Peu après l’élection de Donald Trump, le bitcoin (BTC) a atteint des nouveaux sommets historiques avec un pic à USD 99'655.50! De nombreux analystes anticipent un dépassement du seuil symbolique de USD 100'000 avant la fin de l’année 2024.
Depuis plusieurs années, la finance institutionnelle s’intéresse aux cryptomonnaies (jetons), le géant BlackRock en tête. Cet intérêt a connu son apothéose avec l’adoption d’un ETF bitcoin spot par la fameuse et terrifiante Security Exchange Commission (SEC), au début du mois de janvier 2024.
Si les investisseurs se frottent les mains, c’est également le cas des administration fiscales suisses. Malgré une réglementation fœtale et des disparités intercantonales, une chose est sûre, le percepteur voudra sa «part du gâteau».
Au niveau de l’impôt sur la fortune, il convient de déclarer ses jetons comme n’importe quel autre élément de fortune. Dans son logiciel VaudTax, l’Administration cantonale des impôts a déjà inclus une case pour les cryptomonnaies sous la rubrique «monnaies et métaux précieux». A Genève, les jetons doivent figurer dans «l’état des titres». Dans les deux cas, la valeur du jeton au 31 décembre de la période fiscale concernée fait foi.
Au niveau de l’impôt sur le revenu, les choses se compliquent. Une plus-value réalisée pendant l’année sur une cryptomonnaie, détenue dans la fortune privée, est en principe exonérée. Cependant, si l’administration fiscale considère que ce gain provient d’une activité exercée de manière professionnelle, il devient imposable au titre de revenu d’une activité indépendante. En matière de commerce professionnel de titres, les critères utilisés pour délimiter le gain en capital exonéré du revenu d’une activité lucrative indépendante sont: une courte durée de détention, un volume total élevé de transactions, un gain en capital représentant plus de 50% du revenu net de la période, et un recours à l’emprunt. A notre sens, ces mêmes critères pourraient s’appliquer aux cryptomonnaies.
Comme les bonnes nouvelles ne viennent jamais seules, l’AVS suivra cette requalification des revenus issus des cryptomonnaies. Dans les cas les plus extrêmes, cette requalification peut faire grimper la charge fiscale à plus 50% en comprenant l’AVS.
Tout comme les actions génèrent des dividendes, de nombreuses cryptomonnaies peuvent générer des rendements de fortune. L’exemple le plus fréquent est le «staking»1. Tout comme les dividendes, les revenus du staking sont imposables comme rendements de fortune mobilière.
Au niveau de l’impôt sur les sociétés, les choses se compliquent encore davantage. En effet, le traitement comptable des cryptomonnaies ajoute une couche de complexité. Si la réglementation fiscale est fœtale, la réglementation comptable est embryonnaire. L’appréciation des cryptomonnaies par le droit comptable se divise en deux questions interdépendantes: comment classifier les jetons? Comment valoriser les jetons?
La classification comptable dépend de l’utilisation et de la nature du jeton. Si le jeton fait partie de l’activité commerciale habituelle, il pourra être comptabilisé comme stock. Si le jeton est un investissement, il pourra être comptabilisé comme une immobilisation incorporelle. La nature du jeton influence, elle aussi, cette classification. Le Document de travail2 établi par l’Administration fédérale de contributions (AFC) et l’Information fiscale3 sur la Cryptomonnaie établie par la Conférence Suisse des Impôts (CSI) catégorisent trois types de jetons: les jetons de paiement, les jetons d’investissement et les jetons d’utilité.
La valorisation comptable dépend largement de la classification du jeton. Un jeton considéré comme stock pourrait potentiellement être évalué à son coût, diminué d’un amortissement. Pour les autres catégories, l’article 960b du Code des obligations (CO) s’appliquera vraisemblablement. Selon ce régime, la valeur du jeton correspond à son cours de marché à la date du bilan, avec une éventuelle réserve de fluctuation.
En conclusion, la réponse est, malheureusement, encore une fois, celle du juriste prudent: «cela dépend»!
1 Le staking est un procédé qui permet aux détenteurs de certaines cryptomonnaies de les « bloquer » (staker en franglais) afin d’aider la blockchain à valider les transactions. Ce mécanisme appelé « proof of stake » récompense les détenteurs qui acceptent de « staker » leurs jetons par de petites unités de ces mêmes jetons.
2 Document de travail – Les cryptomonnaies et les initial coin/token offerings (ICO/ITO) comme objet de l'impôt sur la fortune, le revenu et le bénéfice, l'impôt anticipé et les droits de timbre (03.08.2022).
3 Conférence Suisse des Impôts – Cryptomonnaies (01.01.2023).