One Big Beautiful Bill: un plan fiscal et budgétaire hors normes

Michaël Nizard, Edmond de Rothschild Asset Management

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Les nouvelles dépenses américaines portent sur le budget de la sécurité aux frontières et de la défense.
  • Un accord commercial a été trouvé avec le Vietnam, tandis que les négociations avec l’UE, le Japon, l’Inde et la Corée se poursuivent difficilement.
  • La guerre tarifaire tarde encore à produire ses effets sur l’économie américaine comme en témoignent les indicateurs contradictoires sur l’emploi.
  • Les deux chambres du Congrès ont voté la One Big Beautiful Bill dans une version encore plus dispendieuse qu’en première lecture.

À quelques jours de la date limite des négociations du 9 juillet, un accord commercial a été trouvé avec le Vietnam, établissant un droit de douane de 20% sur ses exportations (137 milliards de dollars en 2024) et aucun tarif sur les importations américaines (13 milliards de dollars). Les Etats-Unis imposeront également un droit de douane de 40% sur les «marchandises en transit» depuis le Vietnam, ciblant implicitement la Chine. L’accord commercial entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni est entré en application cette semaine, les négociations patinent avec l’UE, le Japon, l’Inde et la Corée. L’UE examine une proposition envoyée par l’administration américaine, qu’Ursula von der Leyen n’a pas souhaité partager avec les pays membres tout en qualifiant d’impossible la signature d’un accord d’ici la semaine prochaine. Le Japon, classé par Donald Trump dans la catégorie «spoiled countries», a réaffirmé sa réticence à importer des produits agricoles, notamment le riz, souhaitant protéger sa souveraineté alimentaire.

La guerre tarifaire tarde encore à produire ses effets sur l’économie américaine comme en témoignent les indicateurs contradictoires sur l’emploi. L’enquête JOLT montre un rebond des ouvertures de postes avec près de 7,8 millions de postes ouverts. À l’inverse du rapport ADP qui calcule 33'000 emplois détruits dans le secteur privé en juin, le rapport sur l’emploi indique 147'000 créations d’emplois, dont 73'000 dans le secteur public (record des 12 derniers mois) et seulement 74'000 dans le secteur privé, principalement dans la santé et l’éducation. Le taux de chômage baisse à 4,1% mais le chômage des jeunes continue d’augmenter à 8,9%. L’ISM manufacturier reste en zone de contraction pour la 30e fois sur les 32 derniers mois avec la poursuite de la dégradation de la composante «emploi». L’ISM service est ressorti en légère hausse à 50,8, mais sa composante «emploi» chute en territoire de contraction.

Les deux chambres du Congrès ont voté la One Big Beautiful Bill dans une version encore plus dispendieuse qu’en première lecture. Les nouvelles dépenses portent sur le budget de la sécurité aux frontières et de la défense. De plus, pour favoriser la natalité, chaque nouveau-né américain se verra doté de 1'000 dollars abondé par le gouvernement sur un compte épargne bloqué jusqu’à ses 18 ans. Les baisses d’impôts couteront 4'500 milliards de dollars sur dix ans: maintien de la baisse de l’impôt sur les sociétés à 21% au lieu de 35%, quasi-doublement de l’abattement standard pour les ménages, réduction de 2,6 points de la dernière tranche d’impôt sur le revenu à 37%. Les économies de dépenses ne s’élèveront qu’à 1'500 milliards de dollars sur dix ans. Outre la baisse des subventions vertes (fin du crédit d’impôt pour l’achat de véhicule électrique), elles pèseront principalement sur ménages les plus fragiles: près de 12 millions de personnes devraient perdre l’accès à l’assurance-maladie (Medicaid) dont ils bénéficient depuis les mesures «ObamaCare», dont un tiers d’enfants de moins de cinq ans. Les conditions d’éligibilité aux bourses Pell pour faciliter l’accès des plus modestes aux universités vont être durcies. La dette devrait augmenter de plus de 3'000 milliards de dollars sur les dix prochaines années. Le plafond de la dette a été remonté de 5'000 milliards de dollars offrant de précieuses marges de manœuvre au Trésor.

Si les Etats-Unis ont réussi à boucler leur programme budgétaire avant la date souhaitée du 4 juillet, l’équation budgétaire est plus difficile à résoudre au Royaume-Uni. Le gouvernement a choisi de céder face à la fronde de députés travaillistes plutôt que de soutenir la chancelière de l’Échiquier, Rachel Reeves, en proie à des rumeurs de départ. Une partie des coupes budgétaires (6,25 milliards de livres sterling) a été abandonnée, ce qui réduit les marges de manœuvre budgétaire et conduit à une nouvelle défiance envers les taux et la devise du Royaume-Uni.

Dans ce contexte, nous maintenons nos allocations légèrement sous-pondérées en actions, principalement sur les Etats-Unis, jugeant les valorisations élevées malgré des résultats qui devraient ressortir moins dégradés qu’anticipés par le consensus. Nous restons également vigilants sur la duration, avec une préférence pour les obligations d’entreprises par rapport aux obligations gouvernementales.

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