
Investir dans des entreprises présentant des bénéfices prévisibles constitue un bon moyen d’atténuer les risques liés à l’exubérance qui entoure l’IA. Celles ayant développé des moyens concrets de monétiser l’IA en l’utilisant pour améliorer leurs activités principales représentent un pari plus sûr que celles dont l’activité repose essentiellement sur l’IA elle-même.
L’enthousiasme pour l’IA a déclenché une ruée d’investissements dans de nouvelles applications. Cela répond d’une part à la volonté d’améliorer l’efficacité et la productivité, et d’autre part à la nécessité d’être compétitif face à l’innovation de ses pairs. Pourtant, dans de nombreux cas, les perspectives de retour sur investissement pour les dépenses liées à l’IA reste incertaines. Sur une période de trois à cinq ans, un risque de dépenses d’investissement dans des puces à très grande capacité en prévision de revenus qui pourraient ne pas se matérialiser.
Nous pensons qu’investir investir dans des entreprises dont les bénéfices sont prévisibles est un bon moyen d’atténuer ce risque. Les niveaux de la demande de base pour les entreprises technologiques autres que celles spécialisées dans l’IA devraient être soutenus, et la demande liée à l’IA devrait apporter une hausse supplémentaire. Par exemple, les géants de la technologie Microsoft et Adobe ont développé des moyens clairs et concrets de monétiser l’IA pour améliorer leur cœur de métier. Cela leur permet de générer des flux de revenus prévisibles faisant d’elles un pari plus sûr que celles qui repose essentiellement sur l’IA elle-même.
Dans l’ensemble, les revenus générés par l’IA pour Microsoft pourraient s’élever à environ 25 milliards de dollars sur un total de 245 milliards de dollars de revenus pour l’année 2024.
La stratégie de Microsoft consiste à présenter les fonctions d’IA sous la forme de modules distincts à prix élevés, baptisées «Copilot» et mettent l’accent sur la capacité d’assistance de la technologie. Office Copilot représente le plus grand levier potentiel de l’IA, car il propose des fonctionnalités telles que la rédaction ou l’édition de mémos, la réponse à des e-mails, la création de présentations PowerPoint se fondant sur des fichiers existants, ou l’utilisation d’Excel pour analyser des données et créer des graphiques. Office Copilot devrait également pouvoir servir d’interface basée sur le langage naturel et permettre ainsi aux utilisateurs de tirer parti de toutes les capacités qu’offre la suite Office. Le degré de participation de Copilot pourrait être plus modeste au début, car il faudra du temps aux entreprises pour comprendre comment les tâches pilotées par l’IA permettent d’améliorer l’efficacité d’un plus grand nombre d’employés et dans quelle mesure elles profitent réellement à l’entreprise.
Dans l’ensemble, les revenus générés par l’IA pour Microsoft pourraient s’élever à environ 25 milliards de dollars sur un total de 245 milliards de dollars de revenus pour l’année 2024. Cela représenterait une hausse de 10% du chiffre d’affaires actuel. Bien que le rythme initial d’adoption puisse être progressif, les clients se familiariseront avec ce nouveau type de produit. Dans l’hypothèse d’une montée en puissance sur 4 à 5 ans, cela pourrait contribuer à hauteur d’environ 2% à la croissance du chiffre d’affaires et d’environ 3% à la croissance du bénéfice par action au cours de la période.
Adobe investit dans l’IA et l’apprentissage automatique depuis maintenant un moment, avec par exemple, le lancement, en 2016, de Sensei, son outil d’IA pour le marketing numérique. L’année dernière, la majorité des clients d’Adobe utilisaient Sensei pour accélérer et simplifier leur flux de travail. Le récent engouement dont l’IA générative est plus évident dans l’activité de création de contenu numérique d’Adobe. Si les fonctions avancées de retouche photo ont toujours fait partie des standards incontournables, la nouvelle fonction Firefly, permettant de générer des images à partir d’un texte, est-elle aussi en passe de devenir une fonctionnalité essentielle. Les priorités d’Adobe en matière d’expérience utilisateur orientent le débat sur l’ampleur et la rapidité de la monétisation de l’IA. Adobe se concentre actuellement sur l’augmentation du nombre d’utilisateurs et sur le développement de l’écosystème. Qu’il s’agisse d’aider à la génération d’idées ou de fournir davantage de contenus, l’IA aide les utilisateurs à accroître leur productivité et les pousse, en définitive, à recourir davantage aux solutions d’Adobe.
Alors que Microsoft et Adobe monétisent l’IA par le biais de logiciels et d’offres de services dématérialisés, avec des trajectoires de croissance régulières, le fabricant de puces Nvidia se concentre sur la fabrication de puces pour l’IA. Du fait de l’incertitude entourant le caractère durable et pérenne de sa technologie, il nous semble néanmoins difficile de déterminer la prévisibilité de ses revenus futurs. Si la croissance de Nvidia a été extraordinaire, elle s’est aussi montrée particulièrement volatile. Ainsi, d’autres sociétés offrent elles aussi une exposition au potentiel de croissance, mais avec un risque moindre. C’est notamment le cas de Synopsys, qui fournit des outils de conception et de vérification aux fabricants de semi-conducteurs, et qui nous semble offrir une plus grande prévisibilité.
En bref: privilégier des rendements financiers réalistes et mesurables.
Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’impact de l’IA générative, il convient de se concentrer sur les cas d’utilisation facilement réalisables plutôt que de rêver aux possibilités à long terme. L’engouement pour les sociétés susceptibles de bénéficier de l’IA générative doit s’accompagner d’une discipline stricte en matière de valorisation. L’augmentation des bénéfices liés à l’IA devrait se produire au cours des années à venir. Toutefois, l’impact éventuel que cela pourrait avoir sur le cours des actions dépendra de la capacité qu’auront les entreprises à utiliser l’IA pour accroître leurs bénéfices. En tant qu’investisseurs, nous privilégions les entreprises de d’avantage de prévisibilité et bien positionnées pour bénéficier de la croissance structurelle observée au sein de ce secteur, garantissant ainsi des rendements financiers plus réalistes et mesurables.