La situation géopolitique n’est pas le facteur déterminant pour les marchés

Yves Hulmann

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Pour Dan Morris, stratège en chef chez BNP Paribas AM, l’évolution des bénéfices figurera à nouveau au premier plan, avant celle des taux d’intérêt.

Le début du mois de novembre a été marqué par une inversion de tendance sur les marchés qui contraste avec les deux mois précédents durant lesquels les bourses avaient évolué en net repli. Comment l’expliquer? Le point sur les marchés avec Daniel Morris, stratège en chef (Chief Market Strategist) chez BNP Paribas Asset Management.

Après un net repli en septembre et en octobre, les principaux indices boursiers ont nettement rebondi depuis le début du mois de novembre. Comment expliquer le changement de direction opéré par les marchés?

Il est nécessaire de situer le rebond récent dans le contexte de l’évolution des marchés tout au long de cette année, qui peut se répartir en trois phases. Au cours d’une première phase qui a duré grosso modo jusqu’à fin juillet, l’accent a été placé sur ce que la Réserve fédérale et les autres grandes banques centrales allaient faire. Les marchés des actions étaient alors influencés avant tout par l’évolution des taux d’intérêt à venir plutôt que des bénéfices des entreprises. Dans une deuxième phase, à partir d’août, l’attention a été placée avant tout sur la question de savoir si le niveau de la dette américaine était soutenable ou non – l’abaissement de la note attribuée aux Etats-Unis par Fitch a poussé à la hausse les rendements des bons du Trésor à 10 ans.

Et où se situe-t-on maintenant?

Maintenant, nous en sommes peut-être à la troisième phase durant laquelle l’évolution des taux d’intérêt figurera un peu moins au centre de l’attention et ce sera au contraire celle des bénéfices des entreprises qui figureront à nouveau au premier plan.

«Nous surpondérons les obligations gouvernementales américaines tout comme les obligations indexées sur l’inflation (TIPS).»
Les attentes concernant les bénéfices des entreprises ne risquent-elles pas d’être à leur tour reléguées au second plan par la situation géopolitique. Que se passerait-il, par exemple, si les prix du pétrole remontaient soudainement?

Toute situation de tension sur plan géopolitique n’est bien sûr jamais bonne pour les marchés. Toutefois, j’observe que, jusqu’à présent du moins, les marchés n’intègrent pas dans leurs prix les inquiétudes en rapport avec la situation actuelle au Moyen-Orient ou en Ukraine. La situation géopolitique n’est pas le facteur déterminant pour les marchés actuellement. Il y a bien sûr des investisseurs qui réfléchissent à la façon avec laquelle ils peuvent protéger au mieux leur portefeuille face à un scénario de récession. Mais, encore une fois, je ne pense pas que cela soit au regard de possibles tensions sur le plan géopolitique. Quant à un possible bond des prix du pétrole, l’expérience tend plutôt à montrer qu’il s’agit souvent d’événements de courte durée qui s’inversent à nouveau rapidement.

En ce qui concerne spécifiquement la bourse américaine, un autre aspect qui a souvent été souligné récemment est la très forte dépendance de ce marché envers les «7 magnifiques» (ndlr: Apple, Alphabet, Amazon, Meta, Microsoft, Nvidia, Tesla). Si l’on enlevait ces sept titres de la bourse américaine, la performance du S&P 500 apparaîtrait sous un jour beaucoup moins favorable actuellement. N’y a-t-il pas un risque d’être exposé à une trop forte concentration envers ces quelques titres lorsque l’on investit une partie de sa fortune dans les actions américaines?

L’attention portée à cet aspect me paraît parfois un peu exagérée. Certes, la bourse américaine a, comme d’autres marchés, ses spécificités. Mais c’est aussi le cas ailleurs : la bourse suisse dépend beaucoup de la pharma, la bourse allemande de l’industrie automobile, etc. Si l’on différencie entre, d’un côté, le Nasdaq 100 qui affiche une hausse de plus 38% depuis le début de l’année, porté notamment par la bonne tenue des valeurs technologiques, et, de l’autre, le reste du marché représenté par le Russel 1000 Value, on constate que le second indice affiche une performance tout à fait comparable à celle d’autres marchés des actions en Europe, au Japon ou ailleurs. L’indice Russel 1000 Value s’est apprécié d’environ 8% depuis début janvier jusqu’à fin juillet, ce qui est juste tout à fait en ligne avec l’évolution d’autres indices boursiers.

Après avoir frôlé le seuil des 5% en seconde moitié d’octobre, les rendements des bons du Trésor américains se sont sensiblement repliés depuis début novembre. La pire phase de la correction est-elle passée pour les obligations?

L’opinion dominant est que les rendements des emprunts à dix ans vont continuer à se replier. Nous surpondérons les obligations gouvernementales américaines tout comme les obligations indexées sur l’inflation (TIPS).

Pour terminer, à quoi faut-il s’attendre pour les prochains mois?

Si le scénario attendu d’une récession ne se réalise pas est au lieu de cela on a un atterrissage en douceur, je pense alors que les marchés offrent actuellement des perspectives intéressantes pour les investisseurs.

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