Une récession sous ordonnance

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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L’économie mondiale étant fermée pour sauver des vies, il est inutile de tenter une interprétation des indicateurs économiques.

Aux Etats-Unis comme ailleurs, les chiffres record du chômage ne font en effet que refléter l’interdiction de travailler. C‘est une récession sur ordonnance. Dans ce contexte, les deux principaux facteurs qui font bouger les marchés sont les données épidémiologiques et les décisions des gouvernements et banques centrales responsables des filets de sécurité.

Le gel quasi-total de l’économie mondiale ne pourra cependant durer beaucoup plus longtemps. Avant l’arrivée de vaccins – peut-être au début de l’année prochaine, selon Johnson & Johnson – l’étape suivante sera probablement celle d’un dégel progressif à partir de mai et juin. Les confinements seraient plus ciblés, différents remèdes employés, les masques plus disponibles, et la sérologie et les tests de dépistages deviendraient plus systématiques. C’est déjà le cas en Chine ou en Corée. L’Italie suivra bientôt et sera un cas très intéressant à suivre (et nous l’espérons tous, encourageant). L’Italie, et en particulier la Lombardie, a en effet rejoint la Chine et la Corée dans la liste des pays qui ont passé le point critique.

L’Europe est en train de s’atteler à produire des mesures
de soutien et de solidarité pan-européenne.

Du côté des filets de sécurité, la Réserve fédérale américaine a annoncé qu’elle débutera lundi 6 avril un programme massif de refinancement des obligations du Trésor américain détenues par 170 banques centrales (surtout dans les pays émergents). Le but est de permettre de redétendre le marché du financement en dollar et de contribuer aussi à stabiliser les devises. C’est important, car les interventions massives et multiformes de la Banque centrale américaine sont un des meilleurs espoirs pour que les primes de risques qui se sont empilées en février et mars commencent à rebaisser.

Sur un autre front, l’Europe est en train de s’atteler à produire des mesures de soutien et de solidarité pan-européenne. Une première salve est prévue pour le mardi 7 avril, dont une activation possible du mécanisme européen de stabilité (MES) pour certains pays (Italie, Espagne), un renforcement du capital de la Banque européenne d’investissement, et la mise en place d’une réassurance chômage. Sur les 19 pays de la zone euro, 14 voudraient aller beaucoup plus loin en mutualisant une partie de la dette, mais le combat avec l’Allemagne et les Pays-Bas s’annonce très rude.

En l’absence de possibilité légale de monétiser les dettes, il est absolument nécessaire d’empêcher que l’explosion attendue des dettes publiques partout dans le monde ne provoque une forte hausse des charges d’intérêt. La méthode pour y parvenir est simple et éprouvée: fixer et maintenir les taux d’intérêt proche de zéro. Car zéro multiplié par n’importe quel chiffre même astronomique de dette publique, cela fait toujours zéro. C’est ce que fait le Japon depuis longtemps, l’Europe depuis 2014/15, et les Etats-Unis viennent de s’y mettre. Contrairement à l’intuition, donc, plus la dette publique est élevée, plus les taux doivent baisser. Cette loi est plus difficile à produire dans tous les pays de la zone euro car l’union monétaire n’est pas une union budgétaire. Mais depuis que la Banque centrale européenne a franchi le Rubicond en 2012, puis en 2015, puis à nouveau il y a quelques semaines, les risques ont beaucoup diminué. Si les taux des pays périphériques de la zone euro n’arrivent pas à se redétendre, la BCE a encore beaucoup de marge de manoeuvre pour gérer la situation.

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