Moins de finance structurée en 2019

Cyril Gomez

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La réglementation sur les instruments financiers titrisés demeure inachevée et génère des doutes susceptibles de rendre les émetteurs plus réticents.

Les émissions d’instruments financiers titrisés en Europe ont bondi de 30% l’an dernier à 105 milliards d’euros. Toutefois, selon les analystes de S&P Global Ratings, il y aurait peu de chances que 2019 se montre aussi dynamique. Un nouveau régime réglementaire, entré en vigueur le 1er janvier, pourrait se traduire par des niveaux d’émissions moins élevés que l’année dernière.

Certes, l’exercice 2018 marque la cinquième année consécutive de croissance des émissions de produits titrisés. Mais un effet dit de front-loading y a nettement contribué. Il s’agit du phénomène consistant à regrouper un volume conséquent d’actifs sous-jacents pour les titriser et les émettre en début de période, afin de se protéger contre d’éventuels risques pouvant survenir plus tard pour une raison ou une autre. En l’occurrence, il s’agit du risque réglementaire.

«Les émetteurs hollandais ont particulièrement intensifié leur utilisation de titres
adossés aux prêts hypothécaires résidentiels et d’obligations sécurisées.»

Ce sont les obligations structurées garanties par des prêts bancaires, les collateralized loan obligations (CLO), en hausse de 40% l’an dernier, qui ont le plus contribué à l’augmentation des émissions. S&P Global Ratings explique que les gérants américains ont été les principaux émetteurs de CLO, adossant ces derniers à des prêts d’institutions bancaires européennes. Les émissions d’asset-backed securities (ABS) tels que les obligations adossées aux prêts hypothécaires ont également augmenté de façon significative l’an dernier, atteignant un total de 20 milliards d’euros.

«Les émetteurs hollandais ont particulièrement intensifié leur utilisation de titres adossés aux prêts hypothécaires résidentiels (RMBS) et d’obligations sécurisées (covered bonds), plaçant sur le marché pour 20 milliards d’euros de dette, soit une hausse de 20% par rapport à 2018», précisent les analystes de l’agence de notation. Qui ajoutent que les titres adossés aux prêts immobiliers commerciaux (CMBS) ont connu un «réveil après deux ans de sommeil».

Une autre raison de ce dynamisme réside dans la réduction graduelle des achats nets d’actifs de la part de la Banque centrale européenne (BCE), dont le programme d’assouplissement quantitatif (QE) devrait s’achever durant l’exercice en cours. Les spreads sont attendus en hausse, ce qui constitue un motif suffisant d’émettre rapidement des instruments financiers sensibles au risque de taux, profitant d’un environnement de marché favorable, tel que le fut la première moitié de l’année 2018.

Toutefois, le changement de politique monétaire ne serait pas uniquement un risque mais également une opportunité. En effet, la longue politique ultra-accommodante de la BCE a largement affecté la dynamique de l’offre et de la demande sur le marché européen de la finance structurée. Les conditions de financement mises en place par la banque centrale ont fait concurrence à celles du marché de la dette alternative.

La nouvelle directive de l’UE introduit un traitement préférentiel vis-à-vis
des transactions les plus simples, transparentes et standardisées.

Pour S&P Global Ratings, le durcissement des conditions de financement devrait cependant inciter les émetteurs bancaires en particulier à se tourner à nouveau vers le marché de la dette titrisée. «Déjà en 2018, la part des émissions d’actifs titrisés européens (hors CLO) et dont l’initiateur est une banque se situait à 40% contre moins d’un tiers en 2017.» Les obligations sécurisées, typiquement issues par les banques, figureraient ainsi parmi les principales bénéficiaires de la fin du QE en Europe.

De plus, par rapport aux CLO et autres investissements titrisés, les obligations sécurisées sont déjà adaptées aux règles relatives au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (directives BRRD). En hausse de 10% l’an dernier, les émissions de covered bonds devraient croître à un rythme plus soutenu en 2019, anticipent les analystes de S&P Global Ratings.

Rappelons que la nouvelle directive de l’Union européenne relative à la titrisation introduit un traitement préférentiel vis-à-vis des transactions les plus simples, transparentes et standardisées. En revanche, elle impose, pour tous les produits, de nouvelles règles plus contraignantes liées à la rétention du risque, au processus de diligence et à la divulgation d’informations. 

S&P Global Ratings note que le risque principal réside dans le fait que des éléments significatifs des nouvelles lignes directrices demeurent absents et les infrastructures de marché n’y sont pas encore toutes adaptées. Ce qui n’a pas empêché leur entrée en vigueur le 1er janvier dernier. «Compte tenu des incertitudes que cela crée et de la menace de sanctions potentielles en cas de non-respect des nouvelles règles, de nombreux émetteurs sont réticents à l’idée d’entrer sur le marché avant d’obtenir plus de clarté», observe S&P Global Ratings.

Emissions d’actifs titrisés en Europe
(En milliards d’euros)

En bleu foncé = Obligations sécurisées (covered bonds)*
En bleu clair = Actifs titrisés

* Uniquement les obligations sécurisées servant de référence (benchmark issues).
Source: Standard & Poor’s Financial Services, janvier 2019.

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