Inquiétante aversion vis-à-vis des hedge funds

Cyril Gomez

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Les investisseurs ont procédé l’an dernier aux plus gros rachats de parts de fonds spéculatifs depuis la crise souveraine de 2011.

D’après le groupe d’information financière eVestment, plus de la moitié des investisseurs ont liquidé l’an dernier davantage de parts de fonds spéculatifs qu’ils n’en ont acquises. Au point que les sorties nettes globales de capitaux (-35,28 milliards de dollars) n’ont jamais été aussi élevées depuis 2009. Juste derrière l’exercice 2011 (-111,6 milliards), année de la crise souveraine en Europe. Rien que le mois de décembre totalise des flux nets négatifs de près de 20 milliards de dollars.

Autre record funeste, le déclin des actifs sous gestion (AuM), qui se contractent de 87,7 milliards de dollars. Il s’agit de la plus forte réduction des ressources des fonds alternatifs depuis 2008. «L’année 2018 sera probablement celle qui aura rappelé aux investisseurs que l’industrie des hedge funds n’est pas nécessairement remplie de talents exceptionnels», souligne Peter Laurelli, Directeur de la Recherche d’eVestment.

L’an dernier, 42% des gestionnaires alternatifs
sont parvenus à collecter des capitaux.

L’un des points importants à retenir est que les investisseurs ont placé leurs capitaux en fonction des performances, passées et actuelles, et moins en fonction de la taille des fonds, même si ce critère continue de jouer un rôle. En effet, les fonds de plus d’un milliard de dollars d’AuM et ayant enregistré une performance supérieure à 5% un an plus tôt, c’est-à-dire en 2017, ont collecté plus de 24 milliards de dollars en 2018.

Les fonds de plus petite taille ayant enregistré les mêmes performances ont subi de légères sorties (-2,73 milliards). Mais les gros fonds dont les performances étaient de 0-5% en 2017 ont également totalisé des sorties de capitaux, celles-ci s’élevant même à près de 30 milliards de dollars en 2018. Dans un contexte de volatilité extrême essentiellement suscité par le risque politique, Peter Laurelli se console toutefois avec la part relativement élevée de gestionnaires ayant collecté des capitaux, soit 42% d’entre eux.

Ainsi, près de la moitié des managers se retrouvent avec davantage de ressources qu’en début d’année dernière. Peter Laurelli rappelle également à quel point «c’est dans les environnements difficiles que les gestionnaires tendent à se distinguer, et c’est exactement ce qui s’est passé en 2018». Ceci est peut-être moins vrai pour les managers de fonds multistratégie qui, après avoir essuyé des sorties nettes de plus de 4 milliards de dollars en 2017, enregistrent des flux nets négatifs de près de 18 milliards en 2018.

Perte d’intérêt marquée vis-à-vis des approches multistratégie
en dépit de performances positives.

Les fonds gérant plus d’un milliard de dollars d’actifs, qui avaient pourtant dégagé une performance moyenne supérieure à 5% en 2017, ont subi pour plus de 4,6 milliards de dollars de rachats de parts rien que le mois dernier. «Les cinq gestionnaires multistratégie affichant les rédemptions les plus importantes enregistrent tous des performances supérieures à 4% en moyenne en 2018», constate l’expert d’eVestment. Qui suspecte une sorte d’adéquation entre ce type d’approche, qui donne un accès à l’ensemble des stratégies alternatives, et les attentes des investisseurs.

«Si ces grands gestionnaires multistratégie, qui représentent par définition le profil de risque-rendement de l’industrie des fonds alternatifs dans son ensemble, sont incapables de capter l’intérêt des investisseurs, alors il se pourrait que ces derniers ne soient pas intéressés par les rendements moyens que produit cette industrie», suggère Peter Laurelli.

Les données sur les flux de hedge funds spécialisés
dans les marchés émergents sont trompeuses.

À l’inverse, la stratégie macro aura été le grand pilier du secteur alternatif avec une collecte nette de près de 16 milliards de dollars. Ces entrées de capitaux concernent les fonds macro ayant généré une performance de 0-5% en moyenne un an plus tôt, ce qui reflète la capacité des gestionnaires à retenir l’intérêt des investisseurs dans un contexte de forte aversion vis-à-vis du risque, en dépit de performances inférieures à celles des gestionnaires multistratégie.

Durant le mois de décembre, l’un des pires mois depuis l’époque de la Grande Dépression pour les marchés financiers, les managers macro sont les rares à avoir collecté des capitaux. En l’occurrence, plus de 4 milliards de dollars sur le mois précité. Même les petits fonds de même approche, de moins d’un milliard de dollars, sont parvenus à enregistrer une légère collecte nette de 2,32 milliards l’an dernier. Rappelons que les stratégies macro consistent à se positionner sur diverses classes d’actifs sur la base de vues et perspectives des gérants quant à l’évolution probable de facteurs de marché d’ordre macroéconomique, tels que l’inflation, les taux d’intérêt ou la politique économique.

Enfin, les hedge funds spécialisés dans les marchés émergents ont collectivement mis fin à six mois consécutifs de remboursements de parts. En apparence seulement. Peter Laurelli relativise en effet, attirant l’attention sur le fait qu’en soustrayant le gérant ayant collecté le plus de capitaux, l’ensemble de la stratégie Marchés Émergents (EM) se solde par des sorties nettes. Pour lui, décembre fut un mois durant lequel les fonds spéculatifs EM «n’ont pas eu la faveur des investisseurs», à l’exception de «quelques poches» telles que le marché chinois des taux et du crédit.

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