Elections européennes: quelles surprises et implications de marché?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Les élections européennes sont un des plus grands rendez-vous démocratiques au monde, avec plus de 400 millions d’électeurs éligibles. Quelles implications de marché peut-on anticiper?

Les élections européennes vont se tenir du 6 au 9 juin dans les différents pays de l’UE, pour élire 720 députés qui siègent à Strasbourg. Par le passé, ces élections ont plutôt raté leur rendez-vous avec les citoyens, les enjeux européens étant souvent mal compris ou trop éloignés du quotidien des électeurs. Le taux de participation a baissé sans interruption entre la première élection en 1979 (62%) et l’avant dernière en 2014 (42%). Toutefois, la dernière élection en 2019 a connu un sursaut citoyen, le taux de participation étant repassé au-dessus de 50% pour la première fois depuis 1994.

Les élections qui vont se tenir dans trois mois sont les premières qui se déroulent dans un climat de guerre et de course aux armements généralisé. Les pays membres de l’UE, en particulier en Europe de l’Est et du Nord, ne cessent de s’inquiéter, à juste titre, de la menace Russe. Par ailleurs, les ambitions en matière de transition énergétique et de réduction des émissions sont remises en question par la colère agricole qui demande un allègement de la contrainte environnementale. De leur côté, les classes moyennes, dont le pouvoir d’achat a été fortement érodé par l’inflation, ne veulent pas ou ne peuvent pas payer le prix de la transition énergétique.

Du point de vue des marchés, les élections européennes ont en général un impact limité. Mais les grandes orientations économiques ont des implications de long terme.

Avant de s’interroger sur l’impact pour les investisseurs, il convient de se poser la question de savoir si ces élections peuvent nous réserver des surprises. En première lecture non. Le Parti Populaire Européen, qui domine le Parlement depuis 25 ans est en tête des sondages et Ursula von der Leyen sera très probablement reconduite à la tête de la Commission Européenne. Mais la montée des populistes et de l’extrême droite peut réserver de grandes surprises. Les sondages signalent en effet que les deux groupements euro sceptiques que sont l’ECR (conservateurs et réformistes européens) et l’ID (Identité et Démocratie) remporteraient entre 160 et 180 sièges, soit plus de 20% des suffrages, pour la première fois. Le think tank ECFR parle d’un tournant radical vers la droite populiste (lien), qui paradoxalement occupera le terrain politique européen pour militer en faveur d’une UE affaiblie. 

Du point de vue des marchés, les élections européennes ont en général un impact limité. Mais les grandes orientations économiques ont des implications de long terme, notamment sur les valeurs liées à la transition énergétique et aux thématiques ESG. Nos analystes ESG ont développé des paniers de valeurs européennes sur 8 thématiques, dont plus de la moitié est en baisse ou inchangé depuis plus de trois ans. En particulier, le segment des renouvelables et de la mobilité efficiente a considérablement souffert en bourse et pourrait connaître un tournant lors des élections européennes. Mais cela reste spéculatif.

En revanche, la défense et l’armement ont le vent en poupe en bourse. La sécurité/ souveraineté reste un thème électoral puissant face à la menace géopolitique. Une course aux armements est en cours, l’Allemagne se réveille après des années d’insouciance, et le parapluie sécuritaire américain risque d’être sérieusement remis en question si Trump est réélu à la maison blanche comme les sondages l’indiquent. Le thème de l’armement est en revanche plus controversé que le thème de la transition énergétique pour les investisseurs. Mais il convient de s’interroger sur cette taxonomie. La défense et la sécurité des citoyens pourrait très bien être assimilée à un thème social eu sein de l’ESG. «Si tu veux la paix prépare la guerre», écrivain Végèce dans son «Traité de la chose militaire» au Ve siècle. 

De notre point de vue, ce thème devrait rester porteur sur les marchés. Les dépenses militaires européennes ont atteint un record de 270 milliards d’euros en 2023, les carnets de commande des entreprises européennes du secteur de la défense sont pleins et cela devrait s’accélérer davantage au cours de la prochaine législature du Parlement européen. En revanche, l’essentiel des dépenses militaires est effectué au niveau national. L’UE vient juste de dévoiler sa première stratégie centralisée de défense européenne, dotée d’un budget de…. 1,5 milliard d’euros. Face aux 860 milliards de dollars dépensés en 2023 par les Etats-Unis, on se rend compte à quel point la stratégie européenne doit être repensée. C’est typiquement un sujet supranational qui fera partie des grands enjeux pour le Parlement et la Commission européenne au cours des prochaines années.

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