Le couple franco-allemand perd son leadership
Autrefois enviée pour la solidité de son modèle économique, l’Allemagne se trouve aujourd’hui à un tournant critique. La guerre en Ukraine a compromis son accès à une énergie bon marché, principalement fournie par la Russie, entraînant une hausse significative des coûts pour les entreprises et les consommateurs. Simultanément, la Chine, l’un de ses principaux marchés d’exportation, a consolidé ses barrières commerciales et orienté résolument sa stratégie industrielle vers les secteurs des voitures électriques et des panneaux solaires. Ce virage menace de marginaliser l’industrie allemande, traditionnellement forte dans ces domaines. Au cœur de cette tempête, la coalition au pouvoir à Berlin apparaît fragile et divisée. Les débats sur la politique énergétique, notamment autour de l’avenir du nucléaire, reflètent un mal être inquiétant. Alors que le pays tente de naviguer entre les exigences de la transition et les réalités géopolitiques, les incertitudes s’accumulent, mettant en péril sa compétitivité sur la scène mondiale.
La France, quant à elle, est plongée dans un chaos politique sans précédent depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Le paysage politique est plus que jamais marqué par des tensions exacerbées. Alors que le pays est confronté à une impasse budgétaire, la menace d’une dégradation de la note de la dette nationale plane sur l’économie. Malgré la multiplication des débats, aucun consensus n’est trouvé, rendant hypothétique toute solution viable. Même si un budget venait à être adopté ou imposé via un «49.3» (article de la Constitution permettant au gouvernement d'engager sa responsabilité sur un texte de loi) dans un avenir proche, les signes laissent présager que cette crise politique perdurera à moyen terme.
En 2024, la dette publique française devrait dépasser les 3000 milliards d'euros, atteignant 110% du PIB. Cela positionne la France à la troisième place des pays les plus endettés de l'Union européenne (UE), derrière la Grèce et l'Italie.
La désorganisation actuelle soulève des questions sur la capacité des dirigeants à naviguer dans cette tempête. Les citoyens, quant à eux, vivent dans l’incertitude, attendant des réponses qui semblent de plus en plus lointaines. La France se trouve à un carrefour critique, où les choix de demain détermineront son avenir politique et économique.
La dette française est-elle vraiment problématique?
En 2024, la dette publique française devrait dépasser les 3000 milliards d'euros, atteignant 110% du PIB. Cela positionne la France à la troisième place des pays les plus endettés de l'Union européenne (UE), derrière la Grèce et l'Italie. L'État prévoit d'emprunter un montant record de 285 milliards d'euros, une augmentation significative par rapport aux années précédentes. Environ la moitié de cette dette est détenue par la Banque de France (25%) et par des investisseurs institutionnels tels que des compagnies d'assurance, des banques et des gestionnaires de fonds, tandis que l’autre moitié est aux mains d’investisseurs étrangers. La détention d’une telle proportion par des non-résidents soulève des préoccupations quant à la dépendance financière du pays, et entraîne plusieurs risques: volatilité des taux, vulnérabilité aux chocs exogènes, augmentation du coût du service de la dette, et répercussions sur la perception des agences de notation.
L'écart croissant entre l'OAT française et le Bund allemand, atteignant un niveau record depuis la crise de la dette européenne à près de 80 points de base, témoigne d'une détérioration du risque perçu par les marchés. Cela place les obligations françaises au même niveau que celles des pays d'Europe du Sud, entre l'Espagne et le Portugal, tout en restant au-dessus de l'Italie. Malgré ces tensions, une crise d'insolvabilité ne paraît pas imminente. Le risque de fragmentation en Europe demeure marginal, avec des effets de contagion pour l'instant très limités. Si la situation venait à se détériorer, la BCE pourrait intervenir par le biais de l’ingénierie financière pour prévenir une crise. Elle dispose des outils et de l'expertise nécessaires pour faire face à de tels défis.
Quels risques de contagion?
La situation actuelle exerce une pression indirecte sur l'euro, compliquant la tâche de la Banque centrale européenne (BCE) dans la gestion de sa politique monétaire. Les investissements étrangers en France, qui avaient récemment montré des signes de reprise grâce aux réformes mises en place par Emmanuel Macron, devraient faiblir, du moins temporairement. Les mesures débattues actuellement à l’Assemblée nationale, pour réduire le déficit budgétaire, notamment par une hausse des taxes, devraient peser sur la compétitivité et l’attractivité du pays. Par ailleurs, la paralysie du couple franco-allemand relègue au second plan le rapport de Mario Draghi, qui contenait pourtant des recommandations pertinentes. Ce manque d'alignement entre les deux économies phare de l’UE risque de nuire un peu plus à la compétitivité de la France face aux États-Unis et à l'Asie, une tendance qui semble inéluctable.
Un autre phénomène préoccupant émerge: l’apparition d’une prime de risque à l'égard des actifs français souvent perçus comme moins attractifs. Après le marché obligataire ou l’euro, c’est au tour du marché actions de souffrir des maux du paysage économique et politique de l’Hexagone. Or ce phénomène pourrait malheureusement persister jusqu’à l’élection présidentielle de 2027!