Les annonces tarifaires du président Trump lors du «Jour de la Libération» ont pris les marchés par surprise, les niveaux étant bien plus élevés que prévu. Les pays asiatiques ont été parmi les plus durement touchés par ces tarifs « réciproques» : Cambodge 49%, Vietnam 46%, Thaïlande 36%, Indonésie 32%, Taïwan 32%, Inde 26%, Malaisie 24%. La Chine a été frappée par de nouveaux droits de douane après avoir riposté aux droits de douane initiaux des Etats-Unis. Les droits de douane sur les importations chinoises s’établissent actuellement à 145%, un niveau particulièrement élevé.
L’un des effets des tarifs douaniers de Trump 1.0 fut le détournement d’une part significative des produits chinois vers les Etats-Unis via des pays intermédiaires comme le Vietnam, le Mexique et d’autres nations asiatiques. L’un des objectifs des tarifs de Trump 2.0 est justement de s’attaquer à ce phénomène de transbordement, d’où l’utilisation d’une simple formule de déficit commercial bilatéral pour calculer le montant des droits de douane supplémentaires.
Le président Trump a depuis annoncé une pause de 90 jours dans la mise en œuvre de ces droits de douane plus élevés (à l’exception de la Chine), offrant ainsi aux représentants commerciaux des différents pays un délai pour potentiellement renégocier ces chiffres à la baisse. Bien que beaucoup d’incertitude plane sur le niveau final des droits de douane qui seront appliqués, l’activité manufacturière dans la région sera inévitablement affectée par le ralentissement du commerce mondial. Les premières données commerciales suggèrent déjà une baisse des exportations – la croissance des exportations de la Corée du Sud sur les 20 premiers jours d’avril a baissé de -5,2% en glissement annuel, contre +4,4% en mars – reflétant l’impact des droits de douane minimums de 10% et des droits de douane sectoriels de 25%, notamment sur l’acier et l’automobile. Les exportations vers les Etats-Unis ont naturellement le plus chuté (-14,3% en glissement annuel, contre +2,9% en mars), mais les exportations vers d’autres partenaires commerciaux asiatiques clés sont également devenues négatives, suggérant un impact indirect via les biens intermédiaires. Il convient toutefois de noter que cette baisse pourrait être partiellement due à une anticipation des exportations au cours des mois précédents, les entreprises ayant constitué des stocks en prévision des droits de douane.
De nombreux pays asiatiques ont dépêché des délégations à Washington, et l’avenir dépend désormais largement de l’issue des négociations entre ces délégations et le Bureau du représentant américain au commerce. Le consensus général est que la plupart des pays et des entreprises peuvent s’adapter aux droits de douane minimums de 10%, mais que les hausses supplémentaires constitueraient une menace existentielle pour de nombreuses entreprises. En outre, le point sensible reste les relations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine: le commerce mondial et l’économie globale en pâtiraient sévèrement si les niveaux actuels de droits de douane entre ces deux géants étaient maintenus.
Un autre impact potentiel à considérer est le suivant: vers où la Chine redirigera-t-elle son excédent de capacité manufacturière si l’accès au marché américain – l’un des plus importants marchés de consommation au monde – lui est fermé? L’industrie des véhicules électriques peut fournir quelques indications puisque les voitures électriques chinoises sont largement exclues du marché américain. Ainsi, les entreprises chinoises du secteur ont réalisé de grandes percées en Europe et autres parties du monde, au point que certains pays dotés d’une industrie automobile nationale protestent et réclament des barrières protectionnistes contre ces véhicules chinois à bas prix. Il n’est pas difficile d’imaginer une expansion plus large des biens chinois bon marché, tirant l’inflation mondiale vers le bas, à l’exception des Etats-Unis. Cela profiterait aux consommateurs mais représenterait une menace pour les producteurs nationaux.
La situation actuelle reste instable au milieu de toutes ces incertitudes commerciales. Toutefois, la plupart des pays préparent déjà des plans de relance budgétaire et monétaire pour compenser la probable baisse des secteurs liés aux exportations. La forte dépréciation du dollar américain a également apporté un certain soulagement aux pays asiatiques, en allégeant la pression sur leurs monnaies et en donnant potentiellement à leurs banques centrales une marge de manœuvre pour assouplir leur politique monétaire si nécessaire. Espérons que la raison l’emportera et que des accords commerciaux pourront être conclus.