Des opportunités intéressantes parmi les «anges déchus»

Yves Hulmann

3 minutes de lecture

Pour Konstantin Leidman, partenaire chez Wellington Management, on trouve des valorisations attrayantes pour des titres de nombreux secteurs dans la dette à haut rendement.

A partir de quel moment des emprunts qui ont perdu une grande partie de leur valeur redeviennent attrayants? Le point avec Konstantin Leidman, Senior Managing Director et Partner chez Wellington Management et spécialiste des obligations à haut rendement («High Yield») européennes et mondiales.

L’attention des marchés est actuellement très centrée sur l’évolution des taux d’intérêt et les décisions qui viennent d’être annoncées par les banques centrales ou qui le seront ces prochains jours. Quel serait l’impact d’une baisse des taux directeurs des principales banques centrales sur les valorisations des obligations à haut rendement?

Comparativement à d’autres catégories d’obligations comme les emprunts souverains dotés d’une longue échéance, la valorisation des obligations à haut rendement ou High Yield est généralement moins sensible aux variations des taux d’intérêt. En moyenne, dans notre portefeuille, la duration est inférieure à 3 ans. Cela signifie donc qu’une variation des taux d’intérêt, dans un sens ou dans l’autre, n’entraîne que relativement peu de variations de la valeur d’une obligation High Yield. Par exemple, une baisse des taux d’intérêt de 100 points de base (1%) n’entraînerait une appréciation de la valeur du prix de nos emprunts High Yield que d’environ 3%. A l’inverse, une hausse des taux d’intérêt de 100 points de base (1%) n’entraînerait, en moyenne, qu’une baisse de 3% de la valeur de notre portefeuille. Les durations courtes sont moins sensibles aux variations des taux d’intérêt que ce n’est le cas avec des durations plus longues.

«Nous avons racheté des obligations d'une société immobilière active dans le secteur des bureaux, qui s'est repositionnée en investissant davantage dans les propriétés résidentielles et les laboratoires pour le secteur des sciences de la vie».

Par ailleurs, il faut toujours garder à l’esprit que l’évolution des taux d’intérêt est vraiment très difficile à prévoir. C’est pourquoi nous préférons nous concentrer sur la qualité des émetteurs plutôt que de tenter d’anticiper quelle sera l’évolution de la courbe des taux en général. On s’intéresse aux hausses des taux d’intérêt plutôt en fonction de l’impact que cela a sur certaines branches. Par exemple, la hausse des taux d’intérêt depuis 2022 a eu un impact sur certains acteurs du secteur de l’immobilier, en particulier pour les sociétés qui étaient déjà fragiles pour différentes raisons au sortir de la pandémie de Covid-19. Par conséquent, nous avons observé des opportunités de valorisation intéressantes dans le secteur, en particulier parmi les «anges déchus», ou «fallen angels» en anglais. Par exemple, nous avons racheté des obligations d'une société immobilière active dans le secteur des bureaux, qui s'est repositionnée en investissant davantage dans les propriétés résidentielles et les laboratoires pour le secteur des sciences de la vie, entre autres.

Justement, des entreprises qui ont déjà connu des difficultés pour différentes raisons ont-elles des chances de se relever dans un environnement de taux d’intérêt plus élevés?

Il est finalement assez rare que des entreprises fassent défaut uniquement à cause de taux d’intérêt plus élevés – en général, c’est plutôt lié à d’autres raisons en rapport avec leur modèle d’affaires, leur secteur d’activité ou peut-être en raison de facteurs d’ordre technologique ou en rapport avec la géopolitique.

«Quand je vois les développements en cours dans le secteur automobile, notamment en lien avec les véhicules électriques, je ne serais pas surpris que l’on aboutisse à des surcapacités.»

Y a-t-il des secteurs ou pays que vous favorisez ou au contraire évitez dans votre stratégie High Yield actuellement?

Nous n’avons pas de préférence sectorielle ou régionale à proprement parler. Notre approche repose plutôt sur l’analyse des cycles de capitaux. Si l’on prend, par exemple, le secteur du pétrole de schiste, il y a eu une phase d’investissements très importants dans ce mode d’extraction de pétrole au début de la dernière décennie, ce qui a entraîné ensuite une chute des prix en raison d’une production trop abondante et qui a conduit à un grand nombre de défauts d’entreprises dans ce secteur. Dans de telles phases, il s’agit d’évaluer correctement les chances de redressement de ces entreprises - ou du moins leur capacité à pouvoir rembourser leurs dettes.

Y a-t-il actuellement des secteurs ou activités pour lesquelles vous pensez que les risques de défaut pourraient augmenter à l’avenir?

Il est toujours difficile de se livrer à de tels pronostics. Maintenant, quand je vois les développements en cours dans le secteur automobile, notamment en lien avec les véhicules électriques, je ne serais pas surpris que l’on aboutisse à des surcapacités. Il y a non seulement une expansion massive de l’offre dans l’industrie automobile mais il y aussi de surcroît un grand nombre de nouveaux entrants dans ce secteur. Même un fabricant chinois de smartphones bien connu a commencé à fabriquer des véhicules électriques l’an dernier. Y aura-t-il suffisamment de demande pour toute cette offre? Le secteur des énergies renouvelables pourrait aussi à terme présenter des surcapacités.

Que pensez-vous des investissements actuels en lien avec l’IA?

Ici aussi, il s’agit d’un domaine où il y a des investissements massifs aussi bien dans le domaine des semi-conducteurs, de centres de données, d’équipements hardware, le tout avec le soutien du financement de nombreux gouvernements soucieux que leur pays soit compétitif dans l’IA. Cela a même conduit à une hausse massive de la consommation d’électricité dans certains endroits. Sur le long terme, je reste très prudent en ce qui concerne tous ces investissements en lien avec l’IA, même s’il est très difficile de prédire quand la bulle finira par éclater.

«Je reste très prudent en ce qui concerne tous ces investissements en lien avec l’IA, même s’il est très difficile de prédire quand la bulle finira par éclater.»

En ce qui nous concerne, nous pouvons rester à l’écart pendant que les actions de certaines sociétés doublent ou triplent de valeur et déployer le capital dans des entreprises de meilleure qualité jusqu'à ce que les prix reflètent adéquatement ces risques.

Y a-t-il des données ou ratios spécifiques que vous regardez en particulier?

Lorsque vous commencez à acheter des emprunts High Yield, vous n’avez jamais de certitude sur le fait que vous entrez ou non au bon moment. L’important est de disposer d’une marge suffisante. Par exemple, lorsque nous avions racheté de la dette d’une grande société de croisières, nous pouvions nous appuyer sur d’importantes garanties ou «collaterals» tels que des navires ou différents équipements. Certes, nous encourions un risque mais nous étions correctement dédommagés pour les risques que nous prenions.

En fin de compte, un des critères le plus pertinent est toujours de regarder comment évoluent les fondamentaux de l’offre et de la demande.

Dans la dette à haut rendement, avez-vous des préférences sur le plan régional entre les Etats-Unis et l’Europe?

Nous sommes, de manière générale, plus positifs envers l’Europe. Certes, la croissance européenne est plus faible qu’aux Etats-Unis, ce qui nous convient. Notre analyse suggère également que l'Europe semble plus attractive du point de vue de la valorisation, surtout en tenant compte des différences de composition entre les deux marchés (notations, secteurs, etc).

A lire aussi...