Quand les entreprises cessent d'investir

Christian Scherrmann, DWS

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Graphique de la semaine de DWS. Jusqu'à présent, les annonces de Trump affectent le moral des investisseurs mais pas leurs décisions. Cela pourrait changer et causer des dommages à long terme.

©Keystone

 

Même en temps normal, les prévisions conjoncturelles relèvent plus de l'art que de la science. Cela s'explique notamment par les fluctuations cycliques des investissements des entreprises, qui sont difficiles à estimer à l'avance. Pour établir leurs prévisions, les économistes s'appuient généralement sur des données d'enquête telles que l'indice ISM des nouvelles commandes dans le secteur manufacturier. Celui-ci a récemment fortement baissé et s'est établi en dessous d'une valeur désaisonnalisée de 50, ce qui indique un ralentissement imminent de la conjoncture. La raison principale semble être la politique commerciale imprévisible de l'administration Trump. Jusqu'à présent, les différentes annonces politiques semblent surtout avoir pour effet de refroidir l'enthousiasme des entreprises américaines. En revanche, les espoirs d'un boom des investissements de la part des entreprises étrangères qui souhaitent produire aux Etats-Unis à l'avenir pour contourner les nouveaux droits de douane n'ont pas encore laissé de traces mesurables sur le plan macroéconomique.

Il serait néanmoins prématuré de parler d'une récession aux Etats-Unis. Comme le montre notre «graphique de la semaine», l'indice ISM des nouvelles commandes est un indicateur un peu plus fiable de ce que les entreprises concernées déclareront effectivement comme nouvelles commandes au cours des six prochains mois. Normalement, le climat économique varie beaucoup plus d'un mois à l'autre que les investissements réels, souvent sans montrer de tendances fiables. Cela s'explique en partie par la taille relativement réduite des échantillons utilisés dans ce type d'enquêtes. Mais des facteurs plus subtils jouent également un rôle. Dans les enquêtes, on demande aux cadres de donner leur avis sans engagement et sans que cela n'ait de conséquences directes pour leur entreprise. Il en va bien sûr tout autrement lorsque ces mêmes personnes doivent réellement décider de mettre fin à un projet prévu de longue date et éventuellement d'amortir une partie des coûts déjà engagés.

En temps normal, l'indice ISM des entrées de commandes n'est pas un indicateur fiable des investissements aux Etats-Unis


 


Les cycles d'investissement tournent généralement lorsque de nombreuses entreprises en arrivent à la conclusion, à peu près au même moment, qu'il faut renoncer aux grands projets. C'est le cas, par exemple, lorsqu'elles observent ou craignent une baisse de la demande, une chute des cours des actions ou une détérioration des conditions de crédit. Aux tournants cycliques, cela conduit facilement à un cercle vicieux dans lequel la mauvaise humeur devient une prophétie auto-réalisatrice. Comme le décrivent les lauréats du prix Nobel George Akerlof et Robert Shiller dans leur excellent livre «Animal Spirits»: «Lorsque les entreprises décident effectivement d'investir, les facteurs psychologiques qui sous-tendent les investissements jouent un rôle important (...). Les décisions relatives aux investissements sont plus intuitives qu'analytiques. Cette intuition est un processus social qui suit les lois de la (...) psychologie sociale.) En d'autres termes: si l'administration Trump veut éviter que le sentiment négatif ne se répercute sur les décisions de l'économie réelle, elle ferait mieux d'effectuer les éventuels revirements en matière de droits de douane le plus tôt possible.

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