble pourtant résolue à monter une dernière fois les taux de 25pb en mai. A court terme, le marché tentera de forcer la main de la Fed. Cela requiert de casser le plancher de 3,30% sur le 10 ans américain… mais les dernières données de positionnement spéculatif du marché attestent plutôt d’une reprise des paris à la hausse des rendements. Sous l’influence du marché directeur américain, le Bund évolue autour de 2,40% ignorant les derniers indicateurs d’activité ou d’inflation. Le retard de la BCE dans son cycle monétaire laisse entrevoir la poursuite du resserrement du spread du T-note. Les spreads souverains sont d’une remarquable stabilité depuis plusieurs semaines. Le BTP italien, meilleure performance souveraine en 2023, évolue en bas de fourchette autour de 185pb à 10 ans. Les questions budgétaires sont mises de côté et même le resserrement quantitatif n’a pas eu d’effet négatif sur les spreads.

Le marché du crédit de la zone euro subit des rachats sur les fonds investment grade depuis la fin de trimestre mais sans réelle conséquence sur les spreads qui diminuent de 5pb sur une semaine. Le primaire s’est ralenti malgré la bonne tenue du marché compte tenu de l’ouverture de la saison des résultats aux Etats-Unis. Néanmoins, les financières ont émis 12 milliards d’euros, dont environ 6 milliards d’euros de covered bonds. Les bancaires ont ouvert le bal avec généralement de très bons résultats. Sur le high yield, les spreads se resserrent de 21pb sur cinq séances passant sous les 500pb dans le sillage du puissant rebond des actions. Les flux sortent des fonds high yield européens dans les mêmes proportions que l’IG. Ces flux traduisent sans doute des prises de profits.

Sur le marché des changes, l’eurodollar perce le plafond de 1,10 dollar. Le dollar, baromètre de l’appétit pour le risque, est en baisse contre l’ensemble des devises du G10. Notons toutefois la bonne tenue de l’or qui détonne dans cet environnement favorable au risque.

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