Chronique des taux de la banque Sturdza du 27 février

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Entre Fed et adjudications du Trésor, les taux US s’en tirent bien!

Des minutes de la Fed rassurantes…enfin pas tellement

A la suite de la publication des minutes du dernier FOMC présidé par Janet Yellen le 31 janvier, les marchés ont hésité. Dans un premier temps, le soulagement a pris le dessus car le rapport mentionnait que plusieurs membres de la Fed ne s’inquiétaient pas d’un retour de l’inflation. Mais le débat s'est durci depuis. La Fed estime que la croissance économique sera soutenue et qu’elle risque d’être boostée par la réforme fiscale de Donald Trump, ouvrant peut-être la voie à une politique monétaire plus agressive comprenant quatre hausses de taux cette année au lieu des trois attendues. Les craintes inflationnistes sont vraiment apparues début février. Il est possible que les membres du comité qui défendaient une analyse prudente de l’inflation aient changé d’avis en février.

Le total des nouvelles émissions doit atteindre plus de
1'000 milliards de dollars cette année contre 488 en 2017.
Le 10 ans US toujours sous 3%

La semaine dernière a été marquée par le début des adjudications 2018 du Trésor US. Rappelons que le total des nouvelles émissions doit atteindre plus de 1'000 milliards de dollars cette année contre 488 en 2017. Le coup d’envoi a été donné mardi avec 151 milliards de bons du Trésor à 3 et 6 mois ainsi que 28 milliards à 2 ans. Mercredi a été la journée du 5 ans avec 35 milliards alors que jeudi, 29 milliards de 7 ans ont été alloués. Comme il fallait s’y attendre, le cumul des adjudications n’a pas été de tout repos pour la courbe des US Treasuries. Mais nous aurions franchement pu connaître pire scénario.

Le 2 ans s’est aventuré dans la zone 2,26%-2,28% avant une légère détente généralisée vendredi. Le 10 ans a corrigé de 2,88% à 2,95% pour redescendre à 2,86% vendredi tandis que le 30 ans, passé de 3,14% à 3,23%, est redescendu à 3,14% en fin de semaine. Cela nous conforte dans l’idée exprimée la semaine dernière dans ces mêmes colonnes que nous avons peut-être déjà vu le top sur les taux US et que ceux qui attendent un franchissement de la barre des 3% sur le 10 ans pour investir pourraient s’en mordre les doigts. C’est dans cet esprit que BNP Paribas a mis à jour vendredi sa stratégie de taux, passant à neutre sur la duration US mais toujours baissier sur l’Europe. En revanche, Goldman Sachs a révisé son objectif de taux 10 ans de 3% à 3,25%.   

Les taux hypothécaires moyens aux Etats-Unis sont passés à 4,4%,
les prêts étudiants à 5% et les cartes de crédit à…14,9%.
Il y a sans doute plus important

Nous avons tendance à commenter ces niveaux de taux sans toujours faire le lien avec le «concret». Or, la récente tension sur les Treasuries a un véritable impact sur l’économie réelle. Dorénavant les taux moyens d’hypothèques aux Etats-Unis sont passés à 4,4%, les prêts étudiants à 5% et les cartes de crédit à…14,9%. Qui peut prétendre que ces hausses n’auront aucune incidence sur la consommation des ménages (qui représente 65%-70% du PIB) dans les prochaines semaines ou prochains mois? Vues sous cet angle, quatre hausses de taux de la Fed seraient une sérieuse menace pour l’économie et d’ici quelques mois, les craintes d’inflation pourraient faire place aux craintes de ralentissement voire de récession. Par conséquent, même si à très court terme nous devons focaliser notre attention sur les statistiques d’inflation (salariale notamment), il ne faudra pas négliger les premières estimations de croissance du premier trimestre qui seront publiées le 27 avril. Nous pourrions avoir des surprises…

La corrélation entre S&P 500  et taux US 10 ans en question

Nous avons tous le souvenir de nos manuels scolaires qui nous expliquaient que lorsque le prix des actions monte, celui des obligations baisse et vice-versa. C’est un peu vite oublier que dans certaines circonstances, cette règle vole en éclats et les deux marchés évoluent de concert. C’est surtout le cas lorsque les marchés sont dominés principalement, voire exclusivement, par la peur de l’inflation. Par conséquent, l’évolution récente des obligations et actions américaines, vue sous cet angle, devient compréhensible. Ainsi, pour expliquer ce phénomène, il nous paraît erroné d’invoquer un changement de régime dû à des niveaux de taux trop faibles ou à des politiques d’assouplissements quantitatifs massifs qui ont perturbé durablement cette corrélation. Nous sommes simplement passés dans une phase de crainte inflationniste et les deux marchés se comportent comme ils doivent théoriquement le faire dans ce cas-là. Il suffirait que la peur de l’inflation diminue –ou disparaisse aussi vite qu’elle est arrivée- pour que tout redevienne «comme avant». Au cas où la Fed deviendrait trop agressive dans les mois qui viennent, mentionnant une crainte non de l’inflation mais d’une croissance trop dynamique, cela pourrait engendrer une nouvelle vague de correction des actions et un rally des Treasuries. Mais nous n’en sommes pas encore là !

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