2021, ça passe ou ça casse

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone

Il s’agit de notre dernière chronique de l’année et nous vous proposons de faire un tour d’horizon de nos prévisions pour 2021, après avoir dressé un bilan de l’année 2020 mardi dernier.

Banques centrales et emprunts d’états

Une conviction est partagée par la plupart d’entre nous: il n’y aura pas d’énormes surprises à attendre des banques centrales en 2021. Les taux directeurs ne devraient pas bouger et les programmes de Quantitative Easing devraient être maintenus voire amplifiés et/ou prolongés. Cela dit, un événement inattendu peut toujours survenir. Ce serait par exemple une coordination étroite entre Janet Yellen et Jerome Powell pour favoriser l’inflation. Dans ce cas, les anticipations d’inflation pourraient surprendre à la hausse et l’on reparlerait de hausse des Fed funds début 2022. Ce n’est pas notre scénario central car nous sommes convaincus que l’inflation restera faible (et même en-dessous des anticipations actuelles) et qu’en cas de steepening de courbe, logique dans un environnement inflationniste, ce dernier restera sous contrôle de la Fed. C’est la raison pour laquelle nous démarrons l’année 2021 avec pratiquement plus de Treasuries 10 ans (1% de notre portefeuille) et plus du tout de 30 ans nominal. 

Le breakeven devrait passer au-dessus
de 2% au cours du premier trimestre.

En revanche, nous allons conserver nos TIPS 30 ans car nous estimons que le breakeven devrait passer au-dessus de 2% au cours du premier trimestre lorsque les craintes inflationnistes prendront de l’ampleur sur les marchés. Si les taux nominaux ne sont pas à l’abri d’une légère tension momentanée, les taux réels devraient rester en territoire négatif. En Europe, les taux longs allemands ne devraient guère bouger et les spreads périphériques pourraient se stabiliser sur les niveaux actuels qui n’ont plus rien à voir avec les économies des pays concernés et qui nous semblent cohérents avec les achats massifs de la BCE.

Spreads de crédit

Les marchés de crédits devraient poursuivre sur leur lancée. S’il n’y a plus grand-chose à espérer de l’Investment Grade en euros, il n’y aura pas de catastrophe car – là aussi – la BCE veille au grain. Sur le marché en dollars, il y a encore des spreads BBB intéressant et comme les taux gouvernementaux sous-jacents sont encore positifs, cela donnera des rendements attrayants à la fois en termes absolus et relatifs. Nous allons surtout regarder dans deux directions. Les marchés émergents peuvent offrir des opportunités d’investissement intéressantes, pour peu qu’ils respectent les critères ESG d’admission dans nos portefeuilles. On regardera la Chine mais pas exclusivement. Nous avons récemment investi en Indonésie, en Roumanie et au Chili. Bien évidemment, dans cette classe d’actifs, le comportement du dollar devra être analysé avec la plus grande finesse. 

Le marché primaire regorgera d’opportunités
dans la dette hybride d’entreprises non bancaires.

L’autre volet de notre politique d’investissement en crédits (de loin le plus attrayant selon nous) concerne la dette hybride d’entreprises non bancaires. Nous estimons que le marché primaire regorgera d’opportunités dans cette classe d’actifs encore trop méconnue et sous-pondérée dans la plupart des gestions. Certes, les attentes de performances seront plus modestes que dans un passé récent mais il y a encore de la marge: le ratio spread dette hybride / spread dette senior s’élève encore à 2,5-3. Nous nous attendons à voir ce ratio descendre vers 2 voire plus bas. Ainsi, nous attaquons l’année 2021 avec une politique de gestion crédits plus agressive, au détriment de la duration pure des emprunts d’états.

Ne pas vendre la peau de l’ours

Nos vues de marché nous permettent d’aborder l’année 2021 avec une confiance et une sérénité toutes relatives. Si notre scénario central, qui va de pair avec la poursuite de la bonne tenue des marchés actions, est validé, cela nous permettra d’envisager des performances de bonne facture bien qu’inférieures à celles de 2019 et 2020, vraisemblablement aux alentours de 3-4% si tout va bien. Le problème des scénarios centraux, c’est qu’ils sont souvent mis à l’épreuve par des événements inattendus. Nous allons donc faire preuve d’humilité et de pragmatisme car il va falloir, comme en 2020, se tenir prêts à modifier très rapidement (et sans doute plusieurs fois dans l’année) nos stratégies en fonction de l’actualité politique, économique, financière, sociale et sanitaire. 

Personne ne garantit aujourd’hui que les fameux vaccins seront disponibles et efficaces, sans effets secondaires majeurs. Personne non plus ne peut évaluer la probabilité d’un troisième, quatrième ou cinquième confinement en 2021. Les marchés actions, en apesanteur depuis le 23 mars 2020 (et confortés dans leur envol par l’arrivée des vaccins) ne sont pas à l’abri d’une correction. Alors n’enterrons pas trop vite les Treasuries et soyons prêts à leur redonner leur chance. Ce n’est pas le moment de résilier nos polices d’assurances incendies car le feu semble maîtrisé et presque éteint mais peut repartir à tout moment!

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