La bataille contre le ralentissement économique prend forme

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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Le débat fait rage à propos des conséquences pour les marchés de la forte baisse récente des taux d'intérêt à long terme.

D’un point de vue pessimiste, l'écroulement des taux d'intérêt reflète un niveau d'angoisse économique incompatible avec la hausse des cours des actions. La baisse trop forte et trop rapide des rendements obligataires et une correction déstabilisante qui pourrait bientôt intervenir, constituent un autre facteur d’inquiétude, comme en mai 2013 ou en mai 2015. Les optimistes, quant à eux, argueront que la valorisation des actions ne s'est pas encore adaptée à la réalité des taux très bas, comme le suggère le niveau élevé de la prime de risque des actions. Contrairement à une légende urbaine, la baisse des taux n'a en effet pas entrainé de hausse générale des PER. Elle semble cependant avoir contribué à un marché des actions à deux vitesses, poussant les investisseurs vers les valeurs défensives et de croissance, au détriment des secteurs «value» et cycliques.

Comme toujours, l'évolution des marchés financiers dépendra d'abord de l'équilibre entre les nouvelles économiques et la politique monétaire. Alors que le climat dans l'industrie mondiale s'est encore assombri en juin, que les tensions commerciales se poursuivent et que l'économie américaine montre quelques signes de faiblesse, les arguments en faveur d'une poursuite du ralentissement semblent pour l'instant l'emporter. En d'autres temps, les banquiers centraux étaient plutôt satisfaits de voir l'économie ralentir à ce stade avancé du cycle, car ils craignaient d'abord la surchauffe. Leur attitude contribuait d'ailleurs souvent à précipiter la fin du cycle. Mais aujourd'hui, et c'est inédit, tout ralentissement un peu durable de la croissance est perçu par les banques centrales comme une menace majeure, car l'inflation reste trop faible par rapport à leur objectif. La BCE a donc annoncé un nouveau cycle d'assouplissement, et la «Federal Reserve» s'apprête à baisser ses taux d'intérêt. Certains observateurs estiment que cette politique risque de créer des bulles, mais les banques centrales sont d'un autre avis prolonger ce cycle reste leur objectif principal pour éviter la déflation. Leur stratégie, c'est l'atterrissage en douceur.

Les incertitudes cycliques et politiques restent fortes, et une vague d'avertissements
sur les résultats dans l'industrie mondiale est en cours.

Le retour d'une BCE combative intervient à un moment où le vent tourne en faveur des politiques de soutien à la croissance et d'une dose supplémentaire de fédéralisme en Europe, comme le montre la nomination de Christine Lagarde à la BCE et d'Ursula Von Der Leyen à la Commission européenne. Une politique budgétaire plus souple et l'émission «d'obligations de projets» (par exemple pour financer l'économie verte) sont à prévoir pour 2020. Même les allemands commencent à penser qu'investir quand les taux d'intérêt sont négatifs n'est peut-être pas une si mauvaise idée. Comme toujours avec l'Europe, il faut éviter de s'enflammer, mais presque tout ce qui se passe en ce moment prend le contre-pied de la vision des Cassandre de l'euro.

Les investisseurs doivent-ils dès maintenant anticiper le succès des politiques de stabilisation économique, en revenant progressivement sur les valeurs cycliques et en réduisant le biais en faveur des valeurs défensives et de croissance? C'est tentant, surtout après déjà 18 mois de ralentissement industriel. Cependant, les incertitudes cycliques et politiques restent fortes, et une vague d'avertissements sur les résultats dans l'industrie mondiale est en cours. Dans nos portefeuilles flexibles internationaux, nous avons une pondération en actions proche de la normale, sans biais important en faveur de la «croissance» ou de la «value». Dans ce context, on peut se poser la question de la duration de la poche obligataire européenne tout en restant bien investis en obligations italiennes.

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