Tensions commerciales: faire face aux risques du marché

Seema Shah, Principal Asset Management

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Les investisseurs doivent éviter de réagir de manière excessive aux fluctuations à court terme. Un portefeuille bien diversifié reste la meilleure défense.

©Keystone

 

L’intensification des tensions commerciales ajoute une nouvelle source de volatilité sur les marchés. Ces dernières semaines ont apporté plusieurs mauvaises surprises à l’économie et aux marchés des Etats-Unis, les investisseurs ayant du mal à digérer l’évolution rapide du flux d’actualités et des changements de politiques. Les prévisions de croissance sont en cours de révision à la baisse. Les recherches Google autour du terme «récession» augmentent.

Bien que les droits de douane pourraient augmenter les coûts et perturber les chaînes d’approvisionnement, l’histoire a montré que les marchés sont en mesure de s’adapter au fil du temps. Les investisseurs doivent éviter de réagir de manière excessive aux fluctuations à court terme. Un portefeuille bien diversifié reste la meilleure défense contre l’incertitude à court terme, et l’accent mis sur la résilience économique, la solidité des bénéfices des entreprises et les tendances plus générales du marché doivent rester les premiers critères absolus.

Vu l’escalade des tensions commerciales et l’incertitude quant au moment et à l’éventualité de l’entrée en vigueur de nouveaux droits de douane, les marchés financiers se retrouvent dans une position précaire. Depuis sa réélection, le président Trump a imposé des droits de douane sur les importations en provenance du Canada, du Mexique et de la Chine, un durcissement apparent de sa politique commerciale. Les investisseurs se retrouvent donc à évaluer les implications pour les chaînes d’approvisionnement mondiales, la rentabilité des entreprises et la stabilité économique.

Si la guerre commerciale déclenchée par les Etats-Unis se poursuit pendant une période considérable, cela est susceptible de créer des obstacles à la croissance et d’inquiéter les marchés mondiaux. Toutes représailles de la part des partenaires commerciaux devraient accroître l’incertitude et augmenter la pression sur les entreprises qui doivent gérer une chaîne d’approvisionnement mondiale déjà complexe.

En supposant que tous les droits de douane annoncés finissent par être mis en place, nos estimations initiales indiquent un impact économique plus important qu’en 2018.

Préoccupations nationales aux États-Unis

L’impact général de ces droits de douane aura probablement un effet négatif sur la croissance des Etats-Unis et accélérera l’inflation aux Etats-Unis. Les augmentations de droits de douane pourraient avoir un impact de 1,4% sur la croissance des Etats-Unis. On pense ici aux exclusions de droits de douane liées à l’ACEUM (Accord Canada-Etats-Unis-Mexique) pour le Mexique et le Canada, les exemptions énergétiques pour le Canada, les récents droits de douane sur l’acier et l’aluminium et la proposition de doublement des droits de douane pour la Chine. Des droits de douane réciproques amplifieraient l’impact négatif sur l’économie. Mais puisque la croissance aux Etats-Unis a été de près de 3% l’année dernière, les droits de douane à eux seuls ne suffiraient probablement pas à faire basculer les États-Unis dans la récession.

Quant à l’effet des droits de douane sur l’inflation aux Etats-Unis, leur impact sera probablement significatif car les dépenses des consommateurs aux Etats-Unis en matière de produits alimentaires et d’énergie dépendent fortement du commerce avec le reste de l’Amérique du Nord. Les estimations suggèrent que les droits de douane pourraient entraîner une augmentation d’un demi à un point de pourcentage de l’inflation des Etats-Unis à court terme, ce qui pourrait peut-être ramener l’inflation globale à environ 3,5%. Mais il est probable que le maintien d’une augmentation de l’inflation dépende de divers facteurs. Les grossistes ou les détaillants vont-ils choisir d’absorber certains des droits de douane dans leurs marges? Les consommateurs des Etats-Unis vont-ils se tourner vers des biens nationaux moins coûteux? Les attentes en matière d’inflation vont-elles rester ancrées? Dans quelle mesure le dollar américain va-t-il s’apprécier?

Bien que la déréglementation n’ait pas été un vent favorable en début d’année, elle est probablement toujours en cours même si elle a été reléguée au second plan. Plusieurs secteurs, allant de l’énergie à la finance, peuvent bénéficier d’un rendement puissant du capital et d’un environnement favorable aux bénéfices, ce qui pourrait stimuler la croissance économique. Du point de vue fiscal, l’extension de la loi sur les réductions d’impôts et l’emploi de 2017 aura probablement lieu à la fin de l’année et, bien que cela ne constitue pas un stimulus, car il s’agit simplement de prolonger une mesure fiscale déjà en place, l’administration Trump pourrait envisager d’introduire de modestes nouvelles réductions d’impôts pour les ménages, potentiellement financées par des revenus tirés de droits de douane. Plus tard cette année, un passage à des politiques de déréglementation et de réductions fiscales, plus favorables à la croissance, pourrait compenser les effets négatifs des droits de douane et d’autres politiques.

Que va-t-il se passer ensuite?

Le contrôle unilatéral du président Trump sur la politique commerciale garantit une volatilité élevée des marchés dans un avenir proche. En outre, sa volonté d’utiliser les droits de douane pour tenter d’atteindre des objectifs non économiques remet en cause l’hypothèse selon laquelle il reviendrait sur certaines de ses propositions politiques les plus radicales.

Par conséquent, l’imprévisibilité des politiques demeure sans doute le principal risque pour les marchés. Dans un tel contexte, la diversification sera un levier clé pour gérer le risque des portefeuilles et saisir les opportunités à mesure que les entreprises, les pays et les marchés s’adaptent.

L’histoire montre que les portefeuilles diversifiés bénéficient du maintien de l’investissement tout le long des cycles, en particulier lorsque les conditions suivantes soutiennent une perspective constructive à long terme: bénéfices d’entreprise robustes, marchés du travail résilients et stabilité du crédit. Bien que les tensions commerciales continuent à faire la une des actualités, le maintien d’une discipline d’investissement est la meilleure stratégie pour faire face à l’incertitude à venir.

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