Chronique des taux de la banque Sturdza du 20 février

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Craintes inflationnistes en hausse mais taux longs US en baisse.

CPI et PPI mettent de l’huile sur le feu

Au cours de la semaine dernière, les statistiques US d’inflation, tant à la consommation (CPI) qu’à la production (PPI), semblent avoir persuadé les marchés que l’inflation est de retour. Le CPI mensuel est passé de +0,2% à +0,5% alors que le consensus attendait +0,3%. Ainsi, en rythme annuel, le taux d’inflation s’est maintenu à 2,1% alors que l’effet de base aurait dû le faire redescendre à 1,9%. Hors alimentation et énergie, le 0,3% maintient l'inflation de base à 1,8% annualisée. Le rebond des prix à la production (PPI) est plus spectaculaire puisque sur le mois passé, les prix ont bondi de 0,5% contre 0% le mois précédent, propulsant le PPI en rythme annuel à +2,7% (contre 2,4% attendu) et +2,2% hors alimentation et énergie (contre +2% attendu).

La baisse du dollar relance le débat sur
le rebond de l'inflation importée aux Etats-Unis.

Nous estimons toujours qu’il est prématuré d’émettre des jugements définitifs: il s’agit probablement de réajustements de prix dans un environnement à long terme toujours dépourvu de risque inflationniste significatif. Cependant, certaines statistiques vont, à court terme, vraisemblablement aller à l’encontre de cette tendance lourde. Par exemple, la poursuite de la baisse du dollar index (DXY) la semaine dernière, de 90,50 lundi à 88,25 vendredi matin devrait relancer le débat sur la poursuite de la faiblesse du dollar et, par ricochet, sur le rebond de l’inflation importée aux Etats-Unis.

Mais le 10 ans US peine à atteindre 3%

Le taux des US Treasuries à 10 ans avait entamé une détente, de 2,88% à 2,82% jusqu’à la publication du CPI mercredi après-midi pour ensuite remonter à 2,94% jeudi matin puis clôturer la semaine à 2,875%, soit un niveau proche de celui de lundi matin. Il semblerait que, pour l’instant, ce fameux niveau de 3%, qui ne correspond pas à grand-chose sinon à une barrière psychologique, a du mal à être atteint. Le comportement du 30 ans a été encore plus surprenant, passant de 3,18% lundi à 3,10% mercredi matin pour retourner à 3,18% mercredi après-midi et jeudi (mais pas plus haut) puis terminer la semaine à 3,13%, 5bp au-dessous du niveau de lundi matin. Il n’est pas exclu que nous ayons connu les plus hauts sur les taux longs US jeudi dernier mais seul l’avenir nous le dira.

Le 8 mars prochain, les propos de
Mario Draghi seront scrutés à la loupe.

Le Bund Allemand a évolué dans le sillage des taux US jusqu’à jeudi midi. Démarrant la semaine à 0,78%, il s’est détendu jusqu’à 0,72% pour remonter à 0,79% jeudi matin. Il a ensuite tenté de retrouver les niveaux de mardi matin pour terminer la semaine à 0,70%. Contrairement à son homologue américain, il est très peu probable que le 10 ans allemand ait atteint son niveau le plus haut (0,806% le 8 février). Autant dire que le 8 mars prochain, les propos de Mario Draghi seront scrutés à la loupe. Entre temps, le 4 mars, les urnes auront rendu leur verdict en Italie. Nous ne pouvons donc pas exclure un écartement des spreads périphériques ainsi qu’un «fly to quality» vers le Bund. Mais a priori ces mouvements devraient être de faible ampleur.

Que deviennent les spreads de crédit ?

En préambule, rappelons que les obligations d’entreprises se caractérisent par un risque asymétrique et doivent être analysées sous plusieurs angles. La méthode la plus simple, mais pas la plus stupide, est de considérer qu’un «corporate» est la combinaison d’un emprunt d’Etat (risque de duration) et d’une vente de put sur l’action de la société (risque de crédit). En Europe, un troisième risque vient s’ajouter aux deux premiers. Il s’agit du risque de liquidité le jour où le principal acteur du marché, la BCE avec son programme d’assouplissement quantitatif, commencera à se retirer. Ainsi, la composante «Bund»  risque de corriger, la composante «spread corporate» également au fur et à mesure du retrait de l’acheteur principal et enfin, dans un marché action plus volatil, la valorisation de la vente de put peut réserver des surprises extrêmement désagréables.

Nous pouvons désormais «bloquer» sans
difficulté des rendements supérieurs à 2,5%.

Cette démonstration valable pour la classe d’actifs Investment Grade l’est également pour le High Yield mais dans des proportions infiniment plus grandes. Aujourd’hui, cette classe d’actifs est celle qui risque de corriger le plus fortement. Si elle est à l’abri des flux de QE des banques centrales qui ne sont quasiment pas présentes sur ce segment, elle est en revanche la plus exposée à un éclatement du marché des ETF qui rejaillirait sur les valorisations des obligations sous-jacentes. Pour terminer, le marché des crédits Investment Grade US est relativement à l’abri par rapport à son homologue européen. Nous préconisons même, dans une logique «buy and hold» de commencer à regarder la dette à 2 ans d’excellentes entreprises Single A. Le 2 ans Treasury s’élevant à pratiquement 2,20%, nous pouvons désormais «bloquer» sans difficulté des rendements supérieurs à 2,5%. Dans l’environnement actuel, cette proposition commence à être alléchante!