Gonet: l'actualité des marchés au 16 décembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -2,25%, S&P 500 -2,49%, Nasdaq -3,23%, Russell 2000 -2,52%, SOX -4,17%, Eurostoxx -3,51%, SMI -2,51%.

Après Bonnie et Clyde, Cléopâtre et Marc-Antoine, Louis XV et la Marquise de Pompadour, voici venu un nouveau couple de fieffés coquins, qui restera ad aeternam dans les annales du marché. Hier 15 décembre de l’an de grâce (really?) 2022 nait une arme de destruction massive de taureaux: Christine et Jerome. Et pour faire fort, ils font fort… Alors voilà, le premier se charge de balancer un uppercut digne d’un Mike Tyson des grands soirs dans la figure du marché mercredi soir, la seconde profite hier d’un marché courbé en deux pour lui envoyer un gros coup de pieds dans les côtes (et je reste poli).

Jerome Powell avait déjà tordu le bras du marché mercredi, en nous faisant bien comprendre que la Fed ne baissera pas ses taux avant que l’inflation ne revienne à 2%. Or hier matin, le marché ne semble pas en prendre trop ombrage, il défie même la vue de la Fed et refuse de prévoir un taux terminal au-dessus de 5%, la Réserve Fédérale anticipant 5,1%. On discute croissance et récession dans les salles de marchés, la crainte augmente progressivement que la banque centrale des Etats-Unis n’en fasse trop et tue la croissance économique. Et puis hier la BCE (Banque Centrale Européenne) augmente ses taux de 50 points de base, comme prévu. Ce qui est beaucoup moins prévu c’est un discours faucon de Christine Lagarde, qui affiche sa préférence pour un taux terminal à 4%, le marché en était à 3%, ouch… Les deux principales banques centrales au monde sont donc encore en mode faucon, alors que l’inflation est clairement en train de décélérer, et ce n’est pas tout. Les autres banquiers centraux de sortie hier sont tous dans le même état d’esprit (Banque d’Angleterre, Banque Nationale Suisse, HKMA et Banque Centrale de Norvège). Avons-nous là affaire à une action / pensée concernée des banques centrales de la planète? Peu importe en fait, ce qui compte c’est que le marché s’inquiète du coup de plus en plus qu’une récession sévère ne guette, qui serait potentiellement exacerbée par les banques centrales elles-mêmes…

Alors faut-il s’en inquiéter durablement? Pas si vite, hormis les actions, qui passent il est vrai une très vilaine journée, le reste du marché reste calme. Les rendements obligataire US reculent, le 10 ans évolue ce matin à 3,47%. Le dollar ne gagne pas un pouce, la paire EUR/USD tente même de casser les 1,07 hier mais revient à 1,0631 ce matin. Le pétrole traite à 75,61 dollars le baril de WTI Light Crude et l’or repasse en-dessous des 1800 dollars par once. Il n’y a donc pas du tout le feu au lac, l’aversion au risque se concentre sur les actions hier, principalement sur les mastodontes de la tech, qui sont tellement lourds qu’ils entrainent le reste de la cote avec eux (AAPL -4,7%, MSFT -3,2%, NVDA -4,1%, NFLX -8,6%, AMD -3,5%, META -4,5%, GOOGL -4,4%). Encore une fois, la principale crainte des intervenants est que la Fed ne resserre trop sa politique monétaire et ne déclenche un recul économique plus important aux États-Unis. Ce raisonnement alimente la conviction que les estimations des bénéfices pour 2023 sont trop élevées, de sorte que la journée d'hier est marquée par une grève générale des acheteurs, les investisseurs limitant leur volonté de payer une prime pour des bénéfices susceptibles d'être révisés à la baisse. Les actions dites de croissance sont délaissées, celles de valeur souffrent moins, les volumes d’échanges sont soutenus avec 11,58 milliards de titres traités sur le NYSE, la baisse d’hier est probablement aussi alimentée par des niveaux techniques franchis, qui forcent les quant à vendre.

Et au niveau technique, la journée d’hier ne fait pas grand bien aux indices. Le S&P500 (SPX) casse sa moyenne mobile à 100 jours et regarde désormais sa 50 jours, qui se situe à 3861 points (clôture hier à 3895 pts). Le Russell 2000 (RTY) et le Nasdaq 100 (NDX) cassent leur 50 jours, la 200 jours a une nouvelle fois tenu le SPX en respect, on la garde en tête, elle évolue actuellement à 4029 points. Depuis le top récent atteint juste après la publication de l’indice américain des prix à la consommation, le SPX a rendu 6% et le NDX environ 8%. Je vous passe le comportement des secteurs, qui terminent tous dans le rouge avec deux titres seulement du Nasdaq 100 qui parviennent à finir leur séance au-dessus de l’eau, dont Tesla… La volatilité récupère 9% mais le VIX reste relativement bas, à 22,83.

