Un CPI à 6,2% et un 30 ans à 1,9%

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
 
Inflation US: retour en 1990

Taux d'inflation à 6,2%! Un sacré bond dans le passé qui nous replonge au début des années 1990, en septembre 1990 pour être précis. La Fed a donc vraisemblablement banni le terme transitoire de ses éléments de langage et Joe Biden en personne affirme que l’inflation est désormais son sujet de préoccupation majeur. Malgré ce surprenant envol du CPI, le 30 ans américain reste calé au-dessous de 2%. Il est intéressant de constater qu’avec une inflation à 6,2% et un 30 ans US à 1,9%, nous nous retrouvons avec un CPI 3,3 fois plus élevé que le rendement du long bond, ce qui est exceptionnel. La dernière fois que le taux d’inflation s’élevait à 6,2%, en septembre 1990, le 30 ans s’affichait à près de 9%. 

Au moment où Jay Powell cherche désespérément des synonymes à transitoire et que Christine Lagarde fait la une des tabloïds allemands sous le sobriquet de Madame Inflation, les marchés semblent finalement beaucoup plus convaincus du caractère temporaire des hausses de prix actuelles. Cette conviction repose sans doute sur quelques nouvelles récentes permettant d’entrevoir le bout du tunnel. Par exemple, General Motors constate une nette amélioration dans l’approvisionnement en semi-conducteurs, permettant ainsi aux usines situées en Amérique du Nord de fonctionner normalement. 

Il suffirait que des matières premières redescendent un peu et une grande partie des différents bottlenecks à l’origine des tensions inflationnistes commencerait à s’estomper.

La poursuite du plongeon du Baltic Dry Index est un autre exemple. Il suffirait que les prix de quelques matières premières redescendent légèrement et une grande partie des différents bottlenecks à l’origine des tensions inflationnistes commencerait à s’estomper. Dans un tel scénario, il faudrait commencer à s’inquiéter de la remontée des taux longs réels. Le 30 ans, proche de -0,50%, pourrait devenir la principale victime de ce scénario de reflux de l’inflation. Avec un taux long nominal qui se stabilise à 1,95% et un breakeven à 2,45%, il suffirait que ce dernier redescende vers 2,20% pour que le taux réel remonte vers -0,25%. 

En termes de rendement, nous n’aurions pas affaire à une tension hors-normes mais avec des animaux à duration proche de 25, il est préférable d’éviter les erreurs et, en cas de doute, de ne rien faire. Nous avons raté le récent rally des TIPS 30 ans car nous n’avons pas eu l’audace d’acheter des breakevens d’inflation supérieurs à 2,20%. La bonne tenue du marché des TIPS s’explique en grande partie par les achats massifs de la Fed permettant de maintenir les taux réels à un niveau ridiculement bas. Si la Fed décide qu’elle a d’autres chats à fouetter et que le B/E peut refluer légèrement, il y aura de la casse. Les taux nominaux sont déjà aujourd’hui un sujet primordial mais le jour où ils repassent clairement devant les taux réels en termes de priorité pour la banque centrale, il faudra être long 30 ans nominal et éviter d’être trop chargés en TIPS. 

Le COVID est de retour

Septembre paraît déjà loin: il y a encore deux mois, nous pouvions passer une heure en réunion à parler stratégie et investissements sans mentionner une seule fois le mot COVID. Les campagnes de vaccinations fonctionnaient, les nombres de cas et d’hospitalisations baissaient. Le soulagement était de mise et nous avions tous envie d’effacer ce traumatisme de nos mémoires. Malheureusement, sans prendre des proportions identiques à celles que nous avons connues du printemps 2020 à l’été 2021, le COVID semble de retour, surtout en Europe. Ici et là, on reparle de semi-confinements, de ports du masque de nouveau obligatoire dans certains lieux et même de confinement des non-vaccinés en Autriche. 

Depuis fin septembre, l’OMS se refuse à affirmer que nous sommes en bonne voie vers la sortie de la pandémie.

Il va donc falloir se rendre à l’évidence, le COVID va s’inviter de nouveau dans les débats et l’évolution des marchés d’ici la fin de l’année dépendra en partie de l’importance du phénomène. Les banques centrales le savent bien et continuent de mentionner le COVID comme menace potentielle sur l’économie. Le sujet n’est pas anecdotique car certains imaginaient déjà des hausses de taux en 2022 aux Etats-Unis et même en zone euro. 

Ce retour (temporaire? saisonnier?) du coronavirus nous pousse à approfondir notre réflexion. En effet, lorsque l’on envisage une hausse de taux directeurs par une grande banque centrale, on songe immédiatement au «triptyque inflation, croissance et chômage». Et si nous avions oublié l’essentiel? Et si les grandes banques centrales, surprises par ce come-back et inquiètes de ses conséquences sur l’économie disaient tout simplement qu’il n’y aura aucune hausse de taux tant que le COVID est une menace? Depuis fin septembre nous notons que l’OMS se refuse à affirmer que nous sommes en bonne voie vers la sortie de la pandémie. Par conséquent, il serait logique de conclure que nous ne sommes pas sortis non plus d’un environnement de taux bas et de banques centrales à politiques accommodantes.

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