Pas d’euphorie, mais des questions sur la valorisation

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

1 minute de lecture

Loin de signaler un enthousiasme excessif, la dynamique boursière récente pose la question de la valorisation des actions.

©Keystone

Comme pour les épidémies précédentes (SRAS, H1N1, etc.), le coronavirus aura un impact négatif temporaire et réversible sur l’économie chinoise et mondiale. Cette épidémie surgit à un moment où les indicateurs confirment que les forces récessives à l’oeuvre depuis le printemps 2018 dans l’industrie mondiale se dissipent. Le PMI manufacturier des pays développés se redresse lentement depuis octobre dernier. Les immatriculations automobiles sont nettement reparties en Europe depuis quelques mois, ce qui prouve que la baisse précédente était surtout due aux disruptions d’offre liées à la transition énergétique et aux évolutions règlementaires. Enfin, les angoisses sur le commerce mondial se sont modérées suite à la signature d’un accord entre les Etats-Unis et la Chine. Le scénario de stabilisation économique semble donc bien en place.

Les investisseurs et analystes financiers étaient
en réalité beaucoup trop pessimistes en 2018 et 2019.

Au vu de la forte hausse des bourses mondiales depuis l’été dernier, on pourrait craindre que les investisseurs soient même devenus trop optimistes à propos du cycle économique. Ce n’est pas le cas. Les enquêtes de sentiment montrent que les investisseurs et analystes financiers étaient en réalité beaucoup trop pessimistes en 2018 et 2019, particulièrement en Europe. Ce sentiment s’est désormais simplement normalisé. Les taux d’intérêt à long-terme ont par ailleurs rebaissé, ce qui témoigne aussi d’une certaine prudence sur les perspectives de croissance. Enfin, le rebond des valeurs cycliques qui avait débuté en octobre a fait long-feu, et le leadership est revenu rapidement sur les secteurs défensifs et les valeurs de croissance.

Loin de signaler un enthousiasme excessif sur le cycle économique mondial, la dynamique boursière récente pose surtout la question de la valorisation des actions. A-t-on affaire à un risque de bulle, encouragé par exemple par la montée en puissance de l’ESG, ou à une réévaluation logique de la classe actions, motivée par l’écroulement des rendements des autres classes d‘actifs (obligations, immobilier des grandes villes)? Sans doute un peu des deux.

La prime de risque des valeurs de croissance reste confortable.

La suspicion d’un excès de valorisation ne concerne cependant qu’une partie du marché, celui des valeurs de croissance. Le ratio cours/bénéfice de l’indice MSCI monde «croissance» est monté à 23, au plus haut depuis début 2002, contre une médiane historique de 19,3 depuis 1994. La captation des profits par quelques oligopoles de la nouvelle économie, la hausse du taux de distribution des bénéfices, et la prime à la solidité dans un monde où la croissance se fait à la fois plus rare et plus disruptive ont sans doute favorisé cette évolution. En relatif aux taux réels des obligations du Trésor américain, la prime de risque des valeurs de croissance reste confortable, ce qui est très différent de la situation qui prévalait en 1999/2000. En revanche, par rapport au compartiment «value», dont le PER moyen est de seulement 13, les valeurs de croissance n’ont jamais été aussi chères depuis la bulle de 1999/2000. Cet écart va être de plus en plus difficile à justifier.

A lire aussi...