Inflation, TINA et QE, trois mots-clés pour 2021

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Inflation ou hausse des prix?

L’inflation est toujours, en ce début d’année, le sujet de préoccupation majeur qui conditionne le comportement des taux longs et de la pente de la courbe des taux US. Nous allons évacuer d’entrée la question de l’inflation en zone euro: le risque déflationniste est persistant et, au grand dam de la BCE, on ne voit pas à court terme comment l’inflation pourrait repartir sur le vieux continent. Aux Etats-Unis, les intervenants sont divisés même si un consensus se dégage pour voir un peu plus d’inflation mais sans bouleversements majeurs sur les taux longs nominaux. C’est la raison pour laquelle nous continuons de privilégier les TIPS longs avec un objectif de breakeven 30 ans à 2,15% au cours du premier trimestre. Nous ne croyons toujours pas au grand retour de l’inflation. Il y aura peut-être des phénomènes temporaires de hausses de prix dans certains secteurs qui se réajusteront. 

Le décalage entre les marchés et la vie réelle
n’aide pas à se faire une opinion claire.

Pour nous, le véritable risque inflationniste viendra avec la hausse des salaires et un retour des chiffres du chômage à leur niveau d’il y a pile un an, avant la crise du COVID. Ce scénario n’est pas impossible, nous allons rester vigilants et éventuellement prêts à faire notre mea culpa, mais pour l’instant nous sommes sceptiques. La tentation est grande de céder à la facilité en reprenant à notre compte les craintes inflationnistes de grands économistes anglo-saxons qui font le pari du grand retour de l’inflation en 2021. Toutefois, la crise que nous avons traversée en 2020 est exceptionnelle et atypique: elle déclenchera donc selon nous des réactions atypiques et imprévues. Le décalage entre les marchés et la vie réelle n’aide pas à se faire une opinion claire. Tant que le COVID n’est pas éradiqué pour de bon, que le chômage ne recule pas violemment et que le rythme des faillites ne faiblit pas, nous pensons qu’il n’y aura pas d’inflation significativement plus élevée aux Etats-Unis en 2021.

TINA, encore et toujours

There Is No Alternative, ou TINA, est l’argument numéro un pour continuer d’accumuler des actions dans nos portefeuilles. Mais dans l’univers obligataire, TINA se traduit par une stratégie visant à favoriser les crédits au détriment de la haute qualité (emprunts d’états et assimilés). Sauf accident à Wall Street, l’année 2021 risque donc bien d’être une fois de plus l’année des spreads. Qu’elles se nomment crédits, émergents, dette subordonnée, convertibles ou hybrides, toutes ces classes d’actifs obligataires devraient être soutenues par la demande. L’effet TINA version obligataire pourrait même favoriser le high yield à travers la recherche de rendement, de spreads dignes de ce nom, dans un environnement marqué par la poursuite de la hausse des indices boursiers. Cela fait de nombreux arguments en faveur de ce secteur que nous ne privilégions pas, loin s’en faut, mais force est de constater que l’environnement actuel plaide en sa faveur. 

Après des performances 2019 excellentes, des performances 2020 miraculeuses,
comment pourra-t-on délivrer des performances solides en 2021?

Les rotations sectorielles en cours sur les marchés actions auront sans doute un impact dans nos portefeuilles obligataires avec vraisemblablement plus de cycliques, un retour éventuel des dettes bancaires mais aussi, pourquoi pas, la fin de la sous-pondération des crédits anglais après le deal sur le Brexit. Derrière tout cela, se cache le grand challenge qui est proposé à tous les gérants obligataires en ce début d’année: après des performances 2019 excellentes, des performances 2020 miraculeuses, comment pourra-t-on délivrer des performances solides en 2021? Une partie de la réponse sera dévoilée par l’avenir qui est réservé à TINA. Est-ce que nous devons nous précipiter tête baissée? Dans quels secteurs? Quels pays? Quels niveaux de séniorité/subordination? Cela va être compliqué mais pas impossible du tout. Nous nous jetons à l’eau en estimant qu’il nous sera possible (d’après notre scénario central) d’obtenir des performances de l’ordre de 3% à 4% cette année dans nos portefeuilles en dollars.

Chères banques centrales

Jerome Powell et Christine Lagarde devront encore batailler ferme cette année. La BCE devrait frapper fort car les perspectives d’inflation sont désastreuses et la croissance sera correcte en absolu mais faiblarde en relatif par rapport aux US et à l’Asie. La Fed devra jouer finement, en suggérant un peu de reflation sans trop en faire. Nous attendons des deux banques centrales une politique d’achat d’actifs toujours agressive. La Fed va devoir mettre la priorité sur les taux longs du Trésor pour éviter un steepening dévastateur tandis que la BCE va poursuivre ses achats d’emprunts corporates. Le QE au service de TINA!

A lire aussi...