Octobre, mois propice à la prise de risque?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

QE forever?

Les valeurs refuges n’ont pas la cote en ce moment tandis que certains marchés à risque volent en apesanteur. Ce n’est pas le cas du High Yield US qui est passé de 350 à 400 bp de spread au cours du mois de septembre. Les spreads émergents se sont également écartés mais dans une moindre mesure. Finalement, le crédit se porte bien, voire très bien, à condition tout de même de figurer sur les listes d’achat des grandes banques centrales. Cela signifie que la prise de risque modérée dans le segment Investment Grade a toujours le vent en poupe tant que les market makers se nomment Powell et Lagarde. Il faut en profiter mais sans doute avec plus de modération pour au moins deux raisons. Premièrement, les niveaux de spreads actuels sont beaucoup moins attrayants et les espérances de larges plus-values font partie du passé. Elles laissent la place à une logique de carry qui n’est pas négligeable mais moins intéressante. 

Les banques centrales semblent tentées de ne pas agrandir
ou prolonger leurs programmes d’achats de titres corporates.

La seconde raison qui nous rend moins enthousiastes sur la classe d’actif concerne le comportement des banques centrales: elles semblent tentées (sauf peut-être en zone euro) de ne pas agrandir ou prolonger (le fameux «expand or extend») leurs programmes d’achats de titres corporates. La «fête au village» toucherait-elle à sa fin? La BoE nous a peut-être fourni un premier indice jeudi dernier en annonçant qu’elle était arrivée au bout de son programme d’achat de crédits. Ce mini séisme dans le petit monde des crédits en livre sterling a surpris la plupart des intervenants même si les écartements de spreads ont été pour l’instant modestes suite à cette annonce. De là à imaginer que la Fed pourrait imiter sa consœur britannique il y a un pas que nous ne franchirons pas aujourd’hui. Gardons toutefois à l’esprit que dorénavant, la stratégie consistant à acheter les mêmes papiers que la banque centrale, qui a fait les beaux jours des gérants crédits durant les six derniers mois, n’est plus un no-brainer, loin de là! Sur le marché euro, les enjeux sont différents: les dernières statistiques d’inflation font froid dans le dos et la BCE n’est pas en mesure de réviser sa politique actuelle. Au moment même où le breakeven d’inflation à long terme repasse au-dessus de 1,8% aux Etats-Unis, il faut peut-être reconsidérer le risque déflationniste en zone euro. 

Tension sur la courbe US

Dans cet environnement, les taux longs US ont entamé une timide correction. Certes, le 30 ans est repassé au-dessus de 1,5% et le 10 ans a cassé le niveau de 0,7% mais cela ne nous inquiète pas outre mesure, en tout cas pour l’instant. De nombreux risques sont encore présents, certains apparaissent (comme l’état de santé de Donald Trump) et lorsque les incertitudes grandissent, il est toujours judicieux de conserver un peu de safe-haven dans un portefeuille. Ensuite, comme nous l’avons maintes fois répété, le steepening de courbe ne peut pas s’éterniser car il n’est dans l’intérêt de personne de subir une explosion des taux longs. 

Les incertitudes grandissent, n’en déplaise aux marchés actions
qui pratiquent de plus en plus la politique de l’autruche.

Nous croyons donc toujours à l’idée d’une forme de YCC (Yield Curve Control) de la Fed, explicite ou non, pour ne pas endommager tout scénario de reprise. La Fed semble actuellement légèrement en retrait et nous souhaiterions entendre Jerome Powell sur certains sujets brûlants mais il s’agit surtout pour les membres du FOMC de ne pas être suspectés d’ingérence dans la campagne électorale. Le breakeven d’inflation à 30 ans s’établissait à 1,83% hier après-midi, offrant une surperformance relative non négligeable aux porteurs de TIPS longs en lieu et place de Treasuries classiques à taux nominaux. La gestion de ce breakeven long va sans doute devenir un enjeu majeur de notre stratégie d’investissement pour le quatrième trimestre. Elle était déjà devenue un axe stratégique important dans notre gestion depuis plusieurs mois mais désormais, le breakeven étant entré dans sa zone neutre 1,8%-2%, un tel positionnement va devenir plus délicat à gérer. 

En conclusion, à l’aube de ce quatrième trimestre, nous allons surtout nous concentrer sur les crédits de qualité, tout en conservant un peu de duration pure, des TIPS longs, certains hybrides corporates tant que les marchés actions tiennent et de très rares crédits émergents de grande qualité pour peu qu’ils respectent les contraintes ESG que nous appliquons depuis le début de l’année. Les incertitudes grandissent, n’en déplaise aux marchés actions qui pratiquent de plus en plus la politique de l’autruche. Dans de telles circonstances, nous sommes animés par une certitude: la diversification reste le seul free-lunch offert par le marché!

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