Gonet: l'actualité des marchés au 5 janvier

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +0,40%, S&P 500 +0,75%, Nasdaq +0,69%, Russell 2000 +1,25%, SOX +2,74%, Eurostoxx +2,36%, SMI +1,47%.

Les taureaux égalisent à 1 partout face aux ours hier soir, dans une partie plutôt agitée, marquée par des volumes d’échanges en reprise ainsi que les minutes de la dernière réunion de la Fed. Le procès-verbal du FOMC de décembre ne surprend pas, il est largement conforme aux derniers commentaires de Jerome Powell et ne contribue guère à modifier les attentes du marché par rapport au consensus qui prévoit une hausse de 25 points de base en février. En parallèle, les statistiques économiques du jour sont intéressantes. L'ISM manufacturier sort en ligne, en contraction pour un deuxième mois consécutif en décembre mais il y a une bonne nouvelle: les prix payés sont beaucoup plus faibles qu’attendu. Et ce n’est pas tout, les ouvertures d'emplois JOLTS sont plus fortes que prévu à un moment où le marché souhaite voir un certain assouplissement du marché du travail. Le patron de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, déclare qu’il voit de plus en plus d'éléments indiquant que l'inflation pourrait avoir atteint un sommet, mais que d'autres hausses de taux seraient nécessaires (il mentionne un taux maximal de 5,4%). Le marché se retrouve donc face à une Fed toujours déterminée à ne pas baisser sa garde face à l’inflation, au risque de décocher un uppercut «à la Tyson» dans l’abdomen de la croissance. Patrick Harker, Raphael Bostic et James Bullard pourraient apporter un éclairage nouveau lors de leurs interventions aujourd'hui.

Ça, c’est pour la rhétorique. Dans la vraie vie, soit au joyeux royaume des actions (et des Fed Funds), on n’est pas du tout convaincu que Jerome & Co maintiendront leurs taux élevés très longtemps. Au moment où j’écris ces lignes, les Fed Funds prévoient 136% de probabilités d’une hausse de 25 points de base le 1er février. Donc les Fed Funds prévoient 25 points de base, rien ne change sur cette partie-ci. Je note par ailleurs que les hedge funds ont accumulé des positions longues records sur les futures d’intérêts liés au SOFR (Le SOFR est un taux de référence établi comme une alternative au LIBOR, qui avait été trop manipulé par tout un chacun, ce qui ne saurait tarder pour le SOFR mais passons…). Ce positionnement reflète la spéculation que l’inflation et la croissance économique vont ralentir et inciter la Fed à assouplir sa politique monétaire au cours du second semestre 2023.

Résumons: à ma droite la Fed, qui continue de dire au marché: «vous allez voir ce que vous allez voir». A ma gauche le marché, qui persiste à répondre à la Fed «même pas peur». Et au centre, les arbitres que sont les résultats de sociétés, la Chine et, dans une moindre mesure la guerre en Ukraine. La saison des résultats d’entreprises pour le dernier trimestre de 2022 va débuter, qui nous apprendra beaucoup sur l’état réel du tissu micro-économique mondial, c’est probablement le facteur le plus important pour déterminer la direction des indices ces prochains mois. En Chine, les lignes bougent si vite qu’on a presque de la peine à suivre. A ce stade nous n’avons pas encore une grande visibilité sur les effets de la réouverture du pays mais l’expérience en Europe et aux US a montré que l’économie repart assez fortement. Et l’on sait combien la deuxième économie du globe manque à la croissance mondiale.

On revient au marché avec un indice S&P500 (SPX) qui s’en sort plutôt bien en clôture et parvient à s’éloigner de son bas du jour à la cloche. La tendance baissière du SPX reste en place, la prochaine résistance se situe à 3903 points (la moyenne mobile à 50 jours), clôture hier soir à 3852 pts. En termes de secteurs, le podium du jour du SPX se compose des REITs, des materials et des financières. L’énergie n’y arrive plus, la tech reste en retrait (les semis mis à part) et les petites et moyennes capitalisations passent une belle journée (Russell 2000), l’armée tente donc de montrer le chemin vers le haut de la colline aux généraux, c’est généralement bon signe. Le breadth (l’écart entre les titres clôturant en hausse par rapport à ceux en baisse) est plutôt bon, on y observe des intérêts acheteurs, notamment dans la biotechnologie, les actions chinoises cotées aux Etats-Unis, les métaux précieux et quelques financières. Le fameux «effet janvier» semble en train de prendre forme, la pression vendeuse due au «tax loss selling» s’est dissipée.

Le marché obligataire ne tergiverse pas en ce début d’année, il est à l’achat, tout simplement. Le rendement du 10 ans US recule depuis le premier janvier, ce matin il évolue à 3,71%. Les obligations d’entreprises investment grade restent intéressantes, combien de temps cela durera-t-il? Le dollar s’affaiblit quelque peu et repasse légèrement au-dessus des 1,06 contre euro, le pétrole a la gueule de bois, le baril de WTI Light Crude recule à 73,46 dollars, tandis que l’or est en forme olympique, l’once traite à 1846 dollars. La faiblesse du billet vert constitue un facteur de support pour la relique barbare, en parallèle le mois de janvier est historiquement le meilleur de l’année pour le métal jaune, qui progresse en moyenne de 3,2% sur cette période depuis 20 ans. On peut aussi envisager que la Banque Centrale Chinoise (PBoC) soit acheteuse, enfin sur le marché des options, je note un «open interest» important dans les calls échéant en mars avec un prix d’exercice à 1900 dollars.

