Intégrer d’emblée les critères ESG dans l’analyse financière

Yves Hulmann

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Pour Simon Fössmeier de Vontobel les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance influent sur la valorisation des sociétés.

Vontobel a publié en début de semaine un rapport qui analyse plus de cent entreprises suisses cotées en bourse non seulement en fonction de critères financiers mais aussi environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les cinq premiers rangs du classement ESG rendus public par Vontobel incluent de nombreuses entreprises romandes. Givaudan figure au premier rang, suivi par Logitech en deuxième place, tandis que Nestlé et SGS se partagent le troisième rang. Plusieurs sociétés se placent au quatrième rang (Barry Callebaut, Belimo, Geberit, Sunrise, Swiss Re et Zurich), tandis que le cinquième rang est occupé par Swisscom.

Chaque société a été analysée sur la base de 15 critères, répartis entre quatre critères environnementaux (changement climatique, ressources naturelles, pollution et déchets, opportunités environnementales), sociaux (capital humain, diversité, produits, opportunités sociales) et de gouvernance (gouvernance d’entreprise interne et externe, comportement de l’entreprise interne et externe), complétés encore par trois critères ESG généraux. Pourquoi établir un tel classement? Entretien avec Simon Fössmeier, analyste senior chez Vontobel et auteur d’un rapport sur l’intégration des critères ESG dans l’évaluation des entreprises suisses cotées en bourse.

«Il y a davantage de grandes sociétés qui obtiennent de bons scores ESG
que chez les petites entreprises que nous couvrons.»
Vontobel a publié en début de semaine un rapport qui attribue à plus de 100 entreprises suisses un score basé sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). En présentant ce rapport, vous avez dit qu’il ne fallait pas regarder les résultats de l’étude comme s’il s’agissait d’un classement sportif. Comment faut-il alors l’interpréter?

Un point important à souligner concernant notre approche d’analyse est qu’elle intègre directement les critères ESG dans la méthode d’évaluation des actions suisses que nous couvrons. Il y a aujourd’hui beaucoup de sociétés qui évaluent, d’un côté, les entreprises en fonction de critères d’analyse financière classiques et, de l’autre, leur attribuent séparément un rating ESG. Chez Vontobel, ce n’est pas le cas: les critères ESG, mesurés sur la base de 15 indicateurs, sont directement intégrés dans le processus d’évaluation de la valorisation de l’entreprise. Les primes de risque sont ainsi aussi ajustées en fonction de critères ESG.

Maintenant, s’agissant du sens à donner au classement des entreprises en fonction de leur notation ESG – dont les 5 premiers rangs sont rendus publics -, il faut bien voir que les entreprises figurant en tête de ce classement obtiennent des scores très proches. On ne peut pas dire que Givaudan, qui occupe la première position avec un score ESG de 42 points, soit une entreprise beaucoup plus durable que Logitech, qui figure au second rang avec 41 points. Il en va de même par exemple de la différence entre Swiss Re et Zurich, qui figurent au quatrième rang avec 39 points, comparé à Swisscom au cinquième rang avec 38 points.

Entre les 11 entreprises qui figurent parmi les cinq premiers rangs de ce classement, on trouve sensiblement plus de grandes capitalisations que de petites et moyennes sociétés. Pourquoi?

Il y a effectivement davantage de grandes sociétés qui obtiennent de bons scores ESG que chez les petites entreprises que nous couvrons. Cela ne veut à mon avis pas dire que les petites et moyennes capitalisations fassent moins bien en matière de durabilité mais elles publient souvent moins d’informations sur les efforts qu’elles font à ce sujet. On observe que certaines petites entreprises n’avaient parfois jusqu’ici aucune publication concernant les aspects ESG. A l’inverse, parmi les grandes entreprises, notamment dans le secteur des assurances, il y a des sociétés qui se sont préoccupées de ces aspects depuis plusieurs décennies déjà. Swiss Re, par exemple, avait publié son premier rapport au sujet de l’environnement en 1979. Au final, il n’est pas étonnant que les sociétés qui se sont préoccupées de ces thématiques depuis déjà longtemps tendent aussi à obtenir de meilleurs scores ESG.

«Si l’on étendait le classement jusqu’aux dix premières positions,
il y aurait alors plusieurs banques qui obtiennent de bons scores.»

Il y a également des secteurs qui ont été sensibilisés très tôt aux aspects de durabilité. Dans les produits de consommation, il est très important pour une entreprise d’avoir une perception favorable en termes de durabilité. Si Nestlé n’obtenait pas des évaluations ESG favorables, cela pourrait nuire à la réputation de l’entreprise et à sa valorisation. Dans les assurances, des sociétés comme Swiss Re ou Zurich se sont très tôt préoccupées de l’environnement en raison des risques que cela leur fait peser en termes de dédommagements.

Comparativement, il n’y a pas de banques parmi les cinq premiers rangs. Comment l’expliquer?

Si l’on étendait le classement jusqu’aux dix premières positions, il y aurait alors aussi plusieurs banques qui obtiennent de bons scores.

En matière de valorisation des entreprises, vous estimez qu’un bon score ESG constitue aussi une protection à la baisse. Pourquoi?

Une entreprise qui obtient un bon score ESG signifie aussi qu’elle bénéficie de la confiance des investisseurs et des clients. Cela peut l’aider à traverser des phases difficiles. L’inverse est plus difficile à démontrer: ce n’est pas parce qu’une entreprise obtient un bon score ESG que sa valorisation va automatiquement augmenter. Dans l’assurance par exemple, beaucoup de groupes sont bien notés sur le plan ESG mais il y a d’autres facteurs spécifiques au secteur ou à l’entreprise qui vont influencer leur valorisation.

Vontobel a rehaussé beaucoup d’objectifs de cours suite à l’intégration des critères ESG. Comment l’expliquer?

C’est tendanciellement le cas – pour 69% des sociétés, l’objectif de cours a été rehaussé - mais dans une proportion limitée s’agissant des variations des objectifs de cours. Pour 80% des entreprises analysées, la révision des objectifs de cours se situe dans une fourchette de plus ou moins 6%. Ce n’est pas énorme.

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