Un phénomène est à signaler, les rendements obligataires européens décollent littéralement cette semaine. Depuis 5 séances, le 10 ans italien est en hausse de 47 points de base, en Allemagne c’est 22 bps et en Suisse 9.

Pour ne rien arranger à la réputation de Christine et Jerome auprès des traders, qui ne souhaitent qu’une chose c’est que le père Noël leur fournisse un compte en banque bien gras et un corps tout mince (et non l’inverse), pour ne rien arranger donc, hier les statistiques macro américaines sont vilaines (ventes au détail, NY Empire manufacturing, Philly Fed ), les craintes d’un atterrissage brutal de la première économie du monde n’en font qu’augmenter.

L'UE approuve un neuvième train de sanctions à l'encontre de la Russie, visant ses banques et son accès aux drones, ainsi que les responsables d'enlèvements présumés d'enfants ukrainiens. Le Pentagone confirme que les États-Unis vont développer considérablement leur formation en Allemagne pour les forces ukrainiennes. Les dépenses totales des Ukrainiens à l'extérieur du pays pourraient atteindre 20 milliards de dollars cette année, selon le gouverneur de la banque centrale Andriy Pyshnyi.

Bridgewater estime qu'une réouverture réussie de la Chine représenterait un risque pour la croissance américaine et européenne, car elle augmenterait l'inflation. À Pékin, Xi Jinping n'a encore fait aucun commentaire public sur le revirement de la politique du Covid Zéro sur laquelle il a mis sa réputation en jeu. Le dirigeant de Hong Kong, John Lee, déclare que la frontière de la ville avec la Chine continentale pourrait être ouverte dans le courant de l'année prochaine.

Au menu macro-économique du jour, les indicateurs PMI flash du mois de décembre pour les principales économies seront annoncées tout au long de la journée, notamment à 10h00 pour la zone euro et à 15h45 pour les Etats-Unis.

Washington ajoute 36 entreprises chinoises à sa liste noire des semiconducteurs. Les procureurs français perquisitionnent le site de General Electric à Belfort dans le cadre d'une enquête sur la fraude fiscale. Aker BP et ses partenaires vont investir 20,5 milliards de dollars dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers. Bachem décroche un contrat d'au moins 1 milliard de francs sur cinq ans. Honeywell obtient la validation de la justice pour un accord de règlement de 1,33 milliard de dollars avec le Trust de l'amiante. Ford augmente le prix de la variante la moins chère du pickup électrique F-150 à près de 56’000 dollars. Adobe progresse de 5% dans les échanges après bourse après ses résultats et avoir confirmé ses prévisions de revenus annuels, signalant qu'elle constate une demande constante pour les logiciels de conception créative et d'analyse malgré l'incertitude économique.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent globalement en baisse, mais pas trop. Tokyo recule de 1,87% à la cloche, Hong Kong progresse de 0,45%, Shanghai perd 0,79% et Séoul égare 0,04%. Le future SPX rend 8 points et l’Europe ouvre autour de l’équilibre. Aujourd’hui est le troisième vendredi du mois, en plus c’est la journée des quatre sorcières, un terme de jargon financier pour l’expiration simultanée des options sur indices, des futures sur indices, des options sur actions et des futures sur actions. Dame volatilité devrait donc refaire surface à cette occasion.

L’actualité des marchés va se mettre en veille quelques jours, elle revient le mardi 3 janvier. Quelle année 2022 ce fut! Nous qui pensions avoir tout vu en 2020 et 2021, cela laisse songeur quant à la cuvée 2023… Quoi qu’il en soit, rien de tel qu’une pensée positive pour vous souhaiter à toutes et tous de merveilleuse fêtes de fin d’année et un beau passage à l’an prochain. Le mot de la fin revient à Raymond Devos, qui eût probablement été un merveilleux conseiller en investissements: «Une fois rien, c’est rien, deux fois rien, ce n’est pas beaucoup, mais pour trois fois rien, on peut déjà s’acheter quelque chose et pour pas cher. Alors maintenant si vous multipliez trois fois rien par trois fois rien, rien multiplié par rien égale rien, trois multiplié par trois ça fait neuf, ça fait donc rien de neuf».

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