CPI US et BCE avant la Fed

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

5% d’inflation

Les chiffres d’inflation aux Etats-Unis n’arrêtent pas de grimper. Avec +0,6% sur un mois, propulsant l’inflation annualisée à +5% (après +4,2% le mois dernier), les «inflationnistes» qui ne croient pas aux affirmations de la Fed, avaient de quoi pavoiser! De toutes ces statistiques d’évolution des prix, celle qui nous a le plus impressionnés est sans doute le +3,8% core, hors alimentation et énergie. Il y a tout de même de quoi ébranler les convictions les plus fortes et si nous restons dans le camp des «inflation-sceptiques» qui, à l’instar de la Fed estiment cette poussée de fièvre temporaire, nous restons prudents et prêts à réviser éventuellement notre jugement.

Sur les marchés, l’ambiance est très différente. Ces chiffres, à une autre époque, auraient provoqué un tsunami mais jeudi dernier, on a frôlé l’indifférence. Il se passe clairement quelque chose d’assez inattendu sur les taux longs US, un phénomène que nous avions pourtant identifié mais que nous avions sous-estimé. Dans notre chronique du 20 avril, intitulée «un tapering plus dangereux que l’inflation», nous écrivions que l’analyse technique sur le 10 ans US nous indiquait des objectifs se situant entre 1,44% et 1,40% et que la mode du «tous shorts taux longs» était en train de devenir moins consensuelle. Sur la première partie, nous avions raison puisque nous sommes descendus à 1,43% vendredi (bravo et merci à notre spécialiste des nuages Ichimoku) mais sur la seconde partie nous nous sommes trompés.

Il n’y aura donc pas de tapering en zone euro avant que l’économie européenne se stabilise pour de bon.

Si l’on veut trouver une explication à ce mouvement incroyable et contre-intuitif qui a fait passer le 10 ans de 1,60% à 1,43%, validant l’analyse technique au détriment de l’analyse macroéconomique, il faut regarder du côté des positions shorts. Nous les avions sous-estimées et lorsqu’un chiffre de l’emploi un peu décevant au début du mois a provoqué une détente légère des taux longs, cela a suffi pour déclencher des stop-losses sur les positions shorts. Ces rachats de shorts ont alimenté la baisse de taux et l’effet boule de neige a fait le reste. Aujourd’hui, le niveau de 1,44% ayant été atteint et dépassé, il faudrait un événement d’importance majeure pour que le rally continue. De nouveaux débouclements de shorts que nous aurions, une fois de plus, sous-estimés?

La BCE rassure et rassure

Commençons par ce qui intéresse le plus les investisseurs en obligations: Christine Lagarde nous a rassurés en clamant haut et fort que la politique actuelle de la BCE ne sera pas modifiée dans un futur proche. Il n’y aura donc pas de tapering en zone euro avant que l’économie européenne se stabilise pour de bon. Les taux allemands, les spreads souverains périphériques et les crédits CSPP peuvent passer un été tranquille et nous également par la même occasion! Madame Lagarde nous a aussi rassurés en dévoilant les projections économiques révisées par la BCE. La croissance sera de 4,6% en 2021 puis 4,7% en 2022 pour redescendre à 2,1% en 2023. L’inflation atteindra 1,9% cette année puis 1,5% l’an prochain et 1,4% en 2023.

La reprise ne profite pas assez aux Afro-Américains et aux Hispano-Américains.

L’effet rattrapage Covid 2021-2022 est donc plus fort qu’attendu et c’est une excellente nouvelle. Pas assez bonne cependant pour infléchir la politique monétaire de la banque centrale qui prévoit, une fois passé le rebond, un retour «à la normale» d’avant Covid avec une croissance proche de 2% et une inflation inférieure à 1,5%. Faut-il en tirer des enseignements pour la réunion de la Fed demain soir? Sans doute car, même si les situations sont très différentes, la Fed va, comme son homologue en zone euro, continuer d’affirmer que l’économie est en convalescence tout en constatant que les signes de guérison sont de plus en plus clairs.

La Fed va parler de chômage: ils sont encore 7,5 millions d’Américains à avoir perdu leur job pendant la crise du COVID et à n’avoir pas encore retrouvé du travail. Jay Powell va peut-être reparler d’un aspect majeur de cette crise qu’il avait mentionné au printemps: la reprise ne profite pas assez aux Afro-Américains et aux Hispano-Américains. Nous saurons plus tard, lors de la publication des minutes, ce qui s’est vraiment dit à l’occasion de ce FOMC. Sans doute les plus hawkish et/ou les plus craintifs d’un début de spirale inflationniste vont demander l’ouverture officielle d’un débat sur le début du tapering. Les taux vont rester inchangés, le tapering ne sera pas officiellement évoqué (attendons Jackson Hole) mais si les achats de Treasuries et MBS ne seront pas remis en cause cette année, il n’en sera peut-être pas de même pour les corporate bonds. Jay Powell ne va donc sûrement pas nous donner demain un calendrier du tapering mais au détour d’une phrase, il pourrait évoquer dans quel ordre de priorité les achats d’actifs pourraient diminuer.

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