Quelles perspectives pour les TIPS?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

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Un breakeven qui grimpe!

Nous en parlions depuis juin, la fin de l’été semblait propice pour une remontée des craintes inflationnistes et, par conséquent, un retour du breakeven 30 ans proche du niveau de 1,8%. Nous y sommes! Alors, que penser des investissements en TIPS dans un tel contexte? Il est sans doute temps de songer à prendre quelques profits sur de tels niveaux mais nous ne sommes pas, loin s’en faut, dans un schéma classique. Théoriquement (a fortiori après les propos de Jay Powell à Jackson Hole), l’inflation moyenne à long terme devrait converger vers l’objectif de la Fed, aux alentours de 2%. Rappelons que notre stratégie a toujours été simple et – pour l’instant - immuable: ne rien faire lorsque le breakeven se situe au-dessus de 2% (le «shorter» pour ceux qui le peuvent, ce qui n’est pas notre cas), ne rien faire non plus dans une fourchette 1,8%-2% car cela n’a pas grand intérêt, commencer à s’y intéresser au-dessous de 1,8% et acheter si possible dans une fourchette 1,4%-1,6% voire plus bas en cas de craintes déflationnistes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous n’avons pas fréquemment investi en TIPS longs, les dernières opportunités que nous avons saisies datant de l’été 2016, août 2019 et mars-avril 2020. 

Des craintes inflationnistes qui montent sans faire bouger
les taux longs nominaux, les professeurs d’université doivent s’étrangler!

Aujourd’hui, le 30 ans US s’affiche à 1,5%, le breakeven à 1,8% et le TIPS à -0,3%. Dans un scénario où le breakeven monte à 2% mais le taux nominal à 30 ans grimpe à 1.8% dans ce contexte de craintes inflationnistes, il faut alléger significativement la position en TIPS mais en conserver tout de même une partie dans une optique de valeur relative car si le taux (réel) du TIPS monte de -0,3% à -0,2% (soit dix points de base de correction, mais avec une duration de 24 ce n’est pas négligeable!), c’est toujours moins douloureux qu’une tension de 30 points de base, de 1,5% à 1,8% du taux nominal. Dans un scénario alternatif où le breakeven passe toujours à 2% mais sans faire de dégâts sur le taux nominal qui reste à 1,5%, nous nous retrouvons avec un TIPS dont le rendement passe de -0,3% à -0,5% contre une stabilité du rendement nominal. Dans ce cas, l’investissement en Trésor US indexé inflation se justifie à la fois en absolu et en relatif.

La Fed va gérer la pente de la courbe

Cela devient intéressant car ce scénario alternatif est bien improbable dans un environnement classique et dans des circonstances normales. Des craintes inflationnistes qui montent sans faire bouger les taux longs nominaux, les professeurs d’université doivent s’étrangler! Pourtant, nous ne sommes sans doute pas loin de ce scénario improbable, la faute au YCC. En effet, si la Fed n’a toujours pas évoqué, même en filigrane, ce fameux YCC (Yield Curve Control) que nous attendons depuis le début de l’été, nul doute qu’elle se tient prête en cas de remontée des taux longs nominaux. Nous l’avons maintes fois répété, après cette crise COVID exceptionnelle, la Fed (mais en fait aucune banque centrale dans le monde) ne peut se permettre de laisser saboter tous les plans de soutien à l’économie qui ont été mis en place depuis début mars par un steepening de courbe dû à une tension sur la partie longue de la courbe. 

Il faut surveiller comme le lait sur le feu les anticipations d’inflation
à long terme du marché et l’attitude de la Fed vis-à-vis des taux longs.

La Fed n’a pas le choix, elle va acheter des Treasuries longues si le besoin s’en fait sentir et ce ne sera pas incompatible avec une progression légère des anticipations d’inflation à long terme. Il n’est donc pas utopique de songer à un tel scénario pour la rentrée. C’est la raison pour laquelle, lorsque nous avons décidé d’alléger la position en Trésor US 30 ans au début du mois, dans une optique de risk management plutôt que par conviction sur l’évolution du marché, nous n’avons pas (encore) touché au TIPS et vendu uniquement des taux nominaux. Nous ne sommes pas fermés à l’idée d’alléger cette position si la volatilité du marché nous incite à plus de prudence, notamment en termes de risk management. Un investisseur nous a confié récemment qu’il voyait l’or atteindre 3'000 dollars l’once en 2021 mais qu’à 2'000 dollars, il a pris quelques profits. Dans le même ordre d’idée, cela pourrait être le cas des TIPS longs car avec un rendement négatif (-0,30%) et un breakeven qui tente de retourner dans la fourchette 1,8%-2%, l’achat de taux longs réels aujourd’hui n’a rien d’un no-brainer. Acheter maintenant sur de tels niveaux n’entre donc pas dans nos intentions. En revanche, conserver la position existante et l’alléger légèrement est compatible avec notre état d’esprit et nos convictions actuelles. Il convient donc de rester vigilants en surveillant comme le lait sur le feu les anticipations d’inflation à long terme du marché et l’attitude de la Fed vis-à-vis des taux longs. Le comportement des TIPS dans les semaines qui viennent en dépend.

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