Stratégies pour gérer les 3 principaux risques sur les marchés d’actions mondiaux

Matthew Benkendorf, Vontobel

5 minutes de lecture

Les droits de douane auront un impact significatif sur l’économie mondiale, mais leurs effets prendront du temps à se faire sentir.

A notre avis, la philosophie Quality Growth fondée sur la prévisibilité et son approche de construction équilibrée permettront aux investisseurs de résister à l’insécurité en 2025 et de traverser les cycles de marché ultérieurs. Nous pouvons constater comment nos portefeuilles sont positionnés pour faire preuve de résilience, en examinant de plus près les trois principaux facteurs à l’origine du sentiment de prudence actuel: 1. Trump 2.0 et l’insécurité créée par les droits de douane, 2. Des conditions macroéconomiques qui se fragilisent, 3. L’évolution et les perturbations liées à l’intelligence artificielle. Nos portefeuilles Quality Growth ont une exposition limitée aux industries qui risquent d’être les plus touchées et ils sont très exposés à celles qui, selon nous, offrent un bon niveau de protection naturelle.

  1. Trump 2.0 et les droits de douane – des objectifs non fixés, mais un impact réel

    Les investisseurs savaient que l’administration Trump avait promis des droits de douane. Mais les annonces du 2 avril 2025, le «Liberation Day», ont pris les marchés par surprise. Trump a annoncé des taxes réciproques sur une longue liste de pays, portant le taux de taxe réel moyen à près de 25%, le plus haut niveau depuis plus d’un siècle. La nouvelle a provoqué une correction massive des marchés, effaçant des milliers de milliards de valeur boursière au cours des séances boursières suivantes. De nombreux pays tentant de négocier, le sujet des droits de douane reste un grand point d’interrogation. Mais nous pensons que ces barrières bien hautes sont là pour durer, car Trump est resté cohérent, estimant que le régime d’après-guerre basé sur la mondialisation et le libre-échange avait décimé l’industrie américaine. Il considère donc que l’instauration des droits de douane est le meilleur moyen, quoique brutal, de réparer cette «injustice».

    Même si le «jour de la libération» a fourni une sorte de cap, il n'a pas donné aux investisseurs la clarté qu'ils espéraient. Il est donc probable que l’incertitude ambiante devienne la nouvelle norme. Cela dit, les répercussions des droits de douane ne seront probablement pas les mêmes pour tous les secteurs. Les industries cycliques et à forte intensité de capital, comme l’automobile, le pétrole et le gaz et les compagnies aériennes, seront certainement les plus durement touchées. Nos portefeuilles Quality Growth sont généralement peu exposés à ces secteurs, car nous visons systématiquement des sociétés à faible intensité de capital, à fort pouvoir de fixation des prix et peu concurrencées. Les entreprises de services présentent généralement ces caractéristiques en plus d’un certain degré de protection naturelle contre les droits de douane, puisqu’elles échappent aux contraintes de l’importation. L’approche Quality Growth tend donc à privilégier ces investissements. Le secteur des produits de luxe est également généralement à l’abri des conséquences négatives des droits de douane en raison de sa structure et de sa cible de clientèle. Certes, les maisons de luxe dépendent parfois d’importations, mais elles vendent leurs produits au segment de la population le moins touché, c’est­à­dire des clients à revenu élevé, généralement moins sensibles aux prix.
     
  2. Des conditions macroéconomiques qui se fragilisent

    Les investisseurs ont balayé la perspective d’une entrée en récession en 2023 et en 2024. En 2025, sur fond d’insécurité croissante, ils sont plutôt attentifs aux risques de fêlures macroéconomiques. Des signes indiquent que l’incertitude politique grandissante pèse sur la confiance des ménages. Après le «Liberation Day», le sentiment s’est encore dégradé. Les droits de douane annoncés étaient encore plus élevés qu’attendu, poussant à la hausse les prix des produits de consommation courante. Même si les indicateurs globaux semblent solides, les consommateurs finaux ayant les revenus les plus bas sont autant sous pression qu’en 2024. C’est aussi ce groupe de consommateurs qui devrait être le plus touché par la hausse des prix due aux droits de douane, ce qui pourrait peser encore plus sur la consommation. Sur les marchés, la vente massive a aussi affecté la frange la plus aisée des consommateurs, car ce groupe démographique détient une part importante du capital des sociétés. Au niveau des entreprises, cela pèsera certainement sur les volumes et les marges, rendant les prévisions de bénéfices pour 2025 irréalistes. Les investisseurs sont également très attentifs au marché du travail et cherchent tout particulièrement à comprendre l’impact des suppressions de postes décidées par le DOGE sur l’emploi et l’économie en général.
     
  3. Evolution et perturbations liées à l’intelligence artificielle: une arme à double tranchant

    L’exubérance qui a porté les marchés en 2023 et en 2024 a été notamment alimentée par les perspectives de possibilités immenses liées à l’utilisation des grands modèles de langage (LLM). C’est ce qui a propulsé les actions des sociétés perçues comme des bénéficiaires de l’essor de l’IA. Les sociétés qui se trouvent au tout début de la chaîne de valeur, comme Nvidia, ont largement bénéficié de l’intérêt du marché en raison de leur positionnement. Jusqu’à très récemment, Nvidia produisait les puces de processeurs graphiques les plus sophistiquées du marché, considérées comme un intrant indispensable des LLM les plus perfectionnés. Nous pensons que l’IA ouvre une ère d’immenses possibilités, mais Nvidia, compte tenu de son modèle d’affaires et de sa place dans l’industrie, ne présentait pas la prévisibilité que nous recherchons sur le plan de la croissance des bénéfices pour être intégrée à notre approche Quality Growth.

