Alors que les marchés financiers anticipaient une détente des tensions au Moyen-Orient compte tenu des avancées dans les discussions entre Téhéran et Washington sur le dossier nucléaire, le risque géopolitique est soudainement revenu sur le devant de la scène avec les attaques menées cette nuit par Israël sur le sol iranien. Plusieurs sites nucléaires ont été touchés ainsi que de hauts responsables militaires avec comme objectif de mettre un coup d’arrêt au développement du programme nucléaire iranien dont l’état d’avancement était jugé préoccupant. Téhéran a d’ores et déjà lancé sa riposte sans pour autant que celle-ci n’ait de conséquences graves à ce stade, la quasi-totalité des drones iraniens ayant été interceptés par le système de défense israélien. La communication du leader suprême, Ali Khamenei, ne laisse toutefois pas de doutes, d’autres représailles sont à anticiper ces prochains jours alors qu’il considère l’attaque israélienne comme une «déclaration de guerre».
Deux scénarios semblent ainsi se dégager
- Une riposte iranienne de grande ampleur qui conduirait à une véritable déclaration de guerre israélienne. Dans ce cas une intervention des Etats-Unis dans le conflit ne pourra être évitée, avec un risque d’embrasement régional qui pourrait plonger le monde dans une escalade sans précédent. La principale conséquence serait une perturbation des flux pétroliers avec potentiellement le risque de fermeture du détroit d’Ormuz et une envolée incontrôlée des cours du brut et donc une forte correction des actifs risqués compte tenu du risque de récession économique mondiale;
- Une riposte plus mesurée de Téhéran à l’image des précédentes phases de tensions entre les deux pays ces deux dernières années.
Certains éléments laissent encore espérer que ce deuxième scénario puisse se matérialiser et que le conflit puisse être contenu. D’une part, les Etats-Unis ont indiqué avoir été informé de l’attaque israélienne mais ont précisé ne pas y avoir apporté leur soutien. Donald Trump a d’ailleurs indiqué qu’il souhaitait toujours la reprise des discussions avec Téhéran et pourrait ainsi exercer une pression diplomatique sur les deux camps pour les inciter à la retenue. D’autre part, le régime iranien est dans une position particulièrement délicate alors que son économie est asphyxiée par les sanctions internationales et le mécontentement de sa population continue de progresser, expliquant en grande partie son retour à la table de négociations avec les Etats-Unis ces derniers mois. Ses capacités militaires semblent également fragilisées comme en témoignent l’inefficacité de ses ripostes lors des précédentes phases de tensions et l’affaiblissement de plusieurs groupes militaires qu’il soutenait dans la région. Enfin, les réactions mesurées des autres puissances régionales suggèrent que l’épisode actuel n’est pas pour l’instant perçu comme un changement de paradigme sécuritaire et laissent donc espérer que les tensions ne se propageront pas à l’ensemble du Moyen-Orient.
S’agissant des implications financières et de l’allocation d’actifs, l’ensemble de ces éléments incite les investisseurs à faire preuve d’un optimisme prudent jusqu’ici quant à l’issue de cette géopolitique. Les cours du pétrole brut ont certes fortement progressé (+7% à 74 $/b) mais ces derniers ont quelque peu rechuté après une réaction initiale plus prononcée. Le niveau très élevé de l’incertitude nécessitera de maintenir ces prochaines semaines une prime de risque géopolitique plus importante dans les cours mais une envolée du Brent à des niveaux qui pourraient fragiliser l’économie mondiale ou entraîner une nouvelle vague inflationniste pourrait être évitée si l’Opep et en particulier l’Arabie Saoudite acceptent d’accélérer leur production. Compte tenu du poids relativement faible de l’Iran dans l’économie mondiale, le risque d’une flambée du prix du pétrole est le principal canal de transmission de ce choc géopolitique vers les marchés financiers, ce qui explique le faible impact sur les marchés d’actions à ce stade. Si l’or joue bien son rôle de valeur refuge (+1,5% à 3430 $/once), notons en revanche que les taux souverains n’offrent guère le même attrait, signe que les craintes inflationnistes l’emportent aux yeux des investisseurs dans la mesure où ce risque s’ajoute à celui déjà prégnant des tarifs douaniers. Enfin, l’appréciation du dollar reste particulièrement modeste, témoignant encore une fois de la puissance de la tendance de fond à la baisse du billet vert.
Dans ce contexte hautement incertain, nous conservons une approche quelque peu prudente sur nos investissements actions, notamment sur les actions américaines dont leurs cours ont progressé plus vite que la dynamique récente des bénéfices par actions. Nous souhaitons aussi adopter une politique de couverture active du risque change sur le dollar, et ce depuis plusieurs mois.