Les remous en zone euro refont surface: quelles implications de marché en Suisse?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Le franc étant une valeur refuge, son appréciation en cas de montée de l’aversion pour le risque en zone euro causerait bien des soucis à la BNS.

Le résultat des élections européennes a marqué un tournant à droite, avec une progression des partis d’extrême droite, notamment en France où la dissolution de l’Assemblée Nationale qui s’en est suivi a causé la surprise. Les marchés ont connu des séances agitées la semaine dernière, avec un repli marqué des valeurs bancaires, un écartement du différentiel de taux entre la dette souveraine française et allemande, et un repli de l’euro contre dollar.

Les marchés s’agitent face à une possible percée populiste qui s’inscrirait dans la durée et qui pourrait raviver des craintes de fragmentation de la zone euro, voire de Frexit. Le programme budgétaire expansionniste de l’extrême droite en France cause également des craintes de dérapage incontrôlé des finances publiques. Au niveau de la zone euro, l’endettement public a connu des hauts et des bas mais se situe, fin 2023, exactement au niveau de 2012. L’Allemagne a été un très bon élève, sa dette publique est passée de 80% du PIB à l’été 2012 à 63% fin 2023. Mais la dette publique de la France et de l’Espagne a pris respectivement 20 et 30 points de PIB (à près de 110% à présent). Parmi les grands pays européens, l’Italie a été un peu plus modérée, sa dette publique étant passée de 127 à 137% du PIB.

Il faut garder en tête que l’expérience populiste en Italie ou aux Pays-Bas n’a pas eu d’implications négatives sur les marchés.

De notre point de vue, l’incertitude devrait durer quelques semaines, mais il est possible que l’extrême droite n’arrivera pas à former une majorité. Et dans l’éventualité où un gouvernement d’extrême droite est confirmé, il y a de fortes chances qu’il cherchera à s’acheter une forme de respectabilité en vue des présidentielles de 2027, ce qui rassurerait les marchés. Enfin, sans entrer dans les débats sociétaux ou politiques, il faut garder en tête que l’expérience populiste en Italie ou aux Pays-Bas n’a pas eu d’implications négatives sur les marchés. Le différentiel de taux entre l’Italie et l’Allemagne s’est fortement réduit depuis que Giorgia Meloni est au pouvoir. Mais le risque d’un raz de marée populiste en France, et d’une réaction très négative des marchés, ne peut être exclu. Il convient donc d’être vigilant.

Du point de vue de l’investisseur, il s’agit de déterminer un plan de contingence pour protéger les portefeuilles si la situation se dégrade: être prêt à réduire la sensibilité aux financières, à l’euro ou à la dette souveraine française et italienne, qui souffrirait probablement d’un effet de contagion. Dans les phases d’instabilité que nous avons connu au cours des vingt dernières années, il va sans dire que les équilibres de marché peuvent être altérés en une fraction de seconde. Et les implications pour la Suisse sont significatives.

Le franc étant une valeur refuge, son appréciation en cas de montée de l’aversion pour le risque en zone euro causerait bien des soucis à la BNS. Celle-ci serait forcée d’intervenir sur le marché des changes pour contenir la hausse du CHF, qui, à son tour, tirerait l’inflation vers le bas. Pour les exportateurs, une forte appréciation du CHF poserait un frein à leur compétitivité. Aussi, la montée de l’aversion pour le risque en zone euro engendrerait une forte demande pour la dette souveraine Suisse, qui conserve à l’heure actuelle la meilleure notation (Aaa). Cela aurait un effet baissier taux qui pénaliserait les épargnants.

Enfin du point de vue des actions, le marché Suisse est défensif et est attrayant de ce point de vue. Le secteur de la consommation de base (Nestlé) et de la Pharma pèsent fortement dans le SMI et nous semblent attrayantes au-delà du sujet zone euro. Nous avons récemment relevé notre recommandation sur la pharma, la saison des résultats ayant réservé quelques bonnes surprises qui devraient s’inscrire dans la durée. Nous sommes positifs sur le secteur de la consommation de base depuis un certain temps.

Pour conclure, il faut se préparer à quelques semaines agitées en fonction du résultat des sondages en France. Malgré les défis que cela poserait, notamment le potentiel d’appréciation du CHF, le marché des actions et des obligations suisses serait gagnant compte tenu de son profil faiblement risqué. En dehors des considérations sur les élections législatives en France et de l’impact sur les actifs financiers euros, le marché actions Suisse et ses valeur défensives nous semble également attrayant. 

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