Le message des taux longs

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Macroéconomie et variant Delta

En règle générale, notre activité est rythmée par trois sujets majeurs. Le premier sujet est bien évidemment l’évolution de la macroéconomie. Cette évolution est dominée par trois thèmes principaux qui sont la croissance économique, l’inflation et le chômage. Le second sujet concerne l’appréciation de cet environnement par les banques centrales ainsi que les conséquences sur leurs politiques monétaires. Enfin, le troisième sujet englobe les réponses apportées aux deux premiers sujets par le comportement des marchés obligataires et de celui des taux longs en particulier. 

Juillet n’a pas dérogé à la règle avec toutefois un bémol de taille: le retour des craintes Covid avec son lot d’informations plus ou moins inquiétantes à propos des ravages causés par le variant Delta, les questions sur l’efficacité de certains vaccins face à ce variant et plus généralement la lenteur du processus de vaccination dans certains pays. Pour revenir sur les deux premiers sujets, l’économie est toujours en voie d’amélioration, l’inflation (certes élevée) est toujours perçue comme un phénomène temporaire et les banques centrales sont restées très prudentes. La surprise est venue de la BCE qui, en modifiant la définition de son objectif d’inflation, semble repousser aux calendes grecques toute velléité de durcissement de politique monétaire. 

Il va falloir suivre de près l’évolution du variant Delta
et ne surtout pas négliger les chiffres de l’emploi vendredi.

A l’occasion du FOMC du 28 juillet, la Fed a constaté une poursuite de l’amélioration des conditions économiques aux Etats-Unis, y compris dans les secteurs les plus touchés par la pandémie, mais n’a pas souhaiter évoquer à ce stade un quelconque changement à court terme. Jay Powell n’a pas souhaité ajouter de l’huile sur le feu et a tenté de minimiser les craintes relatives au Covid. Nous avons surtout appris que, dans la trilogie croissance/inflation/chômage, la Fed établit une hiérarchie très instructive. Jay Powell a répété que le phénomène d’inflation est temporaire et que la Fed est beaucoup plus sensible à l’évolution du marché du travail. 

Ainsi, pour que le tapering soit mis en route, il suffirait de constater une embellie des chiffres de l’emploi alors qu’une hausse des Fed Funds devrait répondre à deux exigences en même temps: le plein emploi et une inflation stabilisée à 2% voire légèrement au-dessus. Dans un tel contexte, les taux longs ont poursuivi leur détente au cours du mois de juillet et le message est clair: il va falloir suivre de près l’évolution du variant Delta et ne surtout pas négliger les chiffres de l’emploi vendredi à 14h30 ainsi que tous les premiers vendredis du mois suivants.

Détente générale

Les taux longs américains et allemands, tant nominaux que réels, se sont encore détendus au cours du mois de juillet et de manière encore plus spectaculaire qu’en juin. Le 10 ans US se stabilisait autour de 1,25% en fin de mois tandis que le taux réel du TIPS 30 ans s’approchait de -0,40%! Dans le même temps, le Bund 10 ans retournait vers -0,45% alors que son homologue indexé sur l’inflation s’approchait de -2%. Quel message faut-il en tirer? Nous avons dégagé quatre enseignements de cette situation. 

La Fed sous-estime les dégâts provoqués par le variant Delta en Asie.

En premier lieu, le risque Covid est toujours élevé et il remonte en flèche. La Fed sous-estime les dégâts provoqués par le variant Delta en Asie. Toutefois, il ne fallait pas attendre de Jay Powell un discours alarmiste: ce n’est pas le job de la Fed d’entretenir la panique et de déclencher un décrochage du S&P500! Ensuite, le scénario d’inflation temporaire est largement validé par le marché, ce qui n’était pas évident à prévoir en février-mars. Troisièmement, le rebond économique risque d’atteindre un plateau à la rentrée. Les chiffres de croissance publiés jeudi dernier ont été décevants et accréditent partiellement cette thèse de plateau. 

Enfin, les valorisations stratosphériques de certains marchés actions poussent à la prudence et à un retour vers quelques valeurs refuges. En revanche, si, au départ de ce bull market, nous pouvions envisager que le mouvement baissier des taux longs était accentué par des débouclements de positions «shorts», ce n’est plus le cas. 

Le message des marchés obligataires est donc clair (à défaut d’être forcément juste, seule l’histoire nous le dira): la prudence est de mise. Nous avons légèrement remonté notre duration en coupant une partie de notre position short sur le contrat Future 10 ans US et allons vraisemblablement poursuivre dans cette voie mais sans trop prendre de positionnement trop agressif. Nous n’avons pas terminé de parler du Covid et dans de telles circonstances, il y a pratiquement autant de chances de voir le 10 ans US terminer l’année à 1% qu’à 2% en fonction de l’évolution de la pandémie, du chômage US et des annonces de la Fed à propos du tapering. Nous vous donnons déjà rendez-vous vendredi à 14h30 pour tenter d’y voir un peu plus clair, mais cela n’est même pas sûr! 

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