Le retournement spectaculaire des actions chinoises, risque ou opportunité?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Nous privilégions une voie intermédiaire qui consiste à s’exposer aux actions des pays émergents d’Asie, Chine incluse.

Après trois années catastrophiques pour les actions chinoises, le marché reprend des couleurs en ce début 2024. La performance dépend toutefois de l’indice retenu: onshore vs. offshore, large caps vs small caps etc… Du point de vue de l’investisseur international, le MSCI Chine reste la référence. Entre fin 2020 et fin 2023 cet indice a dégringolé de 45%, en raison du retournement du marché immobilier chinois et des risques que celui-ci fait peser sur la croissance et le bilan des banques. Aussi, les guerres commerciales et la mauvaise gestion de la pandémie ont été un signal de vente indiscriminée pour les investisseurs internationaux en raison du manque de visibilité. Quant aux indices onshore, ils ont été moins perturbés, notamment les small caps, le CSI 300 et le CSI 500 ayant baissé de 30% et de 10%, respectivement, pendant la même période.

Mais soudainement, depuis fin janvier, les indices chinois «offshore» sont repartis à la hausse, le MSCI Chine affichant une performance affolante de +23%, vs. 7% pour le MSCI World. Cela interpelle et appelle à une revue stratégique pour les investisseurs globaux qui avaient délaissé la Chine.

La Chine ne s’embarquera pas dans la conquête du territoire Taiwanais à moyen terme. Le prix à payer de l’isolement économique serait trop élevé.

Sur le plan fondamental, rien n’a vraiment changé. L’activité économique est relativement moribonde, même si en amélioration selon les indices PMI, et la consommation des ménages est un frein à la croissance. La demande externe est le moteur de l’activité, mais celle-ci est vulnérable face au risque de sanctions commerciales, notamment en année électorale aux Etats-Unis. L’Europe n’est pas en reste, puisque les exportations chinoises de véhicules électriques font l’objet d’une enquête de la Commission européenne pour pratiques commerciales déloyales, alors que la Chine se penche sur les importations de spiritueux européens. La visibilité est donc toujours faible et peut disparaitre rapidement.

Comment se positionner face à ce rebond du marché chinois? D’une part, les actions chinoises offshore sont toujours attractivement valorisées et le potentiel de génération de valeur associé à cette décote est substantiel. Mais évidemment, cette décote de valorisation n’est pas gratuite. Elle reflète les incertitudes sur la gouvernance, le modèle de croissance, les tensions commerciales, les tensions géopolitiques etc… Le marché devrait rester sensible aux sondages sur les élections américaines, Donald Trump ayant annoncé un relèvement agressif des tarifs douaniers à l’encontre de la Chine s’il était élu. Le marché actions chinois devrait donc rester volatile et vulnérable face à ces chocs exogènes.

En revanche, il nous semble que cette source de risque est gérable, pour autant qu’elle soit bien diversifiée. La Chine ne s’embarquera pas dans la conquête du territoire Taiwanais à moyen terme. Le prix à payer de l’isolement économique serait trop élevé puisque la croissance chinoise repose sur les exportations. Un effondrement de la croissance pourrait à son tour remettre en question la pérennité du régime politique et du parti communiste. Pour se positionner sur les opportunités tout en gérant le risque financier, nous continuons de recommander une exposition aux actions des pays émergents d’Asie, qui implique une exposition à la Chine diluée avec d’autres marchés de la région tels que Corée du Sud, Taiwan, et Inde. Corée du Sud et Taiwan ont un biais Tech marqué, qui revient d’une certaine manière à se positionner sur Samsung et TSMC, des alternatives ou des compléments de portefeuille à Apple et Nvidia aux Etats-Unis avec une décote de valorisation.

L’Inde est un marché peu facile d’accès mais dont la croissance économique va rester très forte au cours des prochaines années, au fur et à mesure que le niveau de vie converge vers celui de pays plus industrialisés.  La réélection de Narendra Modi devrait davantage raffermir la confiance vis-à-vis du potentiel de réformes et de croissance. La région est donc un réservoir de croissance, dans certains cas avec une décote de valorisation comme en Chine, qui opère une montée en gamme sur de nombreux secteurs, tels que la technologie et la transition énergétique.

Du point de vue de l’investisseur, il n’y a pas de performance sans risque et la question est de savoir si le risque Chine est acceptable. Il nous semble que oui mais dans des proportions modérées, qui reflètent les nombreux aléas potentiels liés à la rivalité de la Chine avec l’Occident. Cette exposition doit donc faire l’objet d’une attention particulière et d’une gestion dynamique des risques afin de pouvoir ajuster rapidement la sensibilité en cas de vent contraire. Une approche régionale apporte un gain de diversification non négligeable.

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