Les dernières semaines ont été très agitées pour la tech américaine. D’abord affectée par le lancement d’un modèle d’IA chinois (DeepSeek), c’est ensuite et avant tout la menace des droits de douane qui a provoqué une correction sur le secteur. La première jambe de baisse était intervenue courant mars, avant que le «Liberation day» de l’administration Trump vienne provoquer la panique, en imposant lourdement non seulement la Chine mais également des alliés occidentaux.
Le segment hardware de la tech (électronique grand public, smartphones, pcs, matériel IA, automobiles, etc…) est particulièrement sensible à ce sujet car elle repose sur une chaîne de valeur très internationalisée. Les différents composants qui constituent les produits finis de tech font de nombreux aller-retour entre plusieurs pays, dont Taiwan, la Chine, les US. Les droits de douanes de 125% sur la Chine, ainsi que la riposte de cette dernière, ont donc encore ajouté de la panique. La baisse spectaculaire d’Apple en fut l’emblème.
Puis les investisseurs furent encore un peu plus désorientés quand l’administration Trump fit volte-face, d’abord en suspendant les droits de douanes sur l’ensemble des pays excepté la Chine, puis des suspensions provisoires sur la tech fabriquée en Chine, soulageant la pression sur Apple. Ce n’est pas terminé: dans un n-ième retournement de situation, on apprend que l’administration Trump imposera finalement des restrictions d’exportations de puces Nvidia vers la Chine.
Parmi ce chaos qui risque certainement de se prolonger, une constante : la tech est perçue comme prioritaire à court et moyen-terme par l’ensemble des pays. A moyen-terme, elle représente des enjeux de souveraineté cruciaux dans les domaines de l’IA, les télécommunications, la santé.
Trump a insisté sur l’importance des entreprises phares du secteur: «TSMC est l’entreprise la plus importante au monde», «Nvidia est une merveilleuse entreprise américaine». L’administration américaine a par ailleurs souligné l’importance du rôle de la tech pour relocaliser la production manufacturière sur le sol américain, avec une automatisation nécessaire pour redevenir compétitif face à l’Asie.
L’importance stratégique de la tech à court terme est également visible à travers le récent revirement américain sur les droits de douane, avec l’exemption de certains produits électroniques, ainsi que sur les restrictions à l’exportation vers la Chine. Ces mesures traduisent une accélération des Etats-Unis dans leur volonté de concentrer la puissance de calcul sur leur territoire afin de consolider une hégémonie technologique actuellement contestée par la Chine.
Trump privilégie davantage le bâton que la carotte pour tenter de remodeler la chaîne de valeur technologique. La stratégie de la carotte, employée plus activement par l’administration Biden en 2021-2022 avec les subventions massives accordées dans le cadre du CHIPS Act pour relocaliser la production de semi-conducteurs aux Etats-Unis, n’a pas eu l’effet escompté. Les principaux bénéficiaires n’ont pas réellement tiré avantage de ces mesures, comme le montre la situation délicate d’Intel aujourd’hui. Dans cette industrie particulièrement capitalistique, c’est généralement la demande finale qui tranche sur la santé des acteurs du secteur, et il est probable que ce constat se confirme encore dans les mois et années à venir.