    Si ses perspectives de croissance sont assurément considérables, la progression de ses bénéfices dépend de sa capacité à poursuivre la production de sa célèbre puce et de dépenses considérables dans l’IA. L’IA se développe rapidement, et les technologies de rupture sont désormais la norme. Cependant, les bénéfices du secteur de la tech étaient pour nous impossibles à comprendre, posant donc un risque d’investissement compte tenu des niveaux de valorisation. Cela dit, la volatilité restant maîtresse des marchés, nous demeurons très attentifs à toute opportunité d’investissement sur des valeurs que nous jugions trop élevées jusqu’à présent. Pour exploiter l’opportunité de croissance liée à l’évolution de l’IA, nous avons misé sur des entreprises plus prévisibles, généralement des fournisseurs de logiciels, qui intègrent les capacités de l’IA à leur offre de produits pour aider les clients à gagner en efficacité. Ces entreprises, dont les activités étaient déjà bien établies et diversifiées, peuvent bénéficier du vent favorable que constitue l’IA, tout en offrant des voies de croissance bénéficiaire plus prévisibles et plus durables, sans dépendre de l’axe d’évolution de l’IA.

    Les LLM déployés par la start-up chinoise DeepSeek ont mis en évidence l’absence de prédictibilité des sociétés fournisseurs. Le risque que les investissements nécessaires pour développer de grands modèles d’IA baissent est apparu comme une menace pour les fabricants de puces dédiées à l’IA. Les investisseurs ont alors rapidement abandonné la reine de l’IA, et Nvidia a perdu presque 600 milliards d’euros de capitalisation boursière en quelques heures. Pendant ce temps, les sociétés de logiciels et de services connexes ont quant à elles relativement bien résisté. Au demeurant, les gagnants à long terme ne sont pas encore connus, toutefois, nous continuons d’élargir notre exposition aux opportunités de croissance en misant sur plus de visibilité, de prédictibilité et de résilience, en optant notamment pour des entreprises de services professionnels, de conseil et de logiciels.

De l’exubérance à l’incertitude: une approche Quality Growth pensée pour traverser les cycles

Il est presque impossible de prévoir un cycle de marché, sa durée et chacune de ses phases. De plus, une variété de facteurs en grande partie imprévisibles, tels que la géopolitique, la politique monétaire, le sentiment des investisseurs, l’innovation et les chocs imprévus, ont des incidences sur les cycles de marché. Les données historiques peuvent permettre d’établir des parallèles utiles, mais aucun cycle ne se ressemble totalement. Pourtant, l’industrie financière fait souvent des prédictions précises sur les tournants à venir. Elle tend alors à négliger les risques évidents, voire à perdre de vue le cycle lui-même. Notre philosophie d’investissement Quality Growth évite de telles prédictions impossibles et s’emploie à déceler de l’alpha là où les facteurs sont plus «explicables», ce qui, selon nous, se situe au niveau des fondamentaux des entreprises. Nous cherchons ainsi à identifier des sociétés aux modèles économiques prévisibles et en mesure de faire croître leurs bénéfices plus rapidement, mais surtout avec plus de résilience et de régularité que l’ensemble du marché. A long terme, nous sommes convaincus que cette approche permet de participer à la plupart des phases de hausses du marché tout en limitant l’exposition aux baisses, ce qui favorise une surperformance tout au long du cycle, quelles que soient sa nature ou sa durée.

L’année 2025: l’insécurité pèse sur le «cycle infini»

Depuis le début de l’année, de nouvelles variables bousculent l’optimisme des deux années précédentes. Des signes de ralentissement économique se sont manifestés, et Trump 2.0 apporte une insécurité politique accrue, en particulier avec ses droits de douane. L’environnement géopolitique aussi se modifie, et l’idée que les gagnants de l’IA rafleront la mise est remise en question. Les investisseurs ont commencé à reprendre leurs esprits et à réaliser que le cycle haussier aurait une fin. En 2024, le bénéfice par action (BPA) de l’indice S&P 500 s’élevait à 10%, mais il aurait été bien inférieur sans la présence dans l’indice d’une poignée de titres de la tech. Pour 2025, le marché misait sur des hausses de bénéfices pour les autres sociétés du S&P 500. L’insécurité économique ambiante remet cette prévision en cause.

Le consensus bottom-up quant au BPA du S&P 500 ne change pas énormément. Cependant, les actions ont commencé à céder du terrain en anticipation d’une probable révision à la baisse des bénéfices. Une fois l’exaltation retombée, les investisseurs ont commencé à se déporter vers des domaines moins prisés du marché, reléguant la région Etats-Unis au second plan pour la première fois depuis plus de dix ans. Selon l’indice Bloomberg Magnificent 7 Total Return, les «Sept Magnifiques», qui constituaient le panier d’actions le plus robuste au cours des deux années précédentes, se sont retrouvés dans les groupes de titres affichant les moins bonnes performances. Quant aux valeurs européennes (mesurées par l’indice MSCI Europe), elles font partie de celles qui ont affiché les meilleures performances. Craignant un ralentissement économique ou une récession, les sociétés de segments plus défensifs du marché ont attiré les flux de capitaux.

Une approche conçue pour être résiliente

Notre approche vise à dégager des surperformances tout au long du cycle de marché. Nous ne pouvons pas prévoir les fluctuations des marchés, mais nous pensons que, sur le long terme, privilégier la prévisibilité, la pérennité et la résilience est source de bonnes performances ajustées du risque. Notre performance relative peut certes être reléguée au second plan en période de fortes hausses des marchés actions, mais notre proposition de valeur, en limitant l’exposition à la baisse, permet généralement à nos portefeuilles d’être d’autant plus efficaces en période d’insécurité ou dans les conditions volatiles, comme celles créées par Trump 2.0.

A lire aussi...