Y-aura-t-il de l’inflation à Noël?

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

2 minutes de lecture

Le retour de l’inflation est-il durable? Les marchés commencent à s’en inquiéter.

La cause est entendue et largement attendue, l’inflation gagne du terrain. Que ce soit du côté des prix chinois à la production (en hausse de 6,8% sur un an en avril), ou encore des prix américains à la consommation (+4,2% sur un an, et même +3,0% hors alimentation et énergie), la tendance est à la hausse et les marchés s’en ressentent1.

Les raisons de ces accélérations sont assez bien répertoriées. Faisons le point. Les prix des matières premières agricoles, industrielles et ceux de l’énergie ont bondi, affichant des reprises de 50% à 80%. En tête de palmarès, les prix du cuivre, le métal conducteur d’électricité, qui illustre à lui seul la transformation accélérée du secteur auto à l’électrique, tandis que les contraintes d’activité pèsent encore dans les régions productrices touchées par la pandémie. Alors que la demande repart, la Chine de son côté semble décidée à réduire ses émissions de CO2, en limitant les capacités de production de ses industries lourdes. Plus en aval, les bars et les restaurants – pour ne parler que d’eux – reprennent du service, et se trouvent à court de personnel. Ainsi les chiffres américains des créations d’emplois d’avril, n’étaient décevants qu’en apparence. Il n’est question que de manque de main d’œuvre et de promesses d’augmentations de salaires. Loin du Congrès, le salaire minimum à15 dollars de Joe Biden est sur le point d’être adopté, depuis les géants de la distribution (Amazon en tête) jusqu’aux plus petites et moyennes entreprises.

Le choc est temporaire, la dynamique de reprise est un rattrapage salutaire…

Hausse de la demande finale grâce aux mannes budgétaires, redémarrage de l’activité, tensions sur les chaînes logistiques, le choc d’offre initial provoqué par la pandémie, masqué par l’effondrement de la demande l’an passé, revient en boomerang.

A ce stade, rien de fondamentalement inquiétant. C’est en tout cas ce qu’affirment et réitèrent les banques centrales à chacune de leurs réunions: le choc est temporaire, la dynamique de reprise est un rattrapage salutaire, qui fermera le gap ouvert l’an passé.

Alors pourquoi s’en inquiéter? Certes, les appels au resserrement monétaire se font plus pressants. Il semble pourtant que ce soit plutôt du côté du retrait progressif des soutiens budgétaires qu’il faille attendre l’accalmie. Les plans de relance annoncés et promis, jugés insuffisants du côté européen et surestimés du côté américain, ne devraient pas pouvoir entretenir longtemps le feu de la croissance. De même, la transformation économique à l’œuvre s’accompagne d’une accélération de la robotisation et de l’espoir d’un relèvement de la productivité générale, capable d’absorber le surcroît de revenus distribués.

Le surplus de cash confine à l’argent magique, au risque de déstabiliser les systèmes financiers.

Il reste que les surenchères récentes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de redéploiement des chaînes de valeurs, du consommer local, aussi souhaitables soient-elle, contraignent à une conversion accélérée des industries. Le ralentissement continu de la croissance de la main d’œuvre se poursuit, y compris en Chine. Soucieux de ne pas reproduire les «erreurs» de l’après 2008, les Etats sont entraînés vers plus de dettes, tandis que le surplus de cash disponible confine à l’argent magique, au risque de déstabiliser les systèmes financiers.

Les à-coups de la conjoncture immédiate, encore marquée par les sursauts de la pandémie, d’une région à l’autre, ne permettent pas de tirer des conclusions définitives quant au retour durable de l’inflation. Les effets de base vont flouter le tableau général et permettre des interprétations divergentes et autant de soubresauts des marchés.

En attendant, l’accroissement des déficits américains fait reculer le dollar, les rendements à long terme se tendent sur les marchés périphériques, les rotations sectorielles s’accélèrent.

Faudra-t-il redouter ce qu’on a tant souhaité?

 

1 Voir notre article du 9 mars 2021: «Le p’tit taux qui monte»

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