Tirer parti de la décote inexpliquée de certaines actions européennes

Yves Hulmann

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Tom Horsey, gestionnaire chez Wellington Management, observe notamment que le titre de Tesco au Royaume-Uni se traite à un niveau très inférieur à celui de Walmart aux Etats-Unis.

Alors qu’en fin d’année dernière, un grand nombre de stratèges continuaient à accorder leur préférence aux actions américaines en vue de 2025, ce sont les valeurs européennes qui se démarquent jusqu’ici. Depuis début janvier, l’indice MSCI EMU, qui regroupe plus de 200 sociétés de toute l’Europe, affiche une progression de près de 8,5% alors que le MSCI USA n’affiche, lui, qu’une hausse de 3,5%. Tom Horsey, responsable du développement et de la gestion de la stratégie dédiée aux actions européennes chez Wellington Management, mise sur une approche de type «contrarian» appliquée aux titres du Vieux Continent. Selon le gestionnaire, les écarts de valorisation entre certaines entreprises européennes et américaines qui présentent des profils parfois très similaires peuvent aussi être une source d’opportunités. Entretien.

Vous décrivez votre approche d’investissement comme «contrarian». Pouvez-vous l’expliquer brièvement et montrer de quelle manière on peut l’appliquer aussi pour les actions européennes?

Globalement, une approche «contrarian» veut que nous nous intéressions à des entreprises dont les actions se traitent à un prix bas, pour lesquelles les attentes sont également faibles mais qui disposent de bilans solides. En bref, des titres de sociétés qui ne sont souvent pas vraiment dans l’air du temps, mais qui continuent à être rentables et qui disposent de perspectives intéressantes.

«Dans le domaine de l’automobile, nous restons à l’écart des constructeurs de véhicules allemands en ce moment. En revanche, une société comme Michelin nous paraît intéressante.»

Maintenant, certaines personnes pensent qu’être «contrarian» consiste à acheter des actions dont le prix a fortement chuté – ce n’est pas si simple. Nous n’achetons pas d’actifs de type «distressed» et nous n’essayons pas de jouer le timing ce que l’on pourrait appeler des rallyes de soulagement.

En ce qui concerne la situation plus spécifique des actions européennes, qui évoluent dans un environnement économique qui demeure globalement difficile, nous regardons si les difficultés de certaines entreprises sont de nature cyclique ou davantage structurelle. Dans le domaine de l’automobile par exemple, nous restons à l’écart des constructeurs de véhicules allemands en ce moment. En revanche, une société comme Michelin nous paraît intéressante. En effet, même si les véhicules continuent à gagner des parts de marché, cela sera plutôt bénéfique à ce fabricant de pneus car ceux-ci s’usent souvent plus rapidement avec les véhicules électriques, en raison du poids des batteries, qu’avec les voitures à combustion.

En fin d’année dernière, on entendait souvent l’argument selon lequel les actions européennes étaient certes nettement moins chères que les actions américaines mais qu’il y avait aussi de bonnes raisons à cela. Est-il opportun d’acheter des actions européennes du seul fait qu’elles sont bon marché?

Chaque action que nous détenons dans notre portefeuille doit l’être pour des raisons positives. Nous n’achetons jamais des titres simplement parce qu’ils sont moins chers que d’autres. Parmi les exemples de titres et de secteurs dans lesquels nous investissons, je citerais notamment les sociétés actives dans le secteur de l’alimentation et du commerce de détail. Aux Etats-Unis, une entreprise comme Walmart affiche une croissance de ses bénéfices de l’ordre de 10% par année et son action se traite avec un multiple de bénéfices d’environ 33x actuellement. Au Royaume-Uni, une société comme Tesco affiche une croissance de ses bénéfices à peu près aussi élevée, soit 9% par an, tout en se traitant avec un multiple de bénéfices de 13x seulement. On peut s’interroger sur les raisons qui peuvent expliquer un tel écart.

«Deux raisons parlent en faveur de Roche. D’une part, le groupe est peu confronté au risque dit de la ‘falaise des brevets’. D’autre part, il compte un grand nombre de produits en lien avec le domaine des diagnostics.»

Toujours dans le domaine de l’alimentation, un titre comme Nestlé redevient intéressant notamment en raison de ses développements dans la nutrition saine. Et ce groupe suisse continue à afficher une croissance surprenamment positive.

Les actions d’entreprises basées au Royaume-Uni représentent près de 30% de votre portefeuille. Est-ce un pari actif en faveur des actions britanniques, malmenées à cause du Brexit ces dernières années, ou cela s’explique-t-il pour d’autres raisons?

Nous n’avons pas décidé d’appliquer un «home bias» spécifique en faveur des actions britanniques, car nous adoptons une approche de sélection des actions par le bas ou «bottom-up». En termes de valorisation, beaucoup d’actions de sociétés britanniques restent bon marché alors que seule une faible part de leurs revenus est réalisée au Royaume-Uni.

Y a-t-il des secteurs qui retiennent en particulier votre attention actuellement dans une optique d’investissement «contrarian»?

On a déjà cité le secteur de l’alimentation. D’autres secteurs intéressants à suivre sont ceux notamment de la construction ou de la défence. Bien que certaines actions dans ces industries puissent être coûteuses, beaucoup se négocient à des niveaux de valorisation très attractifs. C’est un environnement idéal pour les stock pickers. En particulier si l’on considère que les Etats-Unis exercent une forte pression pour que les pays européens membre de l’OTAN augmentent leurs dépenses de défence au cours des prochaines années.

Novartis et Roche compte parmi les dix plus grandes positions au sein de votre fonds. Pourquoi est-ce le cas ? D’autres sociétés pharmaceutiques, comme Novo Nordisk, ont réussi à mettre sur le marché des produits qui ont connu un développement beaucoup plus spectaculaire que les deux groupes suisses?

Si l’on compare ces deux titres avec Novo Nordisk, on peut observer que le groupe danois a très bien réussi jusqu’au milieu de l’an dernier grâce à ses traitements anti-obésité. En revanche, son portefeuille de médicaments est beaucoup moins diversifié et est soumis à une forte concurrence.

Comparativement, Novartis se traite avec un multiple de bénéfices largement inférieur et dispose d’un pipeline de médicaments beaucoup plus diversifié. 
Deux raisons parlent en faveur de Roche. D’une part, le groupe est peu confronté au risque dit de la «falaise des brevets». D’autre part, il compte un grand nombre de produits en lien avec le domaine des diagnostics.

L’industrie est aussi un secteur fortement représenté dans votre fonds, avec plus du tiers du total. Cette branche n’affronte-t-elle pas des vents particulièrement contraires en Europe actuellement, avec la cherté des coûts de l’énergie, la faiblesse de la demande intérieure de la zone euro ou chinoise?

Non, je crois que l’industrie européenne est un bon endroit pour trouver des actions à des prix avantageux. Il y a de véritables chances de pouvoir trouver des entreprises industrielles en Europe qui sont des leaders de marché dans leur secteur et qui se négocient à des prix attractifs.

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