Chômage US = inflation = 5,4%

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

943'000 créations d’emplois

Vendredi dernier, les statistiques de l’emploi aux Etats-Unis ont créé la surprise. Le marché s’attendait à des chiffres vigoureux, mais pas à ce point. Avec 943'000 créations d’emploi en juillet assorties d’une révision à 938'000 pour le mois de juin, nous nous approchons du chiffre magique d’un million par mois, synonyme de tapering imminent. Le taux de chômage est donc passé de 5,9% à 5,4% (contre des attentes à 5,7%) et si le rythme de l’améliorations se poursuit, nous serons proche du plein emploi assez rapidement. De quoi inciter la Fed à accélérer le mouvement. De nombreuses personnalités, comme (pour n’en citer qu’une) Mohamed El-Erian, pressent la banque centrale américaine de communiquer le plus rapidement possible sur ses intentions. Nous sommes théoriquement d’accord avec elles mais, en pratique, nous estimons qu’elles oublient trop rapidement les ravages provoqués par le variant Delta à travers le monde et dans certains états américains. Il est beaucoup trop tôt pour ranger le Covid dans l’armoire aux mauvais souvenirs. Ensuite, si nous pensons que la Fed ne devrait pas trop tarder à dessiner les contours du tapering, c’est parce que nous craignons un «coup de mou» de la croissance américaine au cours des prochains trimestres. Il ne faudrait pas que Jay Powell se retrouve pris au piège en devant annoncer la mise en place d’une politique monétaire moins accommodante au début d’un ralentissement. Il y a donc vraisemblablement une fenêtre de tir qui s’ouvre aujourd’hui pour la Fed, qu’elle en profite ! Jackson Hole (du 26 au 28 août) serait l’endroit idéal pour commencer à évoquer ce fameux tapering, en donnant rendez-vous aux marchés le 22 septembre, date du prochain FOMC, pour distiller des informations un peu plus précises.

A très court terme, il est sans doute urgent de ne rien faire. La rentrée se profile, avec Jackson Hole en point de mire.
Un CPI conforme aux attentes

Les statistiques d’inflation publiées hier n’ont pas étonné les marchés. Elles sont sorties plus ou moins conformes aux attentes avec +0,5% sur le mois et 5,4% YoY. Nous nous sommes attardés sur le +0,3% hors alimentation et énergie, une progression un peu «faiblarde» qui semble valider le scénario d’un retour progressif vers des hausses de prix plus modérées et moins spectaculaires. La Fed a donc toutes les cartes en main : le chômage recule et l’inflation a peut-être déjà passé un pic en progressant conformément à ses estimations. Disons-le clairement, si le Covid était définitivement sorti de l’équation, il n’y aurait pas vraiment de raison valable pour empêcher un retour du 10 ans US vers 2%. C’est ce que pense d’ailleurs Morgan Stanley qui encourageait encore les investisseurs à déployer des stratégies short à 1,20%-1,25%, avant les chiffres de l’emploi, en prévision de la remontée brutale des taux longs au cours des prochaines semaines. Une fois de plus, nous recommandons la prudence tant que les doutes concernant l’impact du Covid restent significatifs. Cette prudence est également justifiée par nos craintes concernant la croissance économique future des Etats-Unis. Nous ne nous attendons pas à un ralentissement marqué mais plutôt un scénario dans lequel la croissance atteindrait un plateau avant la fin de l’année. Cette nouvelle, si elle s’avérait exacte, ne serait sans doute pas bien accueillie par les marchés actions: raison de plus pour ne pas parier sur des remontées de taux vertigineuses. Sur les niveaux actuels, nous sommes probablement en zone neutre et toute prise de position trop agressive pourrait se payer cher. Nous avons remonté légèrement la duration de nos portefeuilles en dollars après la publication des chiffres de l’emploi mais à dose homéopathique. Nous restons positifs sur les spreads de crédit mais commençons à considérer que les emprunts hybrides corporates (hors bancaires) deviennent vraiment chers. Dans ce domaine, il n’est pas urgent non plus de prendre des paris hasardeux. Dans le langage des banques d’investissement, cela revient à dire que nous passons de «acheter» à «conserver». De plus, les spreads de ces dettes subordonnées sont très sensibles à l’évolution des marchés actions et ces derniers nous semblent également atteindre des niveaux qui incitent à la prudence. A très court terme, il est sans doute urgent de ne rien faire. La rentrée se profile, avec Jackson Hole en point de mire. La torpeur estivale est donc bien derrière nous.

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