L’heure est aux stratégies alternatives d’atténuation des risques

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

Ces stratégies peuvent apporter 8 à 10% de performance supplémentaire en cas de stress aigu, selon Alexandre Ryo d’Ellipsis AM.


Très développées aux Etats-Unis mais encore peu répandues en Europe, les stratégies alternatives d’atténuation des risques nécessitent une approche systématique mais dynamique pour réduire les pertes potentielles en capital lors d’évènements contraires. Plus sophistiquées que la traditionnelle diversification entre actions et obligations, ces stratégies se montrent particulièrement efficaces dans les périodes de risk-off, lorsque les différentes classes d’actifs évoluent dans le même sens, avec des corrélations positives entre elles. Le point de vue d’Alexandre Ryo, Head of Alternative & Risk Mitigation Strategies chez Ellipsis AM.

D’où viennent les stratégies d’atténuation des risques et à quoi servent-elles précisément?

Ces stratégies, développées principalement par les hedge funds américains sont largement utilisées par les fonds de pension et les fonds de dotation aux Etats-Unis, celui de Harvard a par exemple conduit de nombreuses recherches sur le sujet (avec notamment la création de Meketa IG, cabinet de conseil avec plus de 2 000 milliards de dollars sous gestion). En atténuant les pertes, grâce à un profil non corrélé ou inversement corrélé aux positions en actifs risqués, ces stratégies protègent les portefeuilles des coups durs. Dans de nombreux cas, elles permettent de maintenir les positions en actifs de croissance pendant les périodes de crise et de réduire les drawdowns qui compromettent la performance globale d’un portefeuille, particulièrement lorsque la diversification action-obligation ne joue plus son rôle parce que les corrélations entre classes sont devenues positives. L’or ou l’argent jouent souvent ce rôle dans les portefeuilles mais on peut également utiliser des solutions plus sophistiquées qui permettent de bien performer en période de stress sans avoir à désinvestir.

Quelles sont les solutions disponibles et quand ont-elles joué leur rôle?

Construites sur des futures et des options dont la corrélation au portefeuille est négative, les stratégies en format overlay (unfunded) ou en format alternatif (funded) que nous appelons Long Vol / Long Tail se sont montrées particulièrement efficaces dans les périodes de stress intense comme celle que nous avons observée en avril cette année à la suite de “Liberation Day” et des annonces sur les droits de douanes du président Trump. Elles avaient tout aussi bien performé en 2022 lors de l’attaque de l’Ukraine par la Russie ou encore en 2020 lors de la crise du Covid. Au sein d’un portefeuille balancé 50% Actions / 50% Obligations, elles permettant d’apporter +3 à +4% de performance en cas de volatilité élevée et 8 à 10% en cas de stress aigu. Leur forte liquidité permet également de cristalliser les gains et de réduire l’exposition afin de rebalancer les portefeuilles. En avril, nous les avons vues capables de réduire les drawdowns actions de 50%. En outre, l’écart entre portefeuilles couverts et portefeuilles non couverts se maintient lors des rebonds à la hausse grâce au dynamisme apporté au sein de ces stratégies. Ces approches ont été particulièrement utiles aux fonds de pension suisses qui, pour assurer les retraites, ne peuvent recourir à une couverture obligataire dont les rendements sont faibles et qui ont besoin d’acheter des actifs risqués pour maintenir les versements aux assurés. Notez que ces stratégies d’options sont dynamiques tout en limitant le coût de portage et ne présentent pas de risque de contrepartie puisque les instruments sont traités en bourse. 

Les solutions que vous décrivez s’adressent aux investisseurs institutionnels. Peut-on utiliser ces techniques dans le cas des investisseurs privés?

Oui, c’est possible grâce au format alternatif en fonds UCITS qui propose une liquidité quotidienne tout en permettant de cristalliser les gains et de rebalancer l’exposition du portefeuille, améliorant ainsi les intérêts composés. En avril, ce type de fonds a offert des performances de l’ordre de 15%. Ce format offre des avantages notoires par rapport aux hedge funds américains qui ne sont pas disponibles à la clientèle privée (ni d’ailleurs aux petits fonds de pension) et qui ne proposent la plupart du temps qu’une liquidité périodique (semestrielle souvent) avec uniquement des parts en dollars.

Quelle clientèle visez-vous avec ces stratégies?

En Europe, elles intéressent en général les assureurs et les caisses de retraites. En Suisse, ce sont surtout les fonds de pensions qui en sont friands. Depuis 2022, les family offices et les banques privées s’adressent également à nous en Suisse, au Benelux et à Monaco. 

Pourquoi ces solutions ne se sont-elles pas développées plus tôt en Europe?

Aux Etats Unis, ces stratégies sont proposées principalement par des Hedge Funds et Asset Manager. En Europe, les banques d’investissement détenaient historiquement ce marché. Cependant, le risque de contrepartie ainsi que le manque de performance (la banque détenant la position face au client) ont poussé les investisseurs européens vers un positionnement similaire aux Pension Funds américains. Héritiers d’Exane, nous avons la chance d’avoir une infrastructure robuste nous permettant un positionnement entre l’asset management et le hedge fund.

A lire aussi...