ESG, rien ne remplace la recherche propre

Yves Hulmann

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Vontobel, avec Simon Fössmeier, a élaboré un outil d’analyse constitué de 15 critères. Givaudan, Geberit et Logitech obtiennent les meilleurs scores.

Peut-on déléguer le travail d’analyse de durabilité à une agence tierce? Ce n’est pas la vision de Simon Fössmeier, analyste et responsable du secteur de l’assurance chez Vontobel, qui a développé sa propre méthodologie d’analyse pour évaluer les entreprises en tenant compte des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui trouve son application dans la recherche des actions pour la Suisse. Pour le spécialiste, la prise en compte des critères ESG est devenue indispensable dans le travail d’analyse des sociétés, non seulement pour répondre à l’intérêt croissant des clients pour l’investissement durable mais aussi en raison de l’évolution de la régulation qui exige toujours davantage que l’on intègre ces aspects dans l’évaluation des entreprises.

Rien qu’en Suisse, le marché de l’investissement durable était déjà estimé à plus de 1’200 milliards de francs en 2019. Un volume qui a encore augmenté d’un tiers l’an dernier pour atteindre quelque 1’520 milliards de francs à fin 2020, selon les derniers chiffres publiés lundi par l’organisation Swiss Sustainable Finance dans le cadre du «Rapport sur l’investissement durable en Suisse 2021».

Approche holistique 

Compte tenu des différentes approches existantes pour définir ce qui est durable ou non, comment la recherche Suisse de Vontobel procède-t-elle dans ce domaine? Pour Simon Fössmeier, on ne peut pas résumer l’analyse ESG à une seule de ses composantes – par exemple, réduire les émissions carbones ou promouvoir la diversité. Il faut au contraire prendre en considération un ensemble de critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance, qui sont tous pris en compte simultanément. Pour y parvenir, Vontobel a défini une série de 15 mesures (ou «metrics»), réparties au sein de quatre catégories (générale, environnementale, sociale et gouvernance) pour lesquelles les analystes disposent d’une série d’à peu près 400 questions qu’ils peuvent soulever avec les sociétés.

La prise en compte des critères ESG fait partie intégrante
du processus d’évaluation des entreprises.

Aspect clé de l’approche de Vontobel: la prise en compte des critères ESG fait partie intégrante du processus d’évaluation des entreprises. Aux yeux de Vontobel, les critères ESG doivent en effet avoir un impact sur les modèles d’évaluation et les objectifs de cours attribués aux entreprises. «Tant que les facteurs ESG ne sont pas pris en compte dans les modèles d’évaluation, ceux-ci ne parviennent pas à démontrer leur pertinence», estime Simon Fössmeier.

Même si l’établissement achète certaines données auprès de fournisseurs tiers, il n’est pas question de déléguer la recherche à des agences tierces pour leur recherche des actions Suisse. «Le monde pourrait très bien vivre avec seulement une poignée d’agences», renchérit même l’analyste. 

Lorsqu’il s’agit d’évaluer des entreprises actives sur plusieurs continents, ne serait-il néanmoins pas plus simple de de reprendre les notations ESG établies par des agences tierces? «Les agences de notation n’ont pas nécessairement de meilleures sources d’informations que Vontobel lorsqu’il s’agit d’évaluer les activités d’une multinationale en Asie ou en Amérique latine», met en perspective Peter Romanzina, le responsable de la recherche actions pour la Suisse chez Vontobel. En outre, l’équipe de recherches en actions suisses Vontobel a l’avantage de concentrer son analyse ESG sur un pool relativement restreint d’environ 100 sociétés helvétiques, avec lesquelles la banque entretient des contacts réguliers. 

Plusieurs sociétés romandes parmi les mieux notées

Sur la base de ces quinze critères d’analyse, Vontobel attribue un score de durabilité à une centaine d’entreprises cotées en bourse. Parmi les cinq premiers rangs du classement, mis à jour en mai, figurent dans l’ordre Givaudan (42 points), Geberit et Logitech (toutes deux avec 41 points), puis Belimo, Nestlé, Swiss Re et Zurich IG (toutes avec 40 points), Barry Callebaut, SGS et Temenos (39 points), tandis que Swisscom et ABB (38 points) figurent en cinquième place. Ce classement, publié pour la première fois l’automne dernier, sera réactualisé deux fois par an, en mai et en novembre.

L’investissement ESG permet d’obtenir des «bénéfices asymétriques».

Partant d’un univers de 100 actions suisses cotées en bourse couvertes par Vontobel – qui représentent environ 98% de la capitalisation boursière totale en Suisse -, l’établissement a défini un panier de titres basé sur sa recherche ESG. Pour en faire partie, les sociétés doivent aussi satisfaire à certains critères en matière de liquidité et s’être vue attribuer une recommandation soit «acheter» ou «garder». Au final, la banque ne retient que les 25 actions de sociétés disposant à la fois d’une telle recommandation et qui bénéficient aussi des meilleurs scores ESG.

Une relation au moins «non négative» entre ESG et performance 

Quelle relation peut être établie entre la prise en compte des critères ESG dans l’analyse des sociétés et la performance boursière réalisée par ces entreprises? A propos de cette question, qui a déjà fait l’objet de nombreuses recherches dans les milieux académiques, Simon Fössmeier estime qu’on peut distinguer trois visions différentes à ce sujet. Il y a tout d’abord la vision positive: selon celle-ci, 90% des études ont constaté une relation «non négative» entre ESG et performance. La vision négative, ensuite: selon celle-ci, les scores ESG n’offrent pas de pouvoir explicatif pour établir un lien positif avec la performance. Et, enfin, la vision équilibrée, qui est plus nuancée: d’après celle-ci, il sera encore nécessaire de disposer d’un horizon temporel plus long avant de pouvoir tirer des conclusions définitives. Néanmoins, l’investissement ESG permet d’obtenir des «bénéfices asymétriques», notamment une protection contre le risque de baisse.

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