Les groupes d’assurance entrent en effervescence

Emmanuel Garessus

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Anticipations d’ajustements stratégiques, 4 nouveaux CEO: ces prochains mois, le secteur sera sous les projecteurs, selon Simon Fössmeier, de Vontobel.

Les résultats de Swiss Re et de Zurich ont satisfait les investisseurs. Swiss Re a publié un bénéfice trimestriel de 1,09 milliard de dollars et Zurich Insurance une hausse des primes brutes de 5%. Les actions des groupes d’assurance suisses présentent une hausse généralement proche de celle de l’indice SPI (+9,4%) en 2024. Simon Fössmeier, analyste spécialisé dans les valeurs d’assurance auprès de Vontobel, répond aux questions d’Allnews:

Swiss Re a dépassé les attentes du marché et l’action s’apprécie vivement. Est-ce que la tendance promet d’être nettement haussière à l’avenir?

Deux éléments méritent d’être mis en évidence. Swiss Re profite tout d’abord d’une tendance positive du marché de la réassurance. Le 2e élément porte sur le changement de normes comptables, en l’occurrence de la prise en compte des nouvelles lignes directrices d’IFRS 9 et 17. Les concurrents de Swiss Re avaient déjà adapté leurs comptes aux nouvelles normes en 2023. Pour Munich Re et Hanover Re, les nouvelles règles ont produit un effet positif. On s’aperçoit davantage qu’auparavant que les entreprises sont fortement capitalisées et très rentables.

«Aujourd’hui, Axa et Generali versent un dividende plus élevé que Zurich Insurance, certes en euros».

Swiss Re procède, un an après ses concurrents, à une adaptation à partir des normes US Gaap, ce qui est encore plus complexe. Pour la plupart des assurances, les fonds propres et le bénéfice sont réduits à travers cette adaptation, mais à l’avenir les résultats devraient être plus stables. Pour les réassureurs, le changement conduit à une augmentation des fonds propres et du bénéfice. Nous l’observons d’ailleurs aujourd’hui pour Swiss Re. Les fonds propres sont passés de 16 à 21 milliards de dollars et le rendement des fonds propres s’est nettement accru pour atteindre 21%.

Il était difficile de faire des prévisions en raison du changement de normes, si bien que les attentes étaient très différentes d’un analyste à l’autre.

Il est certain que, pour Swiss Re, les deux éléments sont favorables, la tendance du marché de la réassurance et les adaptations aux normes comptables.

Comment évaluer le comportement de Swiss Re par rapport au leader du marché, Munich Re?

La taille de Munich Re est nettement supérieure à celle de Swiss Re en raison de la présence d’une division d’assurance directe. Mais je pense que les deux réassureurs sont plus faciles à comparer à travers les nouvelles normes et que les deux groupes sont en bonne santé. Il y a deux ans, personne n’aurait cru qu’elles présenteraient un rendement des fonds propres de plus de 20%. Le niveau élevé de la rentabilité est mieux mis en valeur. Cela vient du fait que les bénéfices futurs seront également distribués durant l’ensemble de la durée des contrats.

Est-ce qu’Andreas Berger, le nouveau CEO de Swiss Re, reprend un groupe qui n’a nul besoin d’effectuer de profondes modifications?

Swiss Re n’a aucun besoin d’être restructurée. Le communiqué de jeudi révèle que l’entreprise se retirera d’IptiQ, soit à travers une vente ou son arrêt. A travers cette société, il était prévu de vendre des produits en white labelling, mais il en est résulté des pertes plutôt que des profits. Cette décision porte la marque du nouveau CEO. Sa tâche consiste, à mon avis, à stabiliser l’entreprise à un haut niveau. Ces dernières années, les investisseurs étaient souvent agacés par la forte volatilité des résultats de Swiss Re. Il est crucial dorénavant de présenter une stabilité de la rentabilité d’un trimestre à l’autre. Les investisseurs détestent la volatilité.

Il n’est pas nécessaire de procéder à de grandes modifications.

L’action Zurich présente la plus mauvaise performance au sein des assurances suisses cette année, en dehors de Vaudoise. Est-ce que les chiffres publiés ce jeudi changeront le sentiment des investisseurs?

Mieux vaudrait comparer Zurich Insurance aux autres grandes assurances européennes, Allianz, Axa et Generali, qu’avec les groupes suisses.

Les investisseurs privilégient en ce moment les assurances centrées sur les affaires d’entreprises (commercial lines) plutôt que sur les consommateurs privés (retail). La raison tient aux relèvements de tarifs, qui surviennent d’abord dans les affaires d’entreprises. Zurich Insurance est avant tout un assureur centré sur les entreprises. Le groupe est bien positionné, mais ses concurrents bénéficient d’une valorisation plus élevée.

«Il est certain que, pour Swiss Re, les deux éléments sont favorables, la tendance du marché de la réassurance et les adaptations aux normes comptables.»

Dans le passé, Zurich Insurance a profité, auprès des investisseurs, de sa capacité à offrir un rendement du dividende supérieur à 6% en francs suisses. Aujourd’hui, Axa et Generali versent un dividende plus élevé que Zurich Insurance, certes en euros. Le niveau du rendement direct attire les institutionnels. Cet aspect pénalise Zurich. Allianz a gagné 11% cette année, Axa 14%, Generali 30% et Zurich à peine 3%.

Toutes les sociétés d’assurance profitent de la tendance des marchés financiers. Mais est-ce que les placements financiers jouent un rôle majeur dans la valorisation des actions d’assurances?

Les placements financiers ne jouent pas un rôle considérable. Les assurances ont présenté des résultats modérés ces dernières années. Elles ont maintenant essayé de procéder à des hausses de primes.

Les changements comptables ont permis de montrer que la rentabilité des assurances était supérieure à ce qu’on pensait. La complexité du processus a aussi amené les assureurs à simplifier leur discours et à se présenter comme des sociétés capables de présenter un dividende durablement élevé. Allianz, Axa et Generali ont annoncé une nouvelle politique du dividende au premier trimestre. Il s’agira de verser un dividende attractif. Les actions d’assurances devraient en profiter. Il n’y a pratiquement pas d’actions d’assurances en baisse en Europe cette année. Le secteur de l’assurance est en bonne voie.

En Suisse, les deux meilleures performances sont celles de Bâloise et Swiss Life. Qu’attendez-vous de la communication annoncée par Bâloise en septembre?

Le secteur de l’assurance promet d’être très intéressant à partir de septembre. Bâloise présentera une mise à jour de sa stratégie en septembre, Swiss Life, Zurich et Swiss Re en décembre. En l’occurrence toutes les assurances organiseront une journée des investisseurs ou un Update de leur stratégie à l’exception de Vaudoise. Je ne m’attends pas à de grands changements de la part de Bâloise. Swiss Life présentera son nouveau plan à 3 ans qui devrait s’inscrire dans la continuité. Pour Swiss Re, il s’agira de renforcer la confiance des investisseurs. Zurich Insurance devra confirmer qu’elle satisfera ou dépassera ses prévisions stratégiques. Helvetia tiendra sa journée des investisseurs. Les cours des actions d’assurances pourraient s’apprécier à partir de juin ou juillet dans l’anticipation de ces différentes manifestations de cet automne. Bâloise, Helvetia, Swiss Life et, dès juillet, Swiss Re ont un nouveau CEO. Cela bouge beaucoup dans l’assurance.

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