Un FOMC hawkish mais prudent

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Dot plots et tapering

Hawkish: c’est le premier mot qui vient à l’esprit à l’issue du FOMC de mercredi dernier. Tout y est passé avec la révision à la hausse de prévisions de croissance et inflation, les dot plots avec deux hausses prévues en 2023 mais avec déjà 7 membres qui désirent une première hausse de taux dès 2022 et enfin les premiers débats au sujet du tapering. Si l’on y regarde de plus près, on se rend compte que Jay Powell est surtout prudent. Il a réaffirmé qu’il ne fallait pas forcément prendre les dot plots pour argent comptant, il a insisté sur les incertitudes liées à l’inflation (peut-être supérieure à ce que la Fed avait anticipé) et il a maintenu le flou concernant le calendrier du tapering. 

En fait, la Fed donne du temps au temps car tous ces sujets vont être immanquablement influencés par la politique budgétaire et fiscale de Biden-Yellen. Si le pouvoir politique désire un rebond de croissance significatif, la Fed ne l’entend pas de cette oreille, surtout si c’est pour faire repartir l’inflation pour de bon. La balle est donc dans le camp de l’administration Biden et du Congrès: ce sont les futures mesures gouvernementales qui conditionneront l’évolution de la croissance et de l’inflation dans les mois qui viennent. 

Le spectre d’un remake du taper tantrum 2013
semble s’écarter significativement, pour ne pas dire définitivement.

Autrement dit, si Biden-Yellen devaient se montrer trop dovish, la Fed pourrait se permettre un tour de vis supplémentaire pour contrebalancer une politique gouvernementale trop laxiste risquant de faire passer la banque centrale trop behind the curve. C’est, à notre avis, la lecture qu’il faut tirer des remarques de Jay Powell au sujet des dot plots. Tout reste ouvert à la Fed et les hausses de taux pourraient bien intervenir plus tôt… ou pas. Concernant le tapering, le spectre d’un remake du taper tantrum 2013 semble s’écarter significativement, pour ne pas dire définitivement (mot tabou sur les marchés car rien n’est jamais définitif). Depuis plusieurs semaines, nous souscrivons à l’idée que Jackson Hole serait parfait en termes de calendrier pour communiquer un peu plus précisément sur le sujet.

Bullish flattening

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître: un temps où un FOMC de cet acabit aurait provoqué un tsunami sur la courbe des taux. Nous avons tout de même eu droit à un mini-raz de marée mais à l’envers! Le 30 ans est passé sous la barre des 2% et le 10 ans est allé flirter avec 1,35%. Tant pis pour les shorts! Certes, le repli à Wall Street a eu une petite influence sur l’évolution contre-intuitive des taux longs mais le débouclement de nombreux reflation trades initiés au cours du premier trimestre est resté le principal moteur de ce rally. Ces stratégies de reflation, crowded trades par excellence, ont été mises à mal par la Fed et par Jerome Powell en particulier. 

Les TIPS sont devenus dangereux et ne doivent leur salut
qu’aux achats de la Fed, mais jusqu’à quand?

La Fed a convaincu (en tout cas provisoirement) qu’il ne faut pas trop s’amuser à parier sur un steepening de courbe trop prononcé. A force de marteler que l’inflation n’est que temporaire, Jay Powell a mis dans sa poche la majorité des intervenants sur les marchés de taux et depuis ce fameux CPI de 5%, on a l’impression que le marché s’est convaincu que plus le pic actuel est violent, plus le soufflé retombera vite et fortement. Le FOMC a surtout fait initialement grimper le 5 ans. Cette échéance était à la merci du premier dot plots venu et les premières estimations de remontées des taux Fed funds ont logiquement influencé négativement son comportement. Comme dans le même temps le 10 ans et le 30 ans se détendaient, nous avons eu droit à un bullish flattening plutôt inattendu dans de telles circonstances. Il est également intéressant de noter la détente des breakevens d’inflation et la remontée des taux réels (même s’ils se sont détendus de nouveau vendredi). 

Nous maintenons nos convictions sur les TIPS: ils sont devenus dangereux et ne doivent leur salut qu’aux achats de la Fed, mais jusqu’à quand? Lorsque le tapering sera mis en place par la banque centrale, ils risquent bien de figurer sur la liste des premières victimes. A plus long terme, peut-être dès 2023, l’économie américaine reviendra sur le rythme de croisière qu’elle connaissait avant le Covid, à savoir une inflation légèrement inférieure à 2% et une croissance supérieure à 3%. Ces niveaux sont incompatibles avec les taux actuels mais devraient logiquement cohabiter avec des Fed funds à 0,5% et un 10 ans supérieur à 2%. Mais nous parlons de 2023 au minimum, soit un horizon supérieur à 18 mois alors que nous ne sommes pas capables de savoir ce qu’il va se passer dans les trois mois qui viennent! Une belle occasion pour rappeler que nous devons, plus que jamais, faire preuve de pragmatisme et humilité.

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