Etats-Unis: créations d’emplois plus importantes que prévu

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Le rapport sur l’emploi aux Etats-Unis fait état de 272'000 créations de postes, un chiffre nettement supérieur à l’estimation du consensus. Avec quelles conséquences? Explications.

© Keystone

Dans la foulée de cette publication, les marchés obligataires ont enregistré une correction: les bons du Trésor américain à deux ans ont vu leur rendement grimper de 16 points de base, à 4,90%, et ceux à dix ans de 15 points de base, à 4,44%. Le dollar américain s’est apprécié de 0,8% face à l’euro. Le taux de change EURUSD est ainsi tombé à 1,08.

Dans le même temps, les actions américaines ont fait du surplace (-0,1% pour le S&P 500), le marché évaluant la possibilité que les taux d’intérêt restent durablement élevés compte tenu de la bonne tenue des statistiques économiques. L’indice a tout de même ensuite progressé à nouveau.

Quel est le contexte?

La vigueur inattendue des chiffres de l’emploi salarié aux Etats-Unis intervient alors que d’autres indicateurs économiques suggèrent un ralentissement de l’économie américaine. 

Les données publiées récemment, notamment celles relatives aux postes vacants et à la rotation de la main-d’œuvre (rapport Job Openings and Labor Turnover Survey - JOLTS), les nouvelles inscriptions au chômage, l’indice ISM manufacturier, les indicateurs immobiliers, les dépenses réglées par carte de crédit et la balance commerciale, indiquent toutes une modération de l’activité économique aux Etats-Unis. Ce tableau contrasté complique la tâche de la Réserve fédérale américaine (Fed) en matière de politique monétaire.

Le président de la Fed, Jerome Powell, a averti que les taux d'intérêt resteront à ce niveau élevé «aussi longtemps que nécessaire», si «l'économie reste solide et que l'inflation persiste».

Il convient également de noter que, malgré les très bons chiffres de l’emploi, le taux de chômage a légèrement augmenté, passant de 3,9% à 4%. Cet écart est probablement dû aux différences entre l’enquête auprès des établissements (qui mesure les effectifs salariés sur la base des réponses des entreprises) et l’enquête auprès des ménages (qui mesure le taux de chômage). 

Cette anomalie s’explique notamment par la double comptabilisation des emplois à temps partiel dans l’enquête auprès des établissements. En bref, le marché du travail n’est peut-être pas aussi dynamique que ne le suggèrent les chiffres de l’emploi de mai.

Dans l’ensemble, la Recherche d’UBS est toujours d’avis que l’économie américaine est en train de ralentir.

Qu’est-ce que cela signifie pour les taux d’intérêt?

Tout dernièrement, la Banque du Canada et la Banque centrale européenne ont abaissé leurs taux d’intérêt pour la première fois au cours de ce cycle. Compte tenu des bons chiffres de l’emploi salarié non agricole, il est exclu que la Fed leur emboîte le pas en juillet.

Dès lors, comme on s’y attendait, la Fed a laissé son principal taux directeur dans la fourchette de 5,25% à 5,50% dans laquelle il se trouve depuis juillet dernier, son plus haut niveau depuis plus de vingt ans. Le président de la Fed, Jerome Powell, a averti que les taux d'intérêt resteront à ce niveau élevé «aussi longtemps que nécessaire», si «l'économie reste solide et que l'inflation persiste».

Il a ainsi prévenu qu'il faudrait que les chiffres montrent une baisse de l'inflation pendant plusieurs mois, pour que la réduction des taux soit lancée. On peut néanmoins estimer que la Fed pourrait baisser ses taux à deux reprises cette année, à partir de septembre. Le marché évalue à 39 points de base l’ampleur de cette baisse en 2024, à partir de novembre, avec un niveau final de 3,8%. 

On peut s’attendre à ce que le résumé des projections économiques de la Fed (le «dot plot») s’aligne sur ces perspectives, indiquant une ou deux baisses de taux, conformément aux anticipations actuelles des marchés.

La réaction du marché obligataire aux chiffres de l’emploi salarié aux Etats-Unis semble exagérée.

Comment investir?

Compte tenu de l’environnement économique actuel aux Etats-Unis et de la position de la Fed, on peut recommander trois stratégies d’investissement.

  1.  Acheter des obligations de qualité 

    La réaction du marché obligataire aux chiffres de l’emploi salarié aux Etats-Unis semble exagérée. La Recherche d’UBS table toujours sur une modération de la croissance en raison des taux élevés et de l’atténuation de l’impact des mesures de relance budgétaire antérieures. 

    Les investisseurs devraient envisager de maintenir leur exposition aux obligations de grande qualité car on prévoit toujours une baisse des taux de la Fed à partir de septembre, suivie d’une baisse par trimestre. On peut donc s’attendre à une diminution progressive des rendements, qui profitera aux portefeuilles obligataires. Le rendement des bons du Trésor américain à dix ans devrait s’établir à 3,85% en fin d’année.

  2. Optimiser l’exposition aux valeurs technologiques et trouver des opportunités dans d’autres domaines 

    L’avis de la Recherche d’UBS sur les actions américaines dans leur ensemble reste inchangé. Le S&P 500 a bien résisté, avec une progression de 13,6% depuis le début de l’année, alors même que les participants au marché ont revu à la baisse leurs anticipations concernant le nombre de baisses de taux (environ 1,5 aujourd’hui, contre 6 en début d’année).

    Comme la Fed n’a pas relevé ses taux, la situation recèle toujours des opportunités. L’objectif de cours en fin d’année pour le S&P 500 est de 5500 points, soit 3% de plus qu’aujourd’hui. 

    L’optimisme est de mise à l’égard des valeurs technologiques, en se concentrant particulièrement sur le secteur des semi-conducteurs, dont les débouchés augmentent grâce aux investissements dans l’intelligence artificielle (IA), et sur celui de l’informatique monolithique, qui est bien positionné pour monétiser les futures applications d’IA. 

    On identifie également des opportunités parmi les petites capitalisations britanniques, américaines et européennes, ainsi que dans les entreprises internet chinoises.  

  3. Se diversifier à l’aide des actifs alternatifs 

    Dans un contexte de modération de la croissance économique et de volatilité potentielle sur les marchés, les investisseurs feraient bien d’envisager de consacrer une partie de leur portefeuille aux actifs alternatifs. 

    Une allocation aux hedge funds peut atténuer la volatilité d’un portefeuille lorsque les marchés d’actions et d’obligations évoluent de concert. Les actifs non cotés peuvent constituer une autre source de rendement pour diversifier davantage les portefeuilles. Les investisseurs doivent être conscients des risques inhérents à ce type d’investissement, notamment l’illiquidité, et de la complexité de ces stratégies.

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