Pas de répit pour Dr. Feelgood

Jean-Christophe Rochat, Banque Heritage

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Malgré des mesures généreuses pour maintenir l'élan économique et les marchés financiers, les Etats-Unis devraient éviter la surchauffe économique.

C’est une pratique commune aux démocraties et aux régimes autoritaires: les années électorales sont marquées par des distributions généreuses en faveur du secteur privé. Les Etats-Unis n’échappent pas à cette règle. Pourtant, après les années de dépenses exceptionnelles liées à la pandémie et les avertissements des «bond vigilantes» (investisseurs qui protestent contre des politiques inflationnistes en vendant des obligations), à l’automne dernier, on aurait pu s’attendre à plus de modération. Il n’en est rien.

Le pétrole, véritable talon d’Achille

Les Etats-Unis se targuent d'avoir «sauvé» l'Europe de la dépendance énergétique envers la Russie grâce à leur gaz naturel liquéfié (LNG) et d'avoir atteint une indépendance énergétique. Or, bien qu’ils soient exportateurs nets de pétrole, ils continuent d’en importer. L’essentiel de leurs capacités de raffinage sont en effet concentrées sur le pétrole «heavy» (qu’ils ne produisent quasiment pas), et elles diminuent depuis 2020.

Lors des élections de mi-mandat de 2022, l'administration Biden n'a pas hésité à vider les réserves stratégiques de pétrole sans que les conditions-cadre nécessaires soient remplies, favorisant ainsi des résultats électoraux avantageux pour les démocrates. Dans un même élan, les Etats-Unis envisagent de lever l'embargo sur le Venezuela et de renouer avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) après l'avoir mis à l'écart. Bien que les importations de pétrole saoudien aient été réduites par trois depuis 2020, l'Arabie Saoudite conserve son statut de puissance régionale influente.

Dans une danse politique assez habile, Janet Yellen et Jerome Powell dirigent les efforts pour maintenir la fluidité du refinancement fédéral sur les marchés de capitaux.

Toutefois, l'accord historique de recyclage des pétrodollars entre les deux pays montre des signes de faiblesse, avec une baisse des avoirs saoudiens en bons du Trésor américain, passant de 180 milliards de dollars en 2019 à seulement 109 milliards de dollars fin 2023. Parallèlement, la Chine a commencé à fournir des armes à l'Arabie saoudite, notamment des drones et des missiles. Dans ce contexte, l'administration Biden souhaite conclure un nouveau pacte avec Riyad, incluant le soutien au programme nucléaire civil saoudien et le partage de connaissances en intelligence artificielle, tout en prorogeant le mécanisme de recyclage des pétrodollars.

Les as de l'ingénierie financière persistent et signent

Dans une danse politique assez habile, Janet Yellen et Jerome Powell dirigent les efforts pour maintenir la fluidité du refinancement fédéral sur les marchés de capitaux. Leur collaboration a été cruciale pendant la pandémie, durant laquelle ils ont mis en place des mesures telles que le «Bank Term Funding Program» (BTFP) pour éviter un blocage du crédit. Janet Yellen envisage désormais d'utiliser une partie du trésor de guerre de l'exécutif, le «Treasury General Account» (TGA), pour soutenir l'économie, que ce soit en réduisant les futures émissions du Trésor ou en finançant des initiatives électoralement lucratives comme l'allégement des prêts étudiants. Les récents rachats de dette et l'annonce par Jerome Powell d'une réduction («tapering») du «quantitative tightening» (QT) visent à maintenir la liquidité du marché obligataire et à stabiliser l'économie. Ces manœuvres stratégiques soulignent la détermination des deux responsables à naviguer à travers les défis économiques tout en répondant aux impératifs politiques et financiers.

Manœuvres réglementaires

Les retards dans la mise en place des Accords de Bâle III semblent raviver l'appétit des banques américaines pour le stockage de bons du Trésor dans leur bilan. Parallèlement, Freddie Mac, l'une des deux GSE (société d'économie mixte à capitaux privés et à mission publique, créée par le gouvernement fédéral américain en 1970 dans le but d'augmenter le marché hypothécaire), a récemment présenté une proposition visant à libérer des capitaux pour les emprunteurs. Cette initiative permettrait aux emprunteurs de souscrire une nouvelle hypothèque sans démanteler les contrats en cours, notamment à des taux fixes très bas, créant ainsi un marché hypothécaire secondaire. Une telle mesure pourrait considérablement soutenir la consommation des ménages en leur offrant un accès plus facile à des liquidités supplémentaires.

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