Salesforce (CRM) gagne 3,6%, la firme annonce un plan de restructuration visant à réduire les coûts d'exploitation, à améliorer les marges d'exploitation et à poursuivre l'engagement de la société en faveur d'une croissance rentable; dans le cadre de ce plan, la société réduira ses effectifs d'environ 10%. Microsoft (MSFT) perd 4,4%, le titre est rétrogradé d'achat à neutre par UBS, la valorisation est citée. Pfizer (PFE) recule de 2,2% après une rétrogradation à neutre chez Bank of America. Honeywell International (HON) baisse de 2%, rétrogradation de l'action de l'achat à la vente chez UBS, en raison d'une valorisation trop élevée et d'un ralentissement prévu des commandes. Le South China Morning Post rapporte que Tesla (TSLA +5%) a prolongé la période de rabais en Chine pour stimuler les ventes léthargiques des véhicules Model Y et Model 3. Alibaba (BABA +13,07%) en forte hausse après que Ant Group a obtenu l'approbation de son plan de collecte de fonds, marquant ainsi le dernier signe que Pékin réduit sa répression réglementaire des entreprises technologiques. Amazon (AMZN -0,79%) licencie plus de 18’000 employés (un nombre nettement plus élevé que prévu), dernier signe en date de l'aggravation du marasme technologique. Les suppressions de postes, qui ont commencé l'année dernière, devaient auparavant toucher environ 10’000 personnes. Les licenciements sont concentrés dans l'entreprise, principalement dans la division de la vente au détail et les ressources humaines. Le titre progresse de 1,7% dans le marché après-bourse.

Emmanuel Macron dit à Volodymyr Zelenskiy que la France va fournir à l'Ukraine des véhicules de combat blindés. De son côté, Joe Biden confirme qu'il envisage d'envoyer des véhicules de combat Bradley pour aider à la défense du pays.

Paralysie du GOP. Kevin McCarthy échoue trois fois de plus à réunir suffisamment de soutien républicain pour devenir président de la Chambre des représentants des États-Unis au deuxième jour du nouveau Congrès, malgré un soutien plus pressant de Donald Trump. Le Californien en difficulté offre des concessions aux récalcitrants hier soir. Certains alliés commencent à se demander s'il doit s'effacer et ouvrir la voie au numéro 2 de la Chambre, Steve Scalise, ou à quelqu'un d'autre. Le démocrate Brad Sherman propose un accord qui pourrait sauver la mise pour McCarthy. On ne peut s’empêcher de se demander si les élus républicains ne font pas durer ce processus pour envoyer un camouflet de plus à… Donald Trump, qui se pose en soutien de poids (no pun intended) à Kevin McCarthy.

Au menu macro-économique du jour, l’étude Challenger sur les licenciements (13h30), l’étude ADP sur l'emploi (14h15), les inscriptions hebdomadaires au chômage et la balance commerciale (14h30) puis l’indice PMI des services (15h45). En Europe, les prix à la production de novembre auront été dévoilés à 11h00.

Kenvue, la branche produits en vente libre de Johnson & Johnson, a déposé une demande d'introduction en bourse à New York. Western Digital et Kioxia discuteraient à nouveau d'un rapprochement, selon Bloomberg. L'UE sanctionne Meta Platforms d'une amende de 390 millions d’euros  pour ses publicités ciblées issues des données de navigation des internautes. T-Mobile US engrange plus d'abonnés au quatrième trimestre que prévu. Holcim acquiert le français Chrono Chape. Exxon Mobil se dirige vers une année de bénéfices records. Ryanair relève ses prévisions. BP Plc prévoit d'augmenter ses investissements dans le pétrole dans le golfe du Mexique et au Texas. Tesla dépose une demande d'extension de sa marque pour des véhicules non-terrestres. Les ventes américaines de BMW baisseront légèrement en 2022 malgré un dernier trimestre solide. Jefferies décolle de 13%, Sumitomo Mitsui voudrait augmenter sa participation dans la firme. Credit Suisse a vendu 3,75 milliards de dollars d'obligations, en payant des primes de risque beaucoup plus élevées que la moyenne pour un emprunteur de qualité. Le prêteur suisse en difficulté a fixé le prix de ses obligations à deux et cinq ans à 370 points de base au-dessus des obligations du Trésor, soit bien plus que l'écart de 65 points de base payé par Rabobank hier.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo progresse de 0,40% à la cloche, Hong Kong avance de 1,02%, Shanghai gagne 1% et Séoul monte de 0,38%. Le future SPX rend 10 points et l’Europe ouvre en repli de 0,5%. Etrange début d’année que celui de 2023, qui voit l’indice Eurostoxx 50 progresser de 4,75%, le Hang Seng gagner 6,2% et le SPX ne grappiller que 0,35%. Ceci dit, il est bien trop tôt pour enterrer Wall Street et ses valeurs technologiques, attention aux décisions précipitées. Le marché se prépare désormais au rapport mensuel sur l’emploi américain, qui sera publié demain après-midi.

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