Je ne vous fais pas l’injure de vous apprendre que qui vous savez fait piteusement volte-face hier, en mettant en pause tous les tarifs douaniers pour 90 jours sauf contre ces vilains chinois qui ont l’outrecuidance de ne pas se laisser crucifier aussi facilement que cela sur la place du marché. On passe donc à 10% pour tout le monde et on relève la Chine à 125% (les casquettes MAGA vont être hors de prix dépêchez-vous). Le président américain justifie cette décision par le «manque de respect» de la Chine envers les marchés mondiaux. Il affirme que la Chine ne peut plus «arnaquer les États-Unis et d’autres pays». Ça c’est pour le blabla habituel auquel nous a habitué le locataire de la Maison-Blanche.
Dans la vraie vie le marché des actions propose, Trump fanfaronne et tergiverse (je ne regarde pas la bourse) et au final c’est le marché obligataire qui dispose. La violente remontée des rendements des bons du Trésor américain depuis lundi (le 10 ans est passé de 3.86% à 4.51%, un mouvement d’une violence rare, a illustré combien la communauté des investisseurs était en train de se détourner de tout ce qui a trait de près ou de loin aux Etats-Unis. On observait déjà ce phénomène sur la partie actions, le dollar était aussi dans les cordes mais quand le grand frère obligataire décide de s’en mêler c’est une toute autre histoire qui commence, là ça ne rigole plus et qui dit désamour sur le terme pour la dette américaine dit risque de crise de liquidités en vue, octobre 2008 vous dit quelque chose? Il semble manifestement que les conseillers de Donald Trump (et probablement aussi Jamie Dimon) aient réussi à expliquer à ce prix Nobel de finance en puissance que le marché avait sifflé la fin de la récré. Le principal intéressé déclare d’ailleurs en conférence de presse qu’il avait gardé un œil sur le «très délicat» marché obligataire, qui est «à nouveau splendide» après ses annonces, on pouffe.
Alors certes, le rebond historique de Wall Street hier compte, mais gardez donc un œil sur le marché obligataire, c’est lui le véritable arbitre de ce jeu malsain engagé par le président des Etats-Unis.
Séance de trading historique donc Downtown Manhattan, l’indice S&P500 (SPX) met non seulement un terme à quatre sessions consécutives de repli, mais il réalise sa meilleure journée depuis octobre 2008. Le Nasdaq100 (NDX) accomplit sa seconde meilleure performance de tous les temps, on assiste à des couvertures de shorts massives sur les parquets de trading, les taureaux reviennent en nombre et ne font pas de prisonniers, dans des volumes d’échanges stratosphériques, tout simplement les plus importants de l’histoire avec 30 milliards d’actions traitées sur le NYSE. Le podium du jour du SPX se compose de la tech, de la consommation discrétionnaire et des services de communication, les 7 magnifiques reprennent les choses en mains, surtout Apple, Nvidia et Tesla, tandis que l’indice des semi-conducteurs SOX se met en mode Space-X avec une hausse de près de 19%. Sentiment de soulagement général dans les salles de marchés, on commençait à craindre un effondrement général (soit un SPX en-dessous de 4’000 points).
Le SPX récupère le niveau de 5’000 points, il conforte sa tendance haussière entamée en 2020 mais sa death cross est toujours en vue, à un horizon de deux jours désormais. Pour le NDX elle est attendue demain. La volatilité chute de 35%, le VIX revient à 33.62, un niveau qui reste ceci dit élevé. Le rendement du 10 ans US revient à 4,32%, il regarde sa 50 jours à 4,34% et sa 200 jours à 4,22%. Sur la partie des monnaies, le dollar retrouve quelque attrait aux yeux des intervenants, la paire EUR/USD est de retour à 1,1003 après avoir dangereusement atteint 1,1095 en séance hier.
Au registre de la macro, les stocks de gros pour le mois de février augmentent de 0,3% par rapport au mois précédent, un niveau similaire à celui de janvier, mais inférieur aux attentes du marché. Kashkari, de la Fed de Minneapolis, écrit que les tarifs douaniers rendent plus difficile une baisse des taux par la Réserve fédérale. Musalem, de la Fed de St. Louis, déclare qu’il s’attend à une croissance nettement inférieure à la tendance de 2%, même si les tensions entre la croissance économique et l’inflation commencent à apparaître. Barkin, de la Fed de Richmond, indique que les hausses de prix dues aux tarifs pourraient commencer dès juin, et que la guerre commerciale entraînera probablement une hausse des prix et une baisse de l’emploi.
On observe un certain optimisme dans le marché obligataire après une adjudication réussie de bons du Trésor à 10 ans pour un montant de 39 milliards de dollars, avec un rendement inférieur de 3 points de base aux attentes, contrastant avec l’écart de 2,4 points de base enregistré hier pour l’adjudication à 3 ans. Il y a des signes d’un fort intérêt étranger.
Les plus hauts dirigeants chinois se réunissent aujourd’hui pour discuter de nouvelles mesures de relance, après que Donald Trump a relevé les droits de douane sur les produits chinois à 125%. L’escalade des tensions dans la guerre commerciale pousse le yuan onshore à son niveau le plus bas depuis 2007. Un journal d’État suggère que la banque centrale chinoise (PBOC) devrait baisser ses taux.
Citi relève ses prévisions pour les actions américaines et européennes, mais abaisse celles des actions chinoises cotées à Hong Kong. Goldman Sachs annule sa prévision de récession aux États-Unis.
Cependant, les entreprises américaines se préparent toujours à un ralentissement et on garde en tête que la saison des résultats trimestriels de sociétés débute demain.
Au menu macro-économique du jour, l’inflation américaine de mars (CPI) sera suivie de près à 14h30.
Volkswagen a subi une contraction marquée de son résultat d’exploitation au premier trimestre, à 2,8 milliards d’euros contre 4,6 milliards d’euros un an avant, et 4 milliards d’euros espérés par le consensus. Barry Callebaut revoit à la baisse ses perspectives de volume en raison de la forte volatilité des prix du cacao. Givaudan dépasse légèrement les attentes avec une croissance robuste au premier trimestre. Walmart confirme ses prévisions annuelles et s’engage à maintenir des prix bas malgré les droits de douane. Alphabet confirme son plan d’investissement de 75 milliards de dollars pour 2025. Trump suggère finalement qu’il ne veut pas que United States Steel soit racheté par Nippon Steel.
Cette nuit et ce matin en Asie, les marchés décollent, portés par la vague verte en provenance de Wall Street. Tokyo gagne 9,13% à la cloche, Hong Kong avance de 2,71%, Shanghai et ses 125% prend 1,16%, Séoul bondit de 6,6% et le Nifty50 est fermé. Le future SPX rend 0,5%, son alter ego du Nasdaq perd 1% et l’Europe ouvre en hausse de 7,